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La multiplication des voies procédurales alternatives à la sanction plébiscitée par les autorités de régulation

Attribution d’outils procéduraux négociés aux régulateurs. La plupart des autorités

de régulation sectorielles n’ont pas été dotées par le législateur d’outils formels destinés à éviter le recours à une procédure de sanction ou à y mettre fin prématurément. Pourtant, l’examen des pratiques de ces autorités amène à constater qu’elles proposent toutes des alternatives négociées avec les opérateurs, que ce soit en se dotant d’instruments dédiés de leur propre initiative ou en utilisant de façon détournée les instruments procéduraux existants dont elles disposent399.

Autorité de la concurrence. En termes de procédures alternatives aux poursuites ou à la

sanction, l’Autorité de la concurrence apparaît comme la mieux armée par le législateur. En matière de pratiques anticoncurrentielles, elle jouit en effet du pouvoir d’accepter des engagements pour mettre fin à ses préoccupations de concurrence, et ce avant même la notification de griefs. Même lorsque la procédure contentieuse est déjà engagée, la procédure de transaction400 offre aux entreprises visées la possibilité d’obtenir l’assurance d’un certain

398 Christian GUENOD, « Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) », fiche n°8, in Dictionnaire des régulations, préc., p. 87

399 Jean-Bernard AUBY, Pascale IDOUX, Thomas PERROUD, Paul LIGNIERES, « L’élaboration des décisions répressives et « contentieuses » des régulateurs », JCP E, n°48, 26 novembre 2015, p. 1580

400 Cette procédure remplace la procédure de non-contestation des griefs depuis la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques qui a modifié l’article L. 464-2 III du Code de Commerce. Il dispose que « lorsqu'un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui

sont notifiés, le rapporteur général peut lui soumettre une proposition de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée. Lorsque l'entreprise ou l'organisme s'engage à modifier son comportement, le rapporteur général peut en tenir compte dans sa proposition de transaction. Si, dans un délai fixé par le rapporteur général, l'organisme ou l'entreprise donne son accord à la proposition de transaction,

quantum de sanction lorsqu’elles ne contestent pas les griefs notifiés, et d’obtenir

éventuellement une sanction modérée si elles souscrivent des engagements pour l’avenir visant à remédier aux pratiques illicites. Ces engagements peuvent notamment consister en la mise en place de « programme de conformité » aux règles de concurrence qui sont des « programmes

par lesquels des entreprises ou des organismes expriment leur attachement à certaines règles ainsi qu’aux valeurs ou aux objectifs qui les fondent, et prennent un ensemble d’initiatives concrètes destinées à développer une culture de respect des normes ainsi qu’à leur permettre de détecter de possibles manquements à ces règles, de mettre fin à ces manquements et d’en prévenir la réitération » 401. Par ailleurs, le professeur Idot note qu’en parallèle des procédures négociées formelles mises à la disposition des autorités de concurrence, des procédures informelles font leur apparition. Si le phénomène a « toujours existé en droit de l’Union »402, son importation en droit français est plus surprenante. L’Autorité de la concurrence a en effet classé certaines affaires après que les entreprises concernées aient accepté de modifier leurs pratiques au cours de l’enquête403.

La procédure de clémence est parfois rangée dans la catégorie des procédures négociées404, dans la mesure où elle ouvre la possibilité pour une entreprise partie à une entente anticoncurrentielle d’obtenir une immunité totale ou une réduction du montant de l’amende encourue en échange de la divulgation consentie d’éléments de preuve relatifs à l’entente présumée405. La coopération entre l’Autorité et l’entreprise lors de l’enquête permet à celle-ci d’échapper à la sanction pécuniaire à laquelle elle s’est exposée ou au moins d’en atténuer la gravité. Ainsi, « la cessation des pratiques anticoncurrentielles n’est plus imposée mais

le rapporteur général propose à l'Autorité de la concurrence, qui entend l'entreprise ou l'organisme et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I dans les limites fixées par la transaction »

401 Aut. Conc., document-cadre du 10 février 2012 sur les programmes de conformité aux règles de concurrence, p. 3, point n°8

