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Le nécessaire recours subsidiaire à la règle de conflit de loi

Le recours à la règle de conflit ne se justifie qu'en cas de divergence prouvée par les parties.

L'AUDCG ne supprime pas les conflits de lois formels. En conséquence, la possibilité que les droits soient différents demeure, même si elle est réduite. Dans ces conditions, le recours à une règle de conflit bilatérale pourrait logiquement s'imposer.

De plus, on pourrait considérer que les règles d'applicabilité de l'AUDCG prévues à l'article 234,

alinéa. 2430 remplissent une fonction de droit international privé, mais qu'elles ne se présentent pas

sous une forme parfaite de règle de droit international privé. Cette forme choisie par les rédacteurs de l'AUDCG peut être celle d'une règle de conflit bilatérale, dès lors qu'elle respecte les exigences des règles d'applicabilité de l'AUDCG.

Ainsi, la règle de conflit paraît indispensable au droit uniforme. Il convient d'examiner l'élaboration

de la règle de conflit dans l'AUDCG en déterminant son champ d'application (I) et sa teneur (II).

I Champ d’application de la règle de conflit

Les dispositions de l'AUDCG sont applicables dès lors que leur champ d'application dans l'espace est rempli. Ce champ d'application est réalisé dès lors que la situation est rendue internationale par certaines caractéristiques définies par l'AUDCG lui-même. Ainsi, son article 234, alinéa. 1 énonce que ses dispositions s'appliquent dès lors que les contractants ont le siège de leur activité dans un

des États Parties et qu'il existe un rattachement à la sphère de l'AUDCG. Il en résulte que le champ

d'application spatiale des règles de conflit propres à l'AUDCG est constitué à l'aide des éléments qui

429Op. cit, note n°427, spéc. p.125., spéc.p.125. Point 125.

430L'article 234, alinéa 2 dispose que « Sauf stipulations conventionnelles contraires, le contrat de vente commerciale est soumis aux dispositions du présent Livre dès lors que les contractants ont le siège de leur activité dans un des États Parties ou lorsque les règles du droit international privé mènent à l’application de la loi d’un État Partie ».

définissent l'internationalité.

La question du champ d'application se pose dès lors que les parties ne sont pas situées dans deux États contractants. Dans ces conditions, il faut donc créer des règles de droit international privé qui s'appliquent pour désigner la loi d'un État contractant quand le champ d'application des dispositions de l'AUDCG n'est pas rempli.

Le champ d'application spatial de la règle de conflit sera élaboré à partir des règles d'applicabilité qui définissent l'internationalité. Ainsi, dans un contrat de vente commerciale OHADA, l'internationalité de la situation découle de l'établissement des parties dans au moins un État

contractant. C'est ce qui ressort de l'article 234, al. 2 de l'AUDCG qui dispose que « Sauf

stipulations conventionnelles contraires, le contrat de vente commerciale est soumis aux dispositions du présent Livre dès lors que les contractants ont le siège de leur activité dans un des États Parties »431. La disposition de l'article précité complète la règle d'applicabilité spatiale en y ajoutant le rattachement à un État contractant.

La réunion de la condition d'internationalité et de celle du rattachement à un État contractant

justifient l'application des règles substantielles du droit uniforme432. L'AUDCG impose un lien entre

la situation et au moins un État contractant. En effet, il exige à l'article 234, alinéa 2 que les contractants aient le siège de leur activité dans (au moins) un des États Parties. L'AUDCG impose une coïncidence entre éléments constitutifs de l'internationalité et éléments de rattachement.

Ainsi, pour l'AUDCG, la règle de conflit propre à ce dernier ne s'appliquera que si les parties contractantes ont le siège de leur activité dans au moins un des États Parties. Si l'une d'elles n'est pas établie dans un État contractant, alors les règles de conflit de droit commun reprennent leur

empire433.

431L'article 234, alinéa 2 de l'AUDCG.

432V. Espinassous, « L'uniformisation du droit substantiel et le conflit de lois », LGDJ, 2010, p.295, spéc. n°614. 433Op.cit , note n° 432 , p.296, spéc. n°615.

La condition de rattachement à un État contractant intervient donc comme un élément supplémentaire de limitation du champ d'application spatial de la règle de conflit propre à l'AUDCG.

Comme on le voit, la condition de rattachement à un État contractant est inclus dans le champ d'application spatial de la règle de conflit qu'il convient d'articuler avec les règles de conflit nationales.

Il convient de relever que la règle de droit international privé propre à l'AUDCG n'a pas vocation à remplacer les règles de droit international privé des États membres de l'OHADA, mais doit coexister avec elles. Les règles de droit international privé propres à l'AUDCG s'appliqueront dès lors que les critères spatiaux de l'article 234 sont réunis.

