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2.2. Description commentée des conditions structurantes et des phases de la

2.2.1. Les 10 conditions structurantes

2.2.1.9. La formation de l’enseignant

Les plages de travail autonome ainsi que l’esprit de recherche-découverte encouragé dans la classe déplacent le pouvoir de l’enseignant. Celui-ci devient le point de cristallisation autour duquel se produisent les processus de formation de groupes.

Lorsque des difficultés se présentent, l’enseignant propose plusieurs solutions et incite les autres membres du groupe à en faire de même afin que soit créé un climat démocratique où la parole de chacun puisse être entendue. Ce sera l’ensemble des apprenants qui ultérieurement prendra la décision finale concernant tel type d’interprétation, telle orientation à donner à la mise en scène ou encore tel costume ou décor à utiliser.

L’enseignant laisse les petits groupes se composer librement et donne les consignes de temps de travail, de type d’exercices à réaliser. Il indique ses critères d’évaluation en fonction de la participation au travail collectif et aux exigences théâtrales en matière de diction, d’originalité d’interprétation1

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Sa contribution au groupe est réelle en permettant à celui-ci de rencontrer certaines techniques dramatiques. Elle organise le déroulement du travail en étant à l’écoute de ce qui advient au fur et à mesure de l’avancée toujours imprévisible et évite de se mêler de trop près aux activités d’élaboration.

L’enseignant doit être capable de discerner quand les corrections sont pertinentes ou non.

Ces corrections seront rares dans les multiples échanges langagiers qui ont lieu au cours des discussions et des improvisations afin de maintenir leur authenticité et leur spontanéité, et beaucoup plus systématiques dès que sera abordée la parole du texte.

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Les étudiants sont informés dès le début du semestre des critères d’évaluation du travail théâtral, qui répondent aux exigences de la pratique elle-même. Ils concernent la participation et la performance (cf. annexes 1 et 3). Ils prennent en compte le processus de l’apprentissage et l’aboutissement des efforts en deux temps : - six premières semaines (25 %) + répétition publique (25 %) ; - six dernières semaines (25 %) + représentations finales (25 %). Le travail considérable accompli par les apprenants au cours de leur progression individuelle dans le cadre du groupe très solidarisé, entraîne un phénomène de nivellement par le haut où les plus faibles linguistiquement se hissent au niveau des plus avancés. Les critères langagiers ne sont pas les seuls considérés et s’associent au jeu d’acteur, à la participation active au sein du groupe, l’assiduité (essentielle dans la mesure où chaque étudiant est responsabilisé par rapport au travail collectif). En général, la première évaluation permet de « prendre la température » du travail du groupe. Cette première impression ne se dément pas par la suite, et les résultats obtenus permettent d’attribuer de très bonnes notes. La note finale -sauf exception - se résume à une note de groupe. Si la participation de l’ensemble des apprenants a été maximale, la performance donne d’excellents résultats et les progressions individuelles méritent le même traitement. De 2014 à 2015 les notes furent : - « A » (entre 16 et 20) ou « B » (entre 12 et 16). La note est considérée comme soutien du travail et ne représente pas de coercition ; l’intérêt et la nature de la pratique constituent un enjeu personnel plus fondamental pour les étudiants.

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Ce rôle actif de l’enseignant intervient fortement au niveau des structures, des buts, et de l’attitude positive de confiance dans les productions des individus, des petits groupes et du grand groupe. Il est interlocuteur permanent et permet la centration sur la tâche à réaliser, ce qui génère un climat social qui régule la perception des participants entre eux ainsi que leur comportement.

La responsabilité du travail et de son résultat est partagée par le groupe et l’enseignant incluse.

Être un regard et une écoute n’empêche pas évidemment l’enseignant de prendre la parole mais son intervention ne doit pas être envahissante car à ce moment-là le « feed back » des apprenants, sous forme d’objections, de remarques, de questions ou de contre-propositions, diminuerait.