402 Laurence IDOT, « L’année 2017 en droit de la concurrence », rapport introductif à la journée d’étude de l’AFEC, CCC, n°8-9, août 2018, dossier n°2

403 Aut. Conc., communiqué de presse, 18 novembre 2015 ; Aut. Conc., communiqué de presse, 7 mars 2018

404 Nous reviendrons néanmoins sur cette catégorisation dans le titre II.

405 Rapport Cons. Conc. 2005, p. 5 : selon ce rapport, les programmes de clémence appartiennent bel et bien à un « droit négocié entre les entreprises et l’autorité de concurrence ».

négociée et donc mieux accueillie car l’entreprise prend part au processus décisionnel »406. En dehors du domaine répressif, le droit des concentrations ouvre aussi la possibilité pour l’Autorité de recueillir les engagements des parties à la concentration pour remédier aux problèmes de concurrence identifiés, et éviter ainsi l’interdiction pure et simple de l’opération.

Autorité des marchés financiers. Le législateur a également mis à la disposition de l’Autorité

des marchés financiers une voie non contentieuse pour mettre fin à des manquements mineurs407. Introduite en 2010, la procédure de composition administrative permet désormais au collège de proposer à un opérateur dont le comportement est mis en cause de négocier un accord avec le secrétaire général de l’Autorité. Si l’opérateur accepte l’entrée en voie de composition administrative, il devra, selon les termes de l’accord négocié, s’engager à payer une somme au Trésor public et éventuellement à adopter des mesures prophylactiques408 en contrepartie d’une clôture de la procédure par l’AMF.

Les procédures de composition administrative, de transaction, de clémence et d’engagement sont cependant les seules alternatives formalisées par le législateur. Les autres autorités de régulation n’ont pas été pourvues d’un arsenal comparable. Pourtant, dans le silence des textes, des pratiques transactionnelles se sont développées à leur initiative, montrant leur volonté de privilégier une résolution négociée des problèmes auxquels elles doivent faire face409. Cette

406 Coralie ANADON, « Procédure de non-contestation des griefs : un engagement innovant », note sur Cons. Conc., déc. n°07-D-21 du 26 juin 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la location-entretien du linge, RLDA, 2007/18, p. 46

407 Article 7 de la loi n°2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière, codifié à l’article L. 621-14-1 du Code monétaire et financier, complété par le décret n°2011-977 du 16 août 2011 relatif au pouvoir de sanction de l’AMF et à la procédure de composition administrative : JO 18 août 2011, p. 13998

408 Daniel LABETOULLE, « Régulation et transaction : quand le gendarme des marchés financiers transige »,

RJEP, n°703, décembre 2012, repère 11 : l’auteur souligne à cet égard que les engagements « peuvent ne pas se limiter à une sorte de promesse de ne pas recommencer » en prévoyant aussi « des mesures concrètes d’action ou d’organisation à caractère préventif ». On assiste ainsi, en droit des marchés financiers comme dans les autres

secteurs régulés, à la progression de la logique de la « conformité ».

409 Sans doute faut-il y voir une volonté de se démarquer d’une vision strictement « régalienne » de la régulation, qui tendrait à la réduire à une fonction de police. La diversification des instruments procéduraux dont disposent les autorités de régulation transforme en retour l’objet de leur mission, ce que résume le célèbre aphorisme attribué au psychologue américain Abraham Maslow : « Il est tentant, lorsque le seul outil dont vous disposez est un

tendance n’a pas échappé à l’attention de la doctrine qui détecte « l’émergence, sans fondement

législatif, d’un pouvoir d’accepter des engagements sur le modèle de ce qui se pratique devant les autorités de concurrence »410. La variété des pratiques et la variabilité de leur degré de formalisation rendent délicate leur systématisation ; quelques exemples 411 permettent cependant de prendre la mesure de la dynamique à l’oeuvre.

