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La nécessaire adoption d’un Acte uniforme de DIP

Nous avons évoqué supra la nécessité d'adopter un Acte uniforme relatif à la loi applicable dans le domaine contractuel. Dans le présent paragraphe, nous démontrerons la nécessité d'adopter un Acte uniforme relatif aux obligations extra-contractuelles telles que les pourparlers contractuels et l'offre qui peuvent être rattachés au contrat.

Il convient de déterminer dans un premier temps le champ d'application du futur Acte uniforme

relatif aux obligations extra-contractuelles (I) avant de déterminer la loi applicable aux obligations

non contractuelles (II).

I Le champ d'application materiae du futur Acte uniforme relatif aux obligations non contractuelles

A l'image du règlement « Rome II »323, le futur Acte uniforme ne couvrira que les obligations non

contractuelles relevant de la « matière civile et commerciale ». A cet égard, il rejoindra le futur Acte

uniforme relatif à la loi applicable aux obligations contractuelles. La notion de « matière civile et

commerciale » exclue « l'exercice de prérogatives de puissance publique ». Le texte ne s'appliquera

donc pas aux obligations mettant en jeu la responsabilité de l'État « pour les actes et omissions

commis dans l'exercice de la puissance publique ». Il ne s'appliquera pas aux matières fiscales, douanières. Ces matières étant régies par les Règlements UEMOA pour l'Afrique de l'Ouest. Il ne s'appliquera pas également aux obligations non contractuelles découlant de relations de famille, aux obligations alimentaires.

Le futur Acte uniforme s'appliquera à la responsabilité objective et à la responsabilité délictuelle pour faute. C'est ce qui résulte de la plupart des législations des États membres de l'OHADA.

L'article 125 du RGO du Mali dispose que « Toute personne qui, par sa faute, même d’imprudence,

de maladresse ou de négligence, cause à autrui un dommage est obligée de le réparer ». Il en est de même du code des obligations civile et commerciale du Sénégal. Le futur Acte uniforme

s'appliquera en réalité à la responsabilité civile extra-contractuelle et les quasi-contrats324.

323Règlement communautaire n° 864/2007 du 11juillet 2007, dit Rome II (JOUE, n° L.199, 31 juill. 2007).

324Pour une application du Règlement Rome II aux obligations, voir O. Boskovic, « Règlement Rome II » (obligations

II La détermination de la loi applicable à la culpa in contrahendo

Il n'est guère utile d'insister sur ce fait bien connu que les contrats présentant un certain enjeu,

notamment financiers, sont parfois le résultat d'importantes et longues négociations325. En principe,

dans l'AUDCG et dans la plupart des États membres de l'OHADA, chaque partie s'avère libre de rompre à tout moment ces dernières et de préférer un autre contractant. Il s'agit là d'une expression de la liberté contractuelle, outil fondamental de toute économie de marché. Les potentiels

co-contractants n'en doivent pas moins agir de bonne foi durant cette période pré-contractuelle326, au

risque de voir leur responsabilité engagée. Et force est de constater que se multiplient aujourd'hui les actions destinées à sanctionner les ruptures abusives de pourparlers, que l'une des parties ait agi

de mauvaise foi ou avec une légèreté blâmable327, une condamnation étant d'autant plus à redouter

que les discussions étaient avancées et proches d'aboutir. La question s'est cependant posée de la nature contractuelle ou délictuelle d'une telle action. La jurisprudence et les législations du Mali et du Sénégal se sont prononcées avec fermeté en faveur de la qualification délictuelle.

Il n'est donc pas surprenant que, transposant cette qualification sur le terrain des conflits de lois, que nous nous emparions du sujet, d'autant que les négociations engagées entre entreprises africaines et européennes ne cessant de s'intensifier, l'élaboration d'une règle de conflit communautaire s'avérait urgente.

Que la responsabilité pour rupture des pourparlers révèle de la matière non contractuelle ne saurait aboutir à nier la dimension contractuelle de la situation. Il convient dès lors de se pencher sur l'élaboration de règles destinées à préciser le domaine de la loi applicable qui s'explique par les divergences apparues entre les États, notamment sur le terrain de la qualification, divergences qui, si elles n'étaient pas supprimées, risqueraient d'empêcher l'harmonisation envisagée par le Traité OHADA.

