• Aucun résultat trouvé

Les « MPUC »/le jugement/les mesures protectrices de l’enfant

A. Mesures actuelles : les mesures curatives

1) Les « MPUC »/le jugement/les mesures protectrices de l’enfant

Les conflits, initialement conjugaux, peuvent entraîner la séparation des époux et se transformer en lutte parentale au sujet du sort des enfants110. Lorsque le divorce n’est pas envisagé par les époux ou n’est pas possible – par exemple à cause du délai de deux ans prévu à l’art. 114 CC qu’il faut respecter avant d’introduire une demande unilatérale de divorce – des mesures de protection de l’union conjugale (MPUC) peuvent être demandées à un juge, conformément aux art. 171 ss CC, en particulier l’attribution de la garde des enfants et le règlement des relations personnelles au sens des art. 176 al. 3 cum art. 273 ss CC. Lorsqu’un divorce est demandé, c’est le jugement rendu par le tribunal qui contient les réponses à ces problématiques (art. 133 al. 1 ch. 2 et 3 CC).

Si le conflit porte sur la garde, c’est-à-dire « l’encadrement quotidien de l’enfant et l’exercice des droits et des devoirs liés aux soins et à l’éducation courante »111, le juge sollicité doit décider s’il confie exclusivement la garde à l’un des parents (garde exclusive) ou aux deux de manière alternée (garde partagée)112. Dans le premier cas, les relations personnelles entre les enfants et le parent non gardien doivent aussi être tranchées (art. 298 al. 2 CC). Ces questions sont examinées sous l’angle de l’intérêt supérieur de l’enfant113.

Le juge se base sur la situation de fait actuelle ainsi que de celle qui prévalait avant la séparation des parties, pour décider si l’instauration d’une garde alternée est effectivement à même de préserver le bien de l’enfant ou non.

110 Il est rappelé ici que seules les hypothèses de la garde de l’enfant et des droits de visite sont envisagées dans ce travail, en particulier dans un contexte judiciaire. Dans chaque scénario, l’autorité parentale est conjointe, conformément au principe prévu à l’art. 296 al. 2 CC depuis le 1er juillet 2014 (RO 2014 357).

111 COTTIER et al., p. 15 ; ATF142III612,consid. 4.1.

112 Arrêt du Tribunal fédéral 5A_888/2016 du 20 avril 2018, consid. 3.2.1 et 3.3.1.

113 Arrêt du Tribunal fédéral 5A_848/2018 du 16 novembre 2018, consid. 5.1.1.

A cet égard, plusieurs critères sont cités dans la jurisprudence. Outre le souhait de l’enfant à prendre en considération s’agissant de sa propre prise en charge, quand bien même il ne disposerait pas de la capacité de discernement114, le juge doit tenir compte de

« la situation géographique et la distance séparant les logements des deux parents, la stabilité qu’apporte à l’enfant le maintien de la situation antérieure, en ce sens notamment qu’une garde alternée sera instaurée plus facilement lorsque les deux parents s’occupaient de l’enfant en alternance déjà avant la séparation, la possibilité pour les parents de s’occuper personnellement de l’enfant, l’âge de ce dernier ou encore son appartenance à une fratrie ou à un cercle social »115. S’ajoutent à ces critères ceux « des capacités éducatives des parents », et de « l’existence d’une bonne capacité et volonté des parents de communiquer et coopérer »116. Selon le Tribunal fédéral, « un conflit marqué et persistant entre les parents portant sur des questions liées à l’enfant laisse présager des difficultés futures de collaboration et aura en principe pour conséquence d’exposer de manière récurrente l’enfant à une situation conflictuelle, ce qui pourrait apparaître contraire à son intérêt »117. Tel est le cas lorsqu’il existe des conflits à haute intensité, voire des conflits moyens entre les parents.

A titre d’illustration, référence est faite à l’ATF 142 III 617. Il s’agit d’un couple marié en juillet 2000, qui s’est installé en Suisse dès 2008. Deux enfants sont issus de cette union (nés en 2009 et 2012). Les conjoints ont décidé de vivre séparément à partir de janvier 2014. L’époux a quitté le domicile conjugal à la demande de sa femme qui, quant à elle, est restée avec les enfants dans la maison familiale. L’époux a saisi le Tribunal de première instance du canton de Genève (ci-après : le TPI) d’une requête en mesures protectrices de l’union conjugale (MPUC), sollicitant notamment le prononcé de la garde alternée sur les enfants. Le TPI a notamment « constaté la séparation des époux, a maintenu l’exercice en commun de l’autorité parentale sur les enfants et instauré entre les parents une garde alternée sur les enfants devant s’exercer une semaine chez chaque parent (du lundi au dimanche) ainsi que la moitié des vacances scolaires […] ». L’épouse a fait appel de ce jugement devant la Cour de justice du canton de Genève, sollicitant à ce que la garde exclusive sur les enfants lui soit accordée, et qu’« un large droit de visite d’au minimum un soir et une nuit par semaine, un week-end sur deux du vendredi soir au lundi matin et la moitié des vacances scolaires, soit réservé au père ». La Cour de justice a utilisé les critères jurisprudentiels précités et a conclu « que la garde alternée ne représentait pas la meilleure solution pour les enfants et que son instauration apparaissait prématurée, car […] selon l’évaluation du Service de protection des mineurs (ci-après : SPMi), la communication entre les parties était en effet quasi inexistante, leurs relations peu propices au dialogue, […] et le cadre de vie des enfants et les repères seraient à reconstruire, ce qui porterait incontestablement atteinte à leur stabilité »118. Cette décision a été confirmée par le Tribunal fédéral ensuite d’un recours formé par le père.