Ainsi, l'internationalité de l'article 234 délimite le champ d'application spatiale de la règle de droit international propre à l'AUDCG. Cette délimitation participe à l'évaluation du caractère spécial de la règle de conflit propre à l'AUDCG et permet ainsi de justifier son application par priorité sur les

autres règles de conflit434. L'AUDCG est donc d'application nécessaire selon l'article 234 de

l'AUDCG précité qui prévoit que la loi d'un État membre s'applique dès que les parties sont établies dans deux États contractants différents. En revanche, selon la règle de conflit de loi, l'AUDCG ne s'applique que lorsque les règles du droit international privé mènent à l’application de la loi d’un État Partie. Les règles de droit international privé visées dans l'article 234 de l'AUDCG renvoient aux règles de conflit des États membres de l'OHADA.

Par ailleurs, l'article 234 de l'AUDCG délimite son champ d'application spatiale. Dans ces conditions, n'importe quel juge saisi d'un litige devrait vérifier si la situation relève des conditions d'application spatiale de l'AUDCG. Si la condition est remplie, il décidera de l'application de la loi d'application nécessaire ou de la règle de conflit en fonction de la présomption d’uniformisation. On retrouve cette limitation spatiale à l'article 172 de l'AUDCG. Cet article dispose que :

« Les dispositions du présent Livre s'appliquent même si le représenté, ou le tiers visé à l’article 169 ci-dessus, ont leurs établissements dans des États différents de ceux signataires du présent Acte uniforme, dès lors :

a) que l'intermédiaire est inscrit au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier de l'un des États Parties ; b) ou que l'intermédiaire agit sur le territoire de l'un des États Parties ; c) ou que les règles du droit international privé conduisent à l'application du présent Acte uniforme ».

Aux termes de cet article, l'application de l'AUDCG relatif aux intermédiaires de commerce par l'intermédiaire de la règle de conflit se fait à deux conditions. Il faut que le représenté ou le tiers aient leur siège dans des États différents (article 170, a) et b)). Dans ce cas l'application de l'AUDCG dépend du jeu des conflits de lois. Ensuite, il faut que la règle du juge saisi conduise à l'application de la loi d'un État partie (article 172, c).

L'AUDCG contient en effet des règles d'application qui exigent que les faits et les rapports de la vie humaine soient rattachés d'une certaine façon à un ou plusieurs ordres juridiques internes d’États

dont tous, ou au moins l'un d'entre eux, ont la qualité juridique de « parties contractantes »435.

Les règles de conflit de lois ayant leur source dans l'AUDCG devaient donc être relevées d'office, dès lors que l'élément d'extranéité qui en commande l'application apparaît à la lecture du dossier. Après avoir défini le champ d'application spatial de la règle de conflit propre à l'AUDCG, il convient de préciser sa teneur.

II La teneur de la règle de conflit propre à l'AUDCG

La règle de conflit de lois désigne pour un certain type de situation ou une catégorie de situations présentant un caractère international, l'ordre juridique qui fournira la solution matérielle déterminant les droits et obligations des sujets de ces situations. Elle correspond à un certain type de raisonnement qui serait la base et la voie de toute recherche de solutions aux problèmes de conflits de lois. Le conflit de lois met aux prises plusieurs ordres juridiques. Le raisonnement conflictuel permet d'appréhender le conflit de lois et de le traiter, même si parfois la désignation de la loi à laquelle il aboutit est écartée en raison de quelques éléments exceptionnels tels que l'ordre public ou les lois de police.

Nous avons dégagé ci-dessus les caractères de la règle d'application de l'AUDCG. Nous nous en servirons dans le présent sous-titre pour en faire les critères de notre règle de conflit afin de déterminer les droits et obligations des sujets opérant dans l'espace OHADA. Notre démarche n'est pas contradictoire. Notre raisonnement consistera à faire des règles d'application, une règle de conflit déterminant les conditions d'application de l'AUDCG. A ce titre, la règle de conflit de l'AUDCG doit comporter une règle de rattachement. Ce qui est conforme à la tendance actuelle en droit international privé classique selon laquelle toute règle de conflit comporte au moins un critère de rattachement. Il faudrait donc déterminer les critères de rattachement de la règle de conflit propre à l'AUDCG.

Selon un auteur, pour déterminer les critères de rattachement d'une convention de droit uniforme, il

faut consulter la règle d'applicabilité de la convention elle-même436. Pour l'AUDCG la règle est

posée à l'article 234, alinéa 2 qui prévoit que les dispositions issues de l'AUDCG s'appliquent dès lors que les parties sont établies dans deux États contractants.

