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Mesure de prévention secondaire : l’éducation

B. Mesures futures : les mesures préventives

2) Mesure de prévention secondaire : l’éducation

Toujours inspirée du domaine médical, la prévention secondaire consiste à empêcher l’aggravation des risques. En l’occurrence, il s’agit d’empêcher l’escalade des conflits parentaux et plus particulièrement éviter que le niveau des conflits à haute intensité soit atteint. Pour ce faire, il y a lieu d’agir « en amont » par le biais de l’éducation.

Deux propositions sont faites ici à titre de mesures préventives secondaires. La première consiste à mettre en place des cours d’alphabétisation émotionnelle pour les plus jeunes, soit ceux qui potentiellement peuvent devenir parents un jour (a). La seconde vise à instaurer des cours de coparentalité positive pour les très jeunes parents (b).

159 Ces précisions ont été obtenues par retour de courriel, le 04.05.20.

a) Cours d’alphabétisation émotionnelle

Cette notion a été créée en 1979 par un psychologue et écrivant franco-américain, Claude STEINER. Cela consiste en l’apprentissage et l’éducation des émotions aux enfants160. Ces derniers apprennent ce que sont les émotions, comment les (re)connaître, comment les gérer et les exprimer de manière positive. L’alphabétisation émotionnelle développe aussi la (re)connaissance des émotions d’autrui et la capacité d’y être sensible, de s’y adapter.

C’est ce qui est communément appelé l’empathie.

Une fois que des aptitudes telles que « savoir déchiffrer les signaux non verbaux, savoir écouter, être capable de résister aux influences négatives, savoir adopter le point de vue des autres et comprendre quels comportements sont acceptables dans une situation donnée »161 sont développées et acquises grâce à l’éducation émotionnelle, cela permet de prévenir notamment des problèmes relationnels. Ainsi, un enfant ayant suivi un tel cours aurait un bagage plus résistant face à une éventuelle séparation conflictuelle de ses parents. Par exemple, il peut être imaginé que l’enfant poussé par l’un de ses parents à dénigrer l’autre comprenne qu’un tel comportement n’est pas acceptable. Ainsi, cet enfant ne se laissera pas prendre au piège qui le conduirait à développer un syndrome d’aliénation parentale.

Selon VOUILLOZ, « les premières années de la vie sont le meilleur moment pour inculquer aux enfants les ingrédients de l’intelligence émotionnelle, bien que celle-ci continue à se former au cours des années d’école. Les capacités émotionnelles que les enfants acquièrent par la suite se développent à partir de celles forgées au départ. Et ces premières acquisitions sont à la base de tout apprentissage »162.

Le Danemark mise sur cette option depuis 1993. En effet, des cours d’empathie – sous-catégorie de l’alphabétisation émotionnelle – sont obligatoires à l’école pour des élèves âgés de 6 à 16 ans163. Ces jeunes Danois doivent suivre une heure de ce cours par semaine, consistant à trouver collectivement la solution à un problème164.

D’autres pays, comme la France, ont été inspirés par le Danemark et ont testé cette approche. Résultat ? Le climat général de la classe s’est apaisé. « Ici, pour régler un conflit : pas de coups de pieds. D’abord on s’explique, on se pardonne ensuite et on se quitte en bons amis »165 relate un professeur d’une école de Trappes dans les Yvelines (France) où l’expérience a été menée.

Ces exemples prouvent que 60 minutes par semaine suffisent amplement. Partant, pourquoi ne pas prévoir, en Suisse aussi, une heure de cours d’alphabétisation émotionnelle au cursus scolaire de chaque enfant durant la scolarité obligatoire ?

160 Cf. ces vidéos où ce concept est expliqué [https://dgek.de/claude-steiner/] (consulté le 27.03.20).

161 VOUILLOZ, p. 1 et référence citée.

162 VOUILLOZ, p. 6 et référence citée.

163 « Au Danemark : des cours d’empathie obligatoires » [https://enfance-parentalite.fr/au-danemark-des-cours-dempathie/](consulté le 27.03.20)

164 The Epoch Times [https://fr.theepochtimes.com/lempathie-enseignee-dans-les-ecoles-danoises-un-modele-a-suivre-185823.html] (consulté le 14.04.20).

165 The Epoch Times, ibidem.

Les (plus) jeunes ayant suivi ces cours seront enrichis de compétences relationnelles qu’ils pourront aussi mettre à leur profit lors d’une éventuelle séparation de leur futur couple, pour que l’union conjugale soit rompue en de bons termes, que l’union parentale perdure de manière positive et ainsi éviter (une escalade) des conflits, pour le plus grand bonheur (et bien-être) de leurs enfants.

b) Cours de coparentalité positive

Parallèlement au travail mené sur les enfants par les cours d’alphabétisation émotionnelle, celui des parents devrait se faire par le biais de cours de coparentalité positive. La coparentalité est un concept de psychologie qui se réfère à la façon dont le rôle de parents est joué et maintenu notamment après la séparation parentale166. Ce qui est intéressant est la forme positive de la coparentalité, aussi appelé coparentage positif, soit la manière dont les parents continuent à collaborer, à coopérer entre eux pour le bien-être de leurs enfants.

