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2.2. Description commentée des conditions structurantes et des phases de la

2.2.1. Les 10 conditions structurantes

2.2.1.8. Pas de moyens financiers attribués

L’évolution de la pratique théâtrale au cours des cinq dernières années a montré qu’il était préférable de ne solliciter aucune aide matérielle pour la réalisation de la mise en scène afin que la prise en charge du travail créatif par les étudiants soit totale.

Trouver comment fabriquer costumes et décors sans budget accordé par l’institution, est un moyen de permettre un effort d’imagination plus grand, entraînant une implication collective encore plus conséquente.

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Les recherches de costumes et de décors sont une action de plus à effectuer par les individus actifs au sein du groupe et matérialisent le désir d’avancer dans la progression de l’ensemble du travail.

La première mise en scène réalisée au département de français de l’université de Laghouat, Les fourberies de Scapin, avait été aidée par une petite subvention de dix milles dinars algériens avec lesquels furent achetés des tissus de différentes teintes. Des costumes d’une couleur par personnage, permirent de créer des repères simples pour le public qui associait Scapin à l’orange, Géronte au noir, Argante au vert foncé, Octave au vert clair, etc. Les acteurs se relayaient ainsi, chaque costume sommairement taillé, pouvant être facilement doublé.

Ce symbolisme trop rudimentaire dû à un parti-pris lié au maigre budget accordé, s’avéra finalement plus limitatif que stimulant et l’enseignant décida de se passer de toute aide pour la mise en scène de Huis clos.

Mis face à un nouveau problème à résoudre par eux-mêmes, les étudiants apportèrent des vêtements divers, qui une veste, qui un pantalon, etc. et un ensemble se constitua dans une cohérence offrant plus de richesse et d’originalité que pour la pièce de l’année précédente. Les décors restaient néanmoins très modestes et symboliques puisque devant tenir compte « des moyens de bord ».

Les apprenants firent une recherche de costumes et purent emprunter de longues robes, des pantalons et des gilets aisément associables à l’époque.

Afin de pouvoir changer très rapidement de costumes, le principe retenu pour tous les étudiants - les filles interprétant souvent des rôles masculins - était le port d’une base vestimentaire noire composée de collants et d’un tee shirt.

En effet, n’ayant pas accès aux coulisses pour des raisons particulières, les étudiants devaient se changer très rapidement dans des endroits discrets mais qui restaient à la vue du public.

Le fait de ne pas avoir de projecteurs à disposition entraînait une forme théâtrale spécifique qui incluait la salle dans son espace scénique et qui ne pouvait ménager aucun «effets spéciaux ».

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Ce parti-pris de la contribution volontaire des étudiants en matière de costumes fut maintenu au département de français de Laghouat et fonctionna avec succès, les recherches s’avérant toujours très fructueuses.

En se cotisant entre 20 et 30 dinars chacun, les étudiants pouvaient également acheter du papier crépon pour améliorer leur habillage et peindre un décor en général fixé sur le mur sous forme de panneaux changeant selon les actes.

Une très grande imagination put se développer dans cette précarité de moyens et, à l’exception de La cantatrice chauve jouée dans le dépouillement quasi-total, les trois pièces qui furent réalisées de 2014 à 2015 furent dotées de décors inventifs - notamment Le voyage de Monsieur Perrichon grâce à un travail de peinture sur des toiles de plastic de différentes couleurs qui permirent de confectionner un train et ses fenêtres ouvertes, les Alpes sur fond de ciel bleu, etc., et de constituer des parures pour les chaises transformées en divan.

Le port de costumes doit être présent très tôt dans le travail car dès leur apparition le théâtre prend une dimension plus concrète et plus jouissive. Les étudiants sont généralement aidés par le complément physique de la caractérisation de leur personnage.

Les changements de rôles sont mieux perçus et le rapport à la fiction se voit renforcé ainsi que le désir de jeu qui permet d’être autre en continuant d’être soi- même.

Chaque mise en scène est une aventure dans laquelle tout doit être inventé par les apprenants, et qui dépend des trouvailles et des possibilités de chaque groupe. Cette approche entraîne un très grand enthousiasme et les préparations de décors se font sur propositions individuelles ou par petits groupes d’étudiants.

Le travail ainsi réparti se coordonne et l’émulation crée un phénomène de contribution spontanée extrêmement impliquant et motivant pour les apprenants qui associent le travail du texte aux conditions réelles des situations matérielles de l’emploi de la parole des personnages qu’ils incarnent.

La modeste participation financière nécessaire à ce minimum de décors et de costumes est acceptée avec plaisir et donne, à plus forte raison, le sentiment d’une totale prise en charge de ce que le groupe produira.

Ici également, les exigences du travail pédagogique interfèrent avec celles que poserait une troupe de théâtre en matière de moyens pour une mise en scène.

Cette différence n’ôte pas à la pratique son sens dramatique réel mais confère à la spécificité de l’entreprise l’énergie d’un théâtre pauvre qui privilégie les efforts et la participation des membres du groupe.

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Le résultat est forcément imprévisible. Il reste néanmoins lié à la manière dont les étudiants se sont organisés pour mener à bien leur tâche et à l’esprit dans lequel s’est déroulé le travail.