La règle de conflit est en principe neutre. Toutefois, la règle de droit international privé propre à l'AUDCG est au contraire élaborée en vue d'assurer son application dans les cas qu'il a définis. Dans ces conditions, la coïncidence entre le critère de rattachement de la règle de conflit et la circonstance d'applicabilité de l'AUDCG, à savoir l'établissement d'une des parties permet de rendre toujours applicable la loi d'un État contractant quand le critère d'application de l'AUDCG est

réalisé. C'est à ce titre que, l'article 234, alinéa 2 dispose que « Sauf stipulations conventionnelles

contraires, le contrat de vente commerciale est soumis aux dispositions du présent Livre dès lors que les contractants ont le siège de leur activité dans un des États-Parties ». Il en résulte que le choix soit de l'établissement du vendeur, soit de celui de l'acheteur comme critère de rattachement de la règle de conflit respecte cette volonté. Dès lors que l'un ou l'autre est établi dans un État contractant, la règle de conflit désignera la loi de cet État.

Toutefois, une doctrine minoritaire a affirmé que la référence au siège dans « un des États parties »

vise les seules ventes internes à un État437. Pour notre part, cette affirmation n'est pas exacte. En

effet, l'article 234 alinéa 2 de l'AUDCG exige, contrairement à ce qu'affirment M.M Paul.G.Pogoué

et Gérard Ngoumsta438, que la situation soit internationale en raison de l'établissement des parties

dans deux États différents439. En effet, le paragraphe 1 de l'article 234 alinéa 2 sous-entend que

l'AUDCG peut s'appliquer aussi à des situations présentant un élément d'extranéité. C'est ce qui est

expressément formulé à l'article 234, alinéa 2 « Le contrat de vente commerciale est soumis aux

dispositions du présent Livre dès lors que les contractants ont le siège de leur activité dans un des États Parties ».

La règle de conflit ne s'applique que dans les limites spatiales dans lesquelles les parties sont établies. Dès lors que le vendeur et l'acheteur sont établis dans deux États différents, l'AUDCG s'applique soit parce que le critère du champ d'application est rempli, soit parce que le critère de la règle de rattachement est rempli.

436V. Espinassous, « L'uniformisation du droit substantiel et le conflit de lois », LGDJ, 2010, p.304, spéc. n°643. 437Sur cette question, voir G. A. Ngoumsta « Droit OHADA et conflits de lois », L.G.D.J, 2013, spéc. p.121 438Op. cit, note n°437

En conséquence, toutes les fois que la règle de conflit pourra être appliquée, elle désignera

n'importe quelle loi étatique qui sera toujours celle d'un État contractant440.

L'AUDCG s'applique à des situations internationales telles que formulées par le membre de phrase

« (...) ou lorsque les règles du droit international privé mènent à l’application de la loi d’un État Partie ».

S'il n'y avait pas de situation d'extranéité, les règles de droit international n'auront aucun intérêt à figurer dans l'AUDCG. Si l'AUDCG ne s'appliquait qu'à des ventes internes, cela voudrait également dire que les États contractants vivraient en autarcie. Cette situation les exclurait du mouvement de mondialisation.

Enfin, l'article 234, alinéa 2 s'applique même si les parties résident dans les limites géographiques d'un même État à la seule condition que le litige mette en jeu les intérêts du commerce international. En clair, il suffit que l'une des parties ait importé la marchandise dans le même État.

Il convient toutefois de relever que la question de l'établissement du vendeur ou de l'acheteur pose des difficultés. Le vendeur peut avoir plusieurs établissements. Il conviendrait dans ce cas de déterminer l'établissement qui a la relation la plus étroite avec le contrat. Cette question est récurrente en droit international privé. Une affaire atteste de son acuité. Elle concernait la vente de composants électroniques par une société du Delaware dont le quartier général et les entrepôts sont au Canada, mais qui a également un bureau dans l'Oregon où nombre de ses ingénieurs travaillent. L'acheteur, Asante, est une société du Delaware qui a son établissement principal en Californie. La vente est faite par l'intermédiaire du distributeur californien agréé par le vendeur. Devant une juridiction d’État californienne, l'acheteur actionne le vendeur pour contravention au contrat et violation d'une garantie expresse, les composants électroniques ne correspondant pas à la description technique. Le vendeur, invoquant la compétence du tribunal de district dans toute action civile en vertu de la Constitution, des lois ou traités des États-Unis et estimant les prétentions de l'acheteur régies par la CVIM, considère que le juge fédéral est compétent et fait transférer l'affaire devant une juridiction fédérale de Californie. Son adversaire soulève une exception d'incompétence et demande le renvoi devant une juridiction d’État.

