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La loi applicable aux personnes physiques commerçantes

Paragraphe II Les effets pervers du renvoi aux droits nationaux en raison de l'absence d'harmonisation du droit international prive des Etats parties

2. L'obligation de restitution

1.1 La loi applicable aux personnes physiques commerçantes

La capacité, quoiqu'elle soit indiscutablement une condition de fond du contrat de vente

commerciale, échappe en principe à l'application de la loi du contrat208. Pour apprécier la capacité

des acteurs du commerce, l'AUDCG reprend la distinction mineur émancipé et mineur non

émancipe209. En cela, il pose un principe, mais renvoie aux droits nationaux le soin de déterminer

l'âge du mineur non émancipé et de celui émancipé. La capacité d'être commerçant ne se confond

pas avec celle de faire des actes de commerce210.

On peut en effet être capable de faire un acte de commerce isolé et incapable d'exercer une profession commerciale. Ainsi, les vendeuses de pagnes aux marchés de Sandaga (Sénégal) et du

208JurisClasseur « Droit international », M. Santa-Croce, Fasc.552 -60 Contrats internationaux. -Domaine de la loi du contrat.- Conclusion et existence - Validité au fond - Forme et preuve – Sanctions, 01 mars 2008.

209L'article 7, alinéa 1 de l'AUDCG dispose que « Le mineur, sauf s'il est émancipé, ne peut avoir la qualité de commerçant ni effectuer des actes de commerce ».

Dabanani (Mali) échappent à toute réglementation nationale et uniforme quand bien même l'AUDCG a introduit la notion d'entreprenant. Dans ce secteur informel, le plus souvent, ce sont les jeunes filles (-18 ans) qui tiennent les étals. Bien que le nouvel AUDCG a simplifié les démarches administratives, aucune de ces entreprenantes n'est déclarée. Cet état de fait est dû à l'illettrisme des populations africaines et notamment des femmes (70 à 80% sont analphabètes).

L'AUDCG tout en excluant de son domaine la capacité des parties, appréhende partiellement cette

question puisqu'il la rattache à la loi du territoire sur lequel se trouvent les parties211. La capacité à

être commerçant est donc régie par la loi nationale. Les droits nationaux des États membres de l'OHADA distinguent deux catégories de mineurs : les mineurs émancipés et les mineurs non

émancipés en référence au droit français des incapacités212.

L'âge de la majorité varie dans l'espace OHADA en fonction des situations juridiques envisagées et

des pays. L'article 276, alinéa 1er du code de la famille du sénégal dispose que : « Est mineure la

personne de l'un ou de l'autre sexe qui n'a pas encore l'âge de 18 ans accomplis ». Tandis que

l'article 554 du code des personnes et de la famille du Burkina Faso dispose que : « Le mineur est

l'individu de l'un ou de l'autre sexe qui n'a pas encore l'âge de vingt ans accomplis ». Cette disparité de législations peut poser des problèmes juridiques dans la mesure où ces personnes peuvent être mineures par exemple au Burkina Faso et peuvent ne pas l'être au Sénégal. Dans la mesure où il s'agit d'étrangers faisant du commerce au Sénégal, la règle de l'incapacité va subir une double limitation :

les étrangers qui seraient capables d'être commerçants selon la loi sénégalaise ne peuvent

opposer l'incapacité résultant de leur loi nationale à ceux de leurs co-contractants qui ont pu ignorer de bonne foi cette incapacité et seraient lésés par elle.

Il peut être admis que l'ordre public sénégalais s'oppose à ce que des personnes manifestement

incapables d'exercer le commerce selon la loi sénégalaise - par exemple des mineurs de - 18 ans- soient reconnues capables de l'exercer au Sénégal en raison de leur loi nationale.

211Livre I, Titre I, chap II, article 6 de l'AUDCG dispose que « Nul ne peut accomplir des actes de commerce à titre de profession, s'il n'est juridiquement capable d'exercer le commerce ».

Dans une telle hypothèse le juge sénégalais appliquera les dispositions de son ordre public qui interdiraient au mineur d'exercer le commerce. Ainsi on écartera complètement la loi étrangère et on

appliquera à la capacité des commerçants la loi du lieu du domicile commercial213.

En revanche, l'article 32 de la loi gabonaise sur le droit international privé dispose que : « L'état et

la capacité des individus sont soumis à leurs lois nationales. Peuvent néanmoins être régis par la loi gabonaise, les nationaux des États étrangers qui y ont leur domicile depuis plus de cinq ans ».

L'article 203 du même texte fixe la majorité à 18 ans en ce sens qu'il dispose que « L’homme, avant

dix-huit ans révolus, la femme, avant quinze ans révolus, ne peuvent contracter mariage ».

L'âge de la majorité est fixé à 21 ans en Guinée Conakry. L'article 399 du code civil dispose que: « Le mineur est l'individu de l’un ou de l’autre sexe qui n’a point encore l'âge de vingt et un ans accomplis ». Quant à l'article 9, alinéa 2 du code civil guinéen (Conakry), il dispose que « les lois guinéennes concernant l’état et la capacité des personnes régissent les Guinéens, même résidant en pays étrangers ».