ARCEP. Dans le cadre de l’instruction préalable à la mise en demeure, l’ARCEP offre à

l’opérateur visé la possibilité de corriger son comportement. Le collège est alors appelé à apprécier le délai de mise en conformité proposé et l’acte de mise en demeure formalisera ces engagements adoptés pendant la phase d’instruction. En dehors de la mise en œuvre d’une procédure de sanction, la loi pour une République Numérique attribue par ailleurs compétence au Ministre chargé des communications électroniques pour accepter, après avis de l’ARCEP, les engagements souscrits auprès de lui par les opérateurs, de nature à contribuer à l’aménagement et à la couverture des zones peu denses du territoire par les réseaux de communications électroniques et à favoriser l’accès des opérateurs à ces réseaux. Le contrôle du respect de ces engagements ainsi que la sanction d’éventuels manquements sont confiés à l’ARCEP.

ARJEL. Devant l’ARJEL, une phase de négociation peut également s’engager avec l’opérateur

mis en demeure ; s’ouvre alors une nouvelle procédure de certification durant laquelle il est appelé à proposer des mesures correctives qui seront appréciées par le collège412. Si elles sont jugées insuffisantes, celui-ci peut décider de l’ouverture d’une procédure de sanction, la notification des griefs entraînant la saisine de la commission des sanctions. Comme l’ont révélé les échanges ayant eu lieu lors de la deuxième rencontre des « Ateliers de la régulation », lorsqu’elle fait l’objet d’une publicité, la mise en demeure « est d’ores et déjà perçue comme

une sanction » et dès lors « une forme plus ou moins explicite de négociation peut s’engager

410 Thomas PERROUD, La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, Thèse, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2011, HAL Tel-01228357, p. 190 (Version publiée : Thomas PERROUD,

La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, Dalloz, Nouvelle bibliothèque

de thèses, Vol. 127, 2013)

411 La plupart de ces exemples sont inspirés des échanges ayant eu lieu dans le cadre du deuxième « atelier de la régulation » portant sur l’élaboration des décisions répressives et contentieuses des autorités de régulation indépendantes qui s’est tenu le 17 avril 2015 à l’Autorité de la concurrence.

sur ce fondement, des engagements de fond et de calendrier permettant alors à l’entité poursuivie d’échapper à la répression »413. A propos des mises en demeure prononcées par l’ARAFER, il a été constaté qu’elles constituent « l’instrument le plus efficace pour

contraindre les opérateurs à mettre un terme à leurs manquements » dès lors que dans la

majorité des cas « sa notification et le suivi de son exécution par les services de l’ARAF

permettent d’assurer la mise en conformité sans conduire au prononcé d’une sanction »414. Lorsque l’opérateur s’est conformé à la mise en demeure dans le délai imparti, une décision de non-lieu à poursuivre la procédure de sanction est alors prononcée par le collège.

CRE. De même, à l’occasion de son rapport sur le respect des codes de bonne conduite par les

gestionnaires de réseaux de transport et de distribution d’électricité et de gaz415, la Commission de régulation de l’énergie a pris la liberté d’adresser aux opérateurs des demandes de mise en conformité – qu’il s’agisse pour ces derniers de se conformer à des obligations ou d’améliorer leurs procédures internes – dans un certain délai négocié entre eux et la Commission.

CNIL. Le même esprit anime la CNIL depuis quelques années par le développement, en marge

des textes, d’une politique de conformité416. Il s’agit là d’un véritablement virement de bord stratégique de cette autorité, ce dont atteste notamment le fait que la direction juridique ait été renommée « direction de la conformité ». Face au constat d’échec de la politique de sanction menée jusqu’alors, la CNIL a créé les « packs de conformité », qui consistent en un ensemble de normes simplifiées et d’actes-types, que les opérateurs peuvent s’engager volontairement à respecter417. Un pack de conformité dédié au logement social a par exemple été mis au point. La Commission indique dans ce document que ce sont « les récentes et rapides évolutions de

413 Jean-Bernard AUBY, Pascale IDOUX, Thomas PERROUD, Paul LIGNIERES, « L’élaboration des décisions répressives et « contentieuses » des régulateurs », JCP E, n°48, 26 novembre 2015, p. 1580

414 Matthieu POUJOL, « Autorité de régulation des activité ferroviaires (ARAF) », fiche n°7, in Dictionnaire des

régulations, préc., p. 78

415 Article L. 111-63 du Code de l’énergie

416 V. Bertrand DU MARAIS, « Compliance et conformité », fiche 20, in Dictionnaire des régulations, préc., p. 191. Selon le professeur Du Marais, la conformité constitue « un nouveau mode de régulation de la vie

économique, dans la mesure où elle dépasse la simple action de respecter la loi, les réglementations et les standards techniques qui s’imposent à l’entreprise ».