La proximité et l’empathie que requièrent le travail langagier et théâtral ne doivent pas être confondues avec identification ou fusion. En effet pour transmettre des connaissances, la pédagogie tient compte du plan émotionnel chez l’apprenant et l’enseignant, sans pour cela oublier le plan fonctionnel qui doit être toujours posé comme exigence première.

Le pédagogue est une aide à l’autonomie. Il donne des occasions à l’étudiant d’augmenter ses initiatives et d’élucider son vécu en lui apportant des informations et des corrections dans un esprit de coude à coude guidant le travail à réaliser.

La motivation ainsi mise en jeu démystifie le pouvoir du pédagogue tout en assurant sa responsabilité de gardien de l’ordre symbolique. Il est le témoin de la règle posée par le contrat de départ et maintient cette exigence rassurante pour les apprenants qui ainsi ne perdent pas le sens de la nécessité de leurs obligations.

L’enseignant est ce médiateur et ce catalyseur qui met les étudiants face à leurs responsabilités de prendre en charge leur propre apprentissage sans occulter pour autant le fait de sa compétence de détentrice d’un savoir. Ce savoir n’est pas transmis d’une manière traditionnelle et doit être vécu corporellement grâce à la découverte qu’en fera chaque participant. C’est à l’enseignant que revient la prérogative de créer les conditions favorables à ce qu’une découverte puisse être réalisée, partant de l’étudiant lui-même et de ses capacités créatives.

Tous les exercices proposés par l’enseignant sont vécus singulièrement par chaque apprenant et en toute liberté dans leur réalisation. Ils représentent une modélisation qui est toujours à personnaliser dont il faut savoir utiliser le point de départ pour aboutir à sa propre recherche liée à son propre ressentir.

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Le cours de théâtre présent a été proposé pour la première fois au département de français à l’université de Laghouat à l’automne 2014. Chaque nouveau groupe, selon les semestres et la pièce proposée, a permis la progression de la réflexion de la pédagogie quant à la co-présence de tous les paramètres intervenant dynamiquement dans la pratique. Celle-ci, à aucun moment, ne met le théâtre au service de la langue qui s’apprendrait en considérant l’œuvre comme moyen d’apprentissage de structures, de lexique ou de prononciation.

Ces apprentissages existent dans le lieu de l’œuvre comprise comme un ensemble, une globalité représentative de la globalité de la langue en action au cœur des échanges entre personnages.

L’esprit du théâtre peut être ainsi conservé, et le fait de débuter dans une langue ne prive pas les apprenants d’un rapport au texte qui perdrait sa véritable nature dramatique et créative.

La communication intense suscitée par l’intérêt de leur tâche permet aux étudiants d’entretenir des échanges permanents et spontanés entre eux et avec le pédagogue. Un apprentissage se réalise ici également grâce aux conditions créées par le but à atteindre, qui stimulent une parole naturelle en liaison avec des motivations réelles.

Les deux types d’intervention orale et gestuelle des paroles scénique et non scénique mettent les étudiants dans des situations de liberté liées à des contraintes inhérentes au contrat de départ.

C’est parce que les apprenants acceptent au début de réaliser une mise en scène, qu’ils pourront échanger comme ils le font et qu’ils aborderont l’œuvre d’une manière authentiquement théâtrale tout en étant débutants.

L’enseignant doit avoir le souci constant de maintenir une ambiance de travail telle que ne soit jamais perdue l’exigence théâtrale.

La rencontre de la pédagogie et du théâtre permet d’inventer une forme théâtrale qui a ses lois propres, compte tenu des débutants en langue et en théâtre à qui elle est adressée, mais cela ne veut pas dire que le théâtre en soit annexé pour autant.

L’interférence des deux types de parole évoqués permet une libération bénéfique des échanges langagiers non contraints par des corrections inhibantes et d’autre part une exigence de prononciation avec correction phonétique, rythmique et mélodique, de la parole du texte, écrit pour être compris et transmis à un public.

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C’est à ces deux niveaux que l’ensemble de la pratique existe. Ils sont mêlés et agissent l’un sur l’autre dans des rapports difficilement quantifiables sur une durée de douze semaines seulement.