Selon WIDMER/FAVEZ/DOAN, des comportements de validation réciproque ou le respect exprimé par les parents l’un envers l’autre sont des exemples de coparentalité positive167. Autrement dit, il s’agit d’une solidarité (co)parentale en vue du bien-être de l’enfant.

De telles compétences parentales positives devraient être apprises aux couples afin de prévenir ou, à tout le moins, de minimiser les « retombées » du conflit parental au sujet du sort des enfants lors d’une séparation.

A titre d’exemple, les programmes utilisés dans le cadre d’une procédure de divorce aux Etats-Unis, comme par exemple dans le comté de Maricopa dans l’Arizona, depuis le début des années 1990 peuvent être mentionnés. L’objectif de ces programmes est, outre la prévention, l’éducation des parents afin de favoriser une meilleure communication et des comportements positifs tendant à la réduction des conflits168 ; en d’autres termes

« éduquer » les parents à une coparentalité positive post-divorce.

Selon les sources recueillies, 80% des parents qui étaient au départ réticents face à ces programmes ont soumis l’idée, après les avoir suivis, que les tribunaux devraient les exiger comme condition préalable à tout divorce/séparation. Parmi tous les participants, 95% ont dit qu’ils utiliseraient ce qu’ils ont appris durant ces programmes. Six mois après avoir participé à ces programmes, les parents ont rapporté être plus attentifs aux besoins de leurs enfants, ainsi qu’avoir plus de tolérance pour le rôle de l’autre parent, plus enclins à la communication, leurs conflits ont diminué et savaient comment se comporter pour ne pas exposer leur enfant aux conflits169.

166 COTTIER et al., p. 7 ; WIDMER/FAVEZ/DOAN, p. 47.

167 WIDMER/FAVEZ/DOAN, p. 47.

168 SHEPARD, p. 115 : « The goal […] is education. Education, in turn, aims at preventing court intervention in the lives of the family by promoting better communication and conflict reduction skills and to promote better parent-child relationships ».

169 SHEPARD, p. 119-120.

Depuis le 1er janvier 2016, le Canada prévoient aussi des séances obligatoires sur la parentalité après la séparation170. Lors de cette séance, animée par deux spécialistes, l’un du domaine juridique et l’autre du domaine psychosocial, est « abordé de manière approfondie [notamment] les conséquences de la rupture des parents sur la famille : choc psychologique causé par la séparation, besoins et réactions des enfants, communication avec l'autre parent, etc. » 171. « Les parents, [qui y ont participé], ont rapporté qu’ils étaient plus sensibles aux besoins de leurs enfants et qu’ils avaient amélioré leur capacité à composer avec l’autre parent que ceux n’y ayant pas participé. De nombreux parents font bénéficier à leurs enfants des connaissances acquises, malgré le fait qu’ils aient admis avoir été peu motivés à prendre part à un tel groupe avant de débuter. Dans une proportion de 87%, les participants interviewés par les auteurs du rapport estimaient que les séminaires sur la coparentalité devraient être obligatoires »172.

Qu’en est-il en Suisse ? Le Chef de l’Office pour la protection de l’enfant dans le canton du Valais, M. Marc ROSSIER, explique qu’un cours de coparentalité a déjà été testé par ledit office de 2013 à 2015. Il semblerait que ce cours « répondait à une demande des parents mais intervenait souvent trop tard dans la séparation »173.

Pour répondre à cette problématique de temporalité, proposition est faite d’instaurer des programmes/cours de coparentalité pour les futurs parents, ceux qui transitent vers la parentalité (ceux qui attendent un enfant) ou encore aux tout jeunes nouveaux parents, soit avant qu’un conflit parental ne survienne.

Ainsi, promouvoir une communication et une collaboration parentales à un stade précoce est susceptible de mieux protéger les enfants puisque leurs parents auront acquis les compétences (une communication positive, résolution des litiges de manière calme et coopérative, etc.) y relatives en amont.

Il serait préférable que ces cours soient obligatoires afin de s’assurer que chaque parent ait un « valise pleine » de bonnes compétences avant d’entreprendre le voyage de la parentalité. Pourquoi ne pas prévoir quelques séances à suivre parmi les modalités de préparation du mariage ou encore au sein des hôpitaux, peu après la naissance de l’enfant ? A cet égard, il y aurait lieu d’organiser de courtes réunions avec des exemples vidéo qui seraient projetées aux (futurs) jeunes parents, des ateliers pour apprendre une manière de communiquer et de collaborer post-séparation ou encore la façon de résoudre les conflits au sujet du sort des enfants de manière constructive174. Les comportements positifs ainsi appris et reproduits par les parents lors de leur séparation seront observés par les enfants, qui les imiteront à leur tour dans leurs relations personnelles.

170 Gouvernement du Canada, site web [https://www.justice.gouv.qc.ca/couple-et-famille/separation-et- divorce/la-mediation-familiale-pour-negocier-une-entente-equitable/seance-dinformation-de-groupe-sur-la-parentalite-apres-la-rupture/] (consulté le 03.05.20).

171 Gouvernement du Canada, site web, ibidem.

172 OBSERVATOIRE CANTONAL DE LA JEUNESSE (Valais), Rapport 2016-2017, p. 23.

173 ROSSIER, Dossier, p. II.

174 Ces exemples sont directement inspirés, voire repris, de ZEMP/BODENMANN/CUMMINGS, p. 103.

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