Dans une situation purement interne, les deux juges, gabonais et guinéen appliqueront leur propre loi interne pour combler la lacune de l'AUDCG. Cette situation devient internationale dès lors qu'un gabonais contracte avec un guinéen. La question de la capacité se posera selon que le guinéen saisisse son propre juge pour déterminer la capacité du gabonais à exercer le commerce. Il y a conflit de lois. En effet, on se pose la question s'il faut apprécier la capacité selon la loi guinéenne du juge saisi ou suivant la loi personnelle du cocontractant (gabonais). Nous proposons un raisonnement conflictuel à deux temps:

Le juge guinéen appliquera le droit guinéen relatif à la capacité. Dans ce cas, il déclarera le

gabonais inapte à exercer l'activité commerciale. Le revers de ce raisonnement est que le gabonais pourrait être déclaré apte à exercer le commerce si le juge saisi était gabonais lequel appliquerait son propre droit. Il en résulterait un péril qui suppose que la loi gabonaise régisse la capacité du commerçant gabonais que la loi guinéenne de son domicile réglerait aussi. Alors, le contrat serait valable au Gabon et nul en Guinée-Conakry. Il en résulterait que notre contrat serait simultanément et indivisiblement valable et nul. Cette impossible conjonction va scandaliser les internationalistes d'autant que la question concerne l'état de la personne.

Le juge guinéen, en revanche, peut reconnaître le caractère international du litige et le conflit qui

en résulte. Il appliquera les règles de droit international privé guinéennes pour déterminer la loi

applicable à la capacité. D'après l'article 9, alinéa 3 du code civil guinéen, « Les Lois étrangères

concernant l’État et la capacité des personnes régissent les étrangers résidents en Guinée dans la mesure où elles ne sont pas contraires à l’ordre public guinéen ». Le juge guinéen appliquera la loi gabonaise. En effet, l'article 203 du code civil gabonais fixe la majorité à 18 ans.

Ainsi, le gabonais sera déclaré apte à exercer le commerce en Guinée, comme cela aurait été le cas

si le juge saisi était gabonais. Cette solution paraît pertinente214.

Il résulte de la disposition de l'article 9, alinéa 2 du code civil guinéen qu'il s'agit d'une règle de

conflit bilatérale. En effet, unilatéral dans son énoncé en ce qu'il dispose que « L'état et la capacité

des guinéens sont régis par la loi guinéenne », l'article 9 est transformé en une règle de conflit

bilatérale qui peut se lire « L'état et la capacité des personnes sont régies par leur loi nationale ».

Le juge gabonais adoptera le même raisonnement et appliquera la loi guinéenne. Toutefois, l'alinéa

2 de l'article 32 du code civil gabonais dispose que : « Peuvent néanmoins être régis par la loi

gabonaise, les nationaux des États étrangers qui y ont leur domicile depuis plus de cinq ans ». Il résulte de cet alinéa que si l'étranger a son domicile au Gabon depuis plus de cinq ans, il sera soumis à la loi gabonaise. Cette disposition retient le critère du domicile en matière de statut personnel et par conséquent la capacité. La loi gabonaise rejoint sur ce point le critère des pays anglo-saxons du domicile.

Comme on le voit, la capacité comme la minorité qui est une composante de la première ne sont pas définies par l'AUDCG pourtant vocable qu'il emploie surabondamment dans le Livre I, Titre VIII de l'AUDCG. La règle de conflit en matière de capacité est le plus souvent bilatéral. Il conduit à l'application de la loi de la nationalité de la personne physique ou la loi du lieu de son domicile. Il convient de souligner que la plupart de ces personnes physiques évoluent dans le secteur inofrmel, domaine partiellement régi par l'AUDCG. Ce pendant, la législation comporte des lacunes.

1.2 Les lacunes de l'AUDCG relatives au secteur informel

Le Traité de Port Louis définit clairement les objectifs principaux de l’OHADA que sont

l’harmonisation du droit des affaires dans les Etats Parties par l’élaboration et l’adoption de "règles

communes simples, modernes et adaptées à la situation de leurs économies", l’amélioration du climat d’investissement, le soutien à l’intégration économique africaine, l’institution d’une communauté économique africaine.

214M. Fallon « Les conflits de lois et de juridictions dans un espace économique intégré. L'expérience de la Communauté européennes », RCADI, tome 253, 1995, p.9.

Malgré ces objectifs louables, il n’en demeure pas moins vrai que le droit OHADA souffre d’une faiblesse congénitale. En effet, s’il est expressément fait mention dans le Traité que la prise en compte de la situation économique des Etats membres est un objectif de l’OHADA, les Actes uniformes élaborés n’ont jamais véritablement tenu compte des réalités socio économiques des

Etats Africains. Or, comme l’affirme Montesquieu dans son ouvrage "De l'Esprit des lois", "une

bonne loi doit découler de la nature des choses".

Le secteur informel permet à de nombreuses populations africaines au nord comme au sud du continent africain de subsister voire de survivre. Il était donc logique qu'un Acte uniforme régisse ce secteur.

Après un long silence du législateur OHADA, la prise de conscience s’est opérée par la révision de l’AUDCG adopté le 15 décembre 2010 et entré en vigueur le 15 mai 2011. En effet, c’est à cette occasion qu’est né le statut de l’entreprenant, dispositif fortement inspiré du statut de l’autoentrepreneur en droit français instauré par la loi de modernisation de l’économie (LME) du 4 août 2008 entrée en vigueur le 1er janvier 2009. Ce nouveau statut a été prévu initialement par le législateur OHADA comme un instrument simplifié de création d’entreprise, limitant au maximum les formalités administratives et les coûts des opérations afin de faciliter le passage des opérateurs du secteur informel vers le secteur formel et de limiter par là même progressivement la taille des circuits économiques dit de survie.

Plus de cinq ans après l’entrée en vigueur du texte instituant le statut de l'entreprenant, des lacunes

demeurent. Elles tiennent essentiellement à la loi applicable (1.2.a) et à la juridiction compétente

s'agissant d'un litige entre un entreprenant et un tiers, commerçant ou non commerçant (1.2.b).