114 Arrêt du Tribunal fédéral 5A_34/2017 du 4 mai 2017, consid. 5.1.

115 ATF 142 III 617, consid. 3.2.3.

116 ATF 142 III 617, ibidem.

117 Arrêt du Tribunal fédéral 5A_425/2016 du 15 décembre 2016, consid. 3.4.2.

118 Arrêt du Tribunal fédéral 5A_904/2015 du 29 septembre 2016, consid. 3.1.

Il existe aussi des cas de figure où, paradoxalement, une garde alternée est prononcée pour le bien de l’enfant alors même que la communication entre les parents est conflictuelle. Cela s’explique par le fait que « les intérêts des parents sont relégués au second plan »119. Or, de telles décisions ne font qu’aggraver les conflits inter-parentaux déjà présents et, en conséquence, le mal-être des enfants.

Ces luttes virulentes entre les père et mère se déportent souvent, en cas de garde exclusive attribuée à l’un des parents, sur les relations personnelles (en particulier les droits de visite) qui peuvent être entretenues entre le parent non gardien et les enfants, conformément à l’art. 273 CC. En effet, un parent gardien est enclin à user de tous les stratagèmes imaginables afin d’empêcher l’autre parent de voir les enfants, comme par exemple prévoir une sortie avec les enfants sur le temps consacré en principe aux droits de visite du parent non gardien, sans consulter ce dernier. Comme analysé précédemment, de tels comportements peuvent engendrer chez les enfants différentes conséquences négatives, dont notamment le syndrome d’aliénation parentale120, qui rend difficile l’exercice des droits de visite du parent concerné puisque les enfants (complètement aliénés) refuseront de le voir.

Qui plus est, les accusations calomnieuses de toutes sortes de la part du parent aliénant, dans le seul but de supprimer les droits de visite de l’autre parent et ainsi « gagner le combat », peuvent conduire à l’instauration de mesures protectrices de l’enfant au sens des art. 307 ss CC.

Le Code civil suisse rappelle que les père et mère sont tenus d’élever l’enfant selon leurs facultés et leurs moyens et qu’ils ont le devoir de favoriser et de protéger son développement corporel, intellectuel et moral (art. 302 al. 1 CC). L’autorité de protection de l’enfant prend les mesures nécessaires pour protéger l’enfant si son développement est menacé et que les père et mère n’y remédient pas d’eux-mêmes ou sont hors d’état de le faire (art. 307 al. 1 CC). Elle peut, en particulier, rappeler les père et mère, les parents nourriciers ou l’enfant à leurs devoirs, donner des indications ou instructions relatives au soin, à l’éducation et à la formation de l’enfant, mais aussi désigner une personne ou un office qualifiés qui aura un droit de regard et d’information (art. 307 al. 3 CC). L’autorité de protection de l’enfant peut également nommer un curateur qui assiste les père et mère de ses conseils et de son appui dans la prise en charge de l’enfant (art. 308 al. 1 CC).

Lorsqu’elle ne peut éviter autrement que le développement de l’enfant soit compromis, elle peut retirer l’enfant aux père et mère et le placer de façon appropriée (art. 310 al. 1 CC) ou prononcer le retrait de l’autorité parentale (art. 311 et 312 CC).

Force est toutefois de constater que de telles mesures – pour les parents ou les enfants – ne permettent non seulement pas la résolution des conflits parentaux mais, parfois, sont inflationnistes en ce sens qu’elles accélèrent l’escalade du conflit121 et, en conséquence, le mal-être des enfants (et des parents). Par exemple, dans les conflits à haute intensité

« le système judiciaire est utilisé par [chaque parent] comme un instrument pour atteindre un objectif » : détruire leur ennemi (l’autre parent).

119 ATF 131 III 209 consid. 5.

120 Cf. sous II. B. 1) a).

121 ZOBRIST/WIDER/SIBOLD, p. 486.

Alors que les parents attendent du juge que ce dernier désigne un gagnant et un perdant, il ressort en réalité qu’il n’y a que des perdants122. Enfin, il convient de relever le transfert de responsabilités parentales qui semble s’effectuer sur la tête du juge dès la saisie de ce dernier par les père et mère123. Dénués de leurs responsabilités, les parents ont tout loisir de poursuivre leurs conflits.

Documents relatifs