417 CNIL, Rapport d’activité 2014, p. 40 : Les packs de conformité « représentent un nouveau mode de régulation pour la CNIL ». Ils « visent à définir et diffuser des bonnes pratiques pour un secteur, tout en simplifiant les formalités administratives des acteurs qui s’y conforment ».

l’environnement numérique » qui l’ont amené à « repenser son action et ses outils d’intervention » en vue désormais d’« associer et responsabiliser les acteurs des différents secteurs qu’elle doit réguler »418. Ces packs se présentent sous forme de fiches pédagogiques simplifiant et contextualisant les règles et principes légaux que les responsables de traitement de données à caractère personnel doivent respecter419. La loi pour une République Numérique prévoit désormais qu’il doit être tenu compte, le cas échéant, de ces référentiels de certification de la conformité pour la mise en œuvre des sanctions.

Plus récemment, l’adaptation de la loi Informatique et libertés au Règlement général sur la protection des données a conduit à l’attribution au Président de la CNIL d’un pouvoir de type préventif. L’article 20, I modifié prévoit qu’il peut désormais « avertir un responsable de

traitement ou son sous-traitant du fait que les opérations de traitement envisagées sont susceptibles de violer les dispositions du règlement (UE) n°2016/679 du 27 avril 2016 ou de la présente loi » (nous soulignons). Placée à l’avant-garde d’une section à l’intitulé révélateur –

« Mesures correctrices et sanctions » - cette disposition consacre un pouvoir d’avertissement bien distinct du pouvoir de mise en demeure ; pouvoir d’avertissement que le Président de la Commission est autorisé à mobiliser en dehors de tout constat formel de manquement. Cet avertissement n’a pas la nature d’une sanction, mais peut néanmoins, aux termes du III du même article, précéder la saisine de la formation restreinte de la Commission en vue du prononcé d’une telle mesure. La consécration de ce pouvoir informel de mise en garde vise à privilégier l’adoption volontaire de mesures correctrices par les opérateurs, dans des situations perçues par le régulateur comme contraire aux intérêts qu’il est en charge de protéger. L’introduction de ce pouvoir participe aussi de la distension temporelle de l’action de l’autorité de régulation, dont l’intervention se situe bien en amont du fait infractionnel.

418 CNIL, « Pack de conformité logement social », éd. juillet 2014, en ligne : La Commission précise que ce sont les « incompréhensions suscitées par une mise en demeure publique prononcé à l’encontre d’un bailleur social » qui l’ont conduit à engager une réflexion et une concertation avec les acteurs de ce secteur pour mieux « appréhender leurs pratiques, leurs besoins et (…) identifier les difficultés qu’ils rencontrent pour mettre en

œuvre des traitements de données à caractère personnel conformes à la loi « informatique et libertés » ».

419 CNIL, communiqué de presse du 23 juillet 2014 : la CNIL explique que si ces outils de simplification « ont par

nature une forte composante juridique, ils présentent également une dimension pédagogique, en expliquant concrètement comment respecter certaines règles juridiques » (En ligne)

CSA. En matière audiovisuelle, le CSA a également recours à la pratique des engagements en

l’absence de texte l’y autorisant formellement. Lorsqu’un opérateur a failli à remplir ses obligations pendant l’année, le CSA a pu prendre le parti de négocier avec lui des engagements supplémentaires en échange de la clôture de la procédure de sanction initiée420. Par ailleurs, en cas d’opération de concentration dans le secteur audiovisuel, le CSA négocie des engagements avec les parties à l’opération afin que rapprochement envisagé ne prive pas de sens la création des opérateurs en question. Bien que les termes de la loi de 1989 semblassent placer le CSA en situation de compétence liée en cas de modification substantielle des conditions d’exploitation au vu desquelles l’autorisation d’émettre avait été accordée, en l’obligeant dans ce cas à retirer cette dernière, le CSA s’est reconnu le pouvoir d’agréer les modifications apportées421.