S'agissant de l'application de la CVIM, le juge, a considéré qu'en vertu de l'article 1er, 1,a, de la

Convention, il faut pour que celle-ci s'applique que les deux parties aient leur établissement dans

deux États contractants différents. A cet égard, reprenant l'article 10 de la CVIM, le juge décide au vu des circonstances (déclarations relatives à la description des marchandises faites depuis le Canada ; composants fabriqués dans ce pays) que l'établissement qui a la relation la plus étroite avec le contrat et son exécution est la Colombie britannique au Canada. Aussi le bureau se trouvant aux États-Unis n'est-il pas à prendre en considération. Quant au rôle joué par l'intermédiaire, le juge considère qu'il n'agissait pas en tant que mandataire et que l'accord a été passé directement entre l'acheteur et le vendeur. Le contrat étant bien conclu entre parties ayant leur établissement dans

deux États différents, la CVIM s'applique441.

Sur la notion d'établissement, le juge a appliqué l'article 10 de la CVIM qui dispose que « a) Si une

partie a plus d'un établissement, l'établissement à prendre en considération est celui qui a la relation la plus étroite avec le contrat et son exécution eu égard aux circonstances connues des parties ou envisagées par elles à un moment quelconque avant la conclusion ou lors de la conclusion du contrat ; b) si une partie n'a pas d'établissement, sa résidence habituelle en tientlieu

», en relevant précisément les éléments qui montrent la relation la plus étroite avec le contrat, en

particulier les déclarations techniques et la fabrication qui l'emportent sur les quelques contacts que

l'acheteur a eus avec le bureau d'études situé aux États-Unis442.

Le raisonnement du juge américain doit être approuvé. En effet, la règle énoncée à l'alinéa a) de l'article 10 servira à identifier quel établissement, parmi plusieurs, peut être retenu pour déterminer si la Convention est applicable ; l'alinéa b) de l'article 10, en revanche, prévoit que si une partie n'a

pas d'établissement, il faut tenir compte de sa résidence habituelle443. Cette règle est utile car la

détermination de l'établissement pertinent est nécessaire à diverses fins, qu'il s'agisse de la détermination du caractère international du contrat ou de l'applicabilité de la Convention en vertu de

l'alinéa a) du paragraphe 1 de l'article premier, ainsi qu'à d'autres fins444.

L'alinéa a) de l'article 10 de la CVIM a été cité dans une autre décision également445. Dans cette

441M.F. Papandréou-Déterville, « Pluralité d'établissements et exclusion tacite », D.2003, p.2370.

442V. F. Ferrari,Contrat de vente internationale, Applicabilité et applications de la Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises, Helbing & Lichtenhahn, Bruylant, Bruxelles, 1999, p. 43 et s.).

443 Conférence des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises, Vienne, 10 mars – 11 avril 1980, Documents officiels, Documents de la Conférence et comptes rendus analytiques des séances plénières et des séances des commissions principales, 1981, 20.

444Pour des dispositions concernant le « lieu d'établissement », voir article premier, paragraphe 1, 12, 20, paragraphe 2, 24, 31 alinéa (c), 42, paragraphe 1 b), 57, paragraphes 1 a) et 2, 69, paragraphe 2, 90, 93, paragraphe 3, 94, paragraphes 1 et 2, 96.

décision, le tribunal a estimé que lorsqu'une partie avait de multiples établissements, ce n'est pas toujours l'établissement principal qui doit être pris en considération pour déterminer si un contrat a un caractère international ou si la CVIM s'applique.

Pour une meilleure prévisibilité de l'application du droit de la vente commerciale, nous optons pour le choix de l'établissement du vendeur qui a la relation la plus étroite avec le contrat comme critère de rattachement à la règle de conflit de l'AUDCG. Ce choix permet de faire coïncider le critère de rattachement de la règle d'applicabilité issue de l'AUDCG avec celui des liens les plus étroits, retenu en droit international privé.

En matière de vente, la Convention de Rome du 19 juin 1980 retient comme critère objectif, « la

résidence habituelle du débiteur de la prestation caractéristique »446. La Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère international d'objets mobiliers corporels

retient les mêmes critères447.

Il convient d'examiner ci-après les méthodes utilisées par l'arbitre pour résoudre les divergences d'interprétation de l'AUDCG.

446Voir l'art.4 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles.

447Voir article 3 de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère international d'objets mobiliers corporels.

CHAPITRE II : LES DIVERGENCES D'INTERPRRETATION NEES DU CONTENTIEUX