En s'inspirant du Règlement Rome II, le futur Acte uniforme adoptera de critères de rattachements.

En tout premier lieu, « La loi applicable à une obligation non contractuelle découlant de

tractations menées avant la conclusion d'un contrat est, que le contrat soit effectivement conclu ou non, la loi qui s'applique au contrat ou qui aurait été applicable si le contrat avait été conclu»328.

325P. Mousseron, « conduite des relations contractuelles et responsabilité civile délictuelle », RTD com, 1998, p.243 et s.

326P. Jourdain, « La bonne foi dans la formation du contrat », Trav. Ass. H. Capitant, 1992, p.121 et s. 327V. Cass. com., 22 févr. 1994, Bull. Civ, IV, n°79, RTD civ, 1994.849, obs. J.Mestre et B. Fages. 328Règlement Rome II, Article 12, § 1er .

La solution évite l'application de deux lois différentes, l'une relative à la qualification pré contractuelle de la rupture, l'autre à la sanction de celle-ci, en prévoyant l'application de la lex

contractusdésignée suivant les règles de la Convention de Rome, voire, en cas de vente, au regard

de celles de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère international d'objets mobiliers corporels (le Niger a ratifié cette dernière convention).

En second lieu, en cas de vente, la loi applicable est la loi de la résidence habituelle du vendeur. En cas de vente d'objets matériels corporels, c'est la loi du pays qui présente les liens les plus étroits avec le contrat.

Conclusion du Chapitre

L'AUDCG n'est pas un droit matériel complet. Il comporte des lacunes externes et des lacunes internes. Ces lacunes sont réglées soit par le recours aux règles de droit international privé, d'une part et d'autre part, par le recours aux principes généraux qui sous-tendent l'AUDCG ou par les règles de droit international privé en dernier ressort. L'application du droit international privé des États membres aboutit à des solutions insatisfaisantes. Il en résulte que le droit matériel AUDCG a besoin du droit international privé. C'est pourquoi l'adoption d'un Acte uniforme relatif à la loi applicable aux obligations non contractuelles est nécessaire. Celui-ci réalisera une heureuse harmonisation des règles de conflit des États membres dans un domaine aussi important que celui des délits, des quasi-délits et des quasi-contrats, ce qui constitue un argument de poids en faveur de son adoption. Il est heureux que les sujets de droit sachent et vérifient que leur situation sera appréciée identiquement dans ces États, sauf les cas, au demeurant invincibles, où une loi de police sera appliquée ou l'exception d'ordre public international mise en œuvre. Il importe aussi de se féliciter que le droit international privé africain comprenne enfin des règles précises dans le domaine des quasi-contrats. Il ne saurait toutefois être nié que seule l'adoption de l'Acte uniforme relatif aux obligations non contractuelles permettra de faire le bilan des avantages et inconvénients de ce texte.

Conclusion du Titre

L'unification du droit de la vente commerciale en Afrique ne s'est pas déroulée sans obstacles car le travail de conciliation entre les lois a fait face souvent à la réticence de certains États. L'apparition de nouveaux conflits de lois est dans ce cas évidente.

Le droit uniforme universel ou régional voire continental n'existe pas. Son application demeure limitée dans l'espace. En effet, tous les États africains n'ont pas adopté le droit uniforme. Les États membres de l'OHADA ne fonctionnant pas en vase clos; il conviendrait d'analyser leurs rapports avec les États tiers au regard des règles du droit international privé classique. En outre, l'AUDCG ne couvre pas tous les domaines de la vente commerciale. Il en est ainsi de la capacité, de certaines clauses contractuelles. Malgré l'incomplétude de l'AUDCG, certains auteurs ont affirmé qu'il supprimerait les conflits de lois en matière de vente commerciale. Toutefois, nous avons démontré dans nos développements que l'AUDCG lui-même ne réglemente pas tous les aspects juridiques de la vente commerciale. A cet égard, il contient des lacunes. Il convient en conséquence de recourir au droit international privé.

En définitive, l'AUDCG règle directement la question du droit matériel applicable. Il évite le processus en deux étapes; consistant d'abord dans l'identification de la loi applicable et puis dans son application; que le droit international privé exige. En d'autre terme, il garantit que les tribunaux des États membres de l'OHADA l'appliqueront indépendamment du pays dans lequel le procès se déroulera.