L’« ordre intérieur administratif »422 des marchés émerge toujours davantage d’une concertation entre les autorités de régulation et les opérateurs régulés. Par divers canaux, les opérateurs économiques sont incités à réagir et à informer l’autorité chargée d’élaborer une décision relative à leur activité, en formulant « des suggestions et des propositions, que la

puissance publique peut accepter ou rejeter ». Ce faisant, ils exercent une « pédagogie en direction des pouvoirs publics producteurs de normes » susceptible d’ « introduire une part de négociation ». Comme le souligne Grégory Houillon, certains auteurs évoquent à cet égard une

« atténuation progressive de l’unilatéralité » bien qu’il demeure que « l’acte, même

matériellement négocié, demeure formellement unilatéral »423. Une analyse qui rejoint celle du professeur Thomas Perroud, insistant sur le fait que l’évolution des procédés d’édiction de l’acte unilatéral et la recherche croissante par la puissance publique de l’adhésion des administrés ne sauraient retirer son caractère unilatéral à un acte424. In fine, c’est donc moins l’acte lui-même que la procédure qui le précède qui perd son caractère unilatéral. Celui-là reste le produit de la volonté de l’autorité administrative, laquelle entend cependant légitimer

420 CSA, Assemblée plénière, 3 février 2010, « Décision Tiji et Canal J »

421 CE, 30 déc. 2010, n°338273

422 Pour reprendre l’expression utilisée par Alain-Serge MESCHERIAKOFF, « Ordre intérieur administratif et contrat », RFDA, 1997, p. 1129

423 Grégory HOUILLON, « Pédagogie et efficacité du droit », in Philippe RAIMBAULT (Dir.), La pédagogie au

service du droit, Presses de l’Université de Toulouse 1 Capitole, 2011, pp. 339-340

424 Thomas PERROUD, La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, thèse, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, p. 477

l’exercice de son pouvoir discrétionnaire par des aménagements procéduraux qui – à des degrés divers – favorisent l’adhésion des opérateurs (§ 2).

§ 2 – Une « émancipation » procédurale corrélée au pouvoir

discrétionnaire des autorités de régulation

La diversification des procédures ouvertes et des alternatives négociées met en lumière la « créativité des autorités de régulation sectorielles pour optimiser l’exercice de leurs

attributions dans une logique privilégiant à la fois la recherche pragmatique d’un résultat et le dialogue continu avec les opérateurs régulés »425. C’est en effet la logique finaliste426

imprégnant la régulation427 qui justifie la reconnaissance au bénéfice de ces autorités d’une marge d’innovation procédurale. Leurs compétences se confondent avec la notion de « mission » ; elle est formulée en termes d’objectifs, ce qui invite à interpréter de façon dynamique et constructive les différents pouvoirs mis à leur disposition pour les atteindre428. En droit administratif général, le pouvoir discrétionnaire désigne la liberté de choix dont dispose une autorité administrative dans l’application d’une règle de droit. Le professeur

425 Jean-Bernard AUBY, Pascale IDOUX, Thomas PERROUD, Paul LIGNIERES, « L’élaboration des décisions répressives et « contentieuses » des régulateurs », JCP E, n°48, 26 novembre 2015, p. 1580

426 Antoine LOUVARIS, « Régulation et inflation normative. Quelques remarques sur un duo ambigu », RDP, 2014, n°2, p. 304 : Pour le Professeur Louvaris, la régulation est « par nature téléologique, car tournée vers le

monitorage dynamique des marchés qu’elle crée, organise, oriente et supervise (…) ».

427 Marie-Anne FRISON-ROCHE, « Le droit de la régulation économique », D., 2001, p. 610

428 Pour l’ARCEP, l’article L. 32-1 du Code des postes et communications électroniques dispose que « dans le cadre de leurs attributions respectives, le ministre chargé des communications électroniques et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes prennent, dans des conditions objectives et transparentes, des mesures raisonnables et proportionnées en vue d’atteindre les objectifs suivants (…) ». Le terme même de « mesure » est relativement indéterminé car il ne renvoie à aucune catégorie d’actes juridiques précise.

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