• Aucun résultat trouvé

2.2. Description commentée des conditions structurantes et des phases de la

2.2.1. Les 10 conditions structurantes

2.2.1.7. La dynamique du groupe

Le groupe constitué par les apprenants et l’enseignant est un lieu relationnel permettant au travail d’être réalisé.

Il n’est pas objet d’identification comme cela peut advenir dans une classe de type traditionnel où l’enseignant crée un rapport de face à face avec l’élève ; il est espace transitionnel créateur de médiations multiples.

Il est, avec le texte de la pièce, le moyen de constituer des rapports singuliers : il place l’étudiant dans une position de socialité et de travail effectif.

Le groupe permet ce transfert d’autorité car il responsabilise totalement l’étudiant qui en fait partie en tant qu’unité active, et le situe face à ses initiatives, ses critiques et ses décisions quant à l’évolution de son propre travail et de celui de l’ensemble des étudiants.

Dans le cas de la pratique proposée, c’est le groupe qui tient lieu de metteur en scène collectif et non l’enseignant.

La satisfaction d’être complètement responsable du résultat d’un travail est un facteur important de la motivation de chacun. L’implication de chaque apprenant dans le collectif qui se solidarise de plus en plus au fur et à mesure que la mise en scène avance, suscite un rapport adulte à la tâche à réaliser.

96

Dès le début du semestre, le travail d’échauffement, les exercices d’éveil à une sensorialité et les improvisations, mettent les étudiants en rapport les uns avec les autres en constituant des petits groupes dont la composition se modifie, afin qu’il n’y ait pas fixation affective mais au contraire rencontre de tous les participants selon des formations qui varient au cours des trois heures de séance.

Des exercices de présentation individuelle, réaliste ou imaginée lors d’improvisations, permettent aussi de placer l’individu face au groupe public qui l’aide à dépasser les inhibitions de la prise de parole par son écoute attentive.

Plus tard, lorsqu’est effectué le découpage de la pièce, de petits groupes se constituent de façon plus stable afin de commencer le travail d’interprétation par scènes ou par extraits de la pièce.

Puis les étudiants constitueront de nouveaux groupes pour la suite du travail jusqu’à l’accomplissement final de la mise en scène.

Le groupe est le lieu d’écoute de la parole scénique et non scénique ainsi que le regard critique et encourageant sur toutes les propositions faites par les apprenants. Il offre un retour qui permet à chacun de se situer dans l’ensemble de la réalisation de la tâche à accomplir et instaure un dialogue permanent dont les modalités interlocutoires varient : entre apprenants, entre apprenants et enseignant, entre apprenants et public.

C’est parce qu’il est ce lieu d’écoute que le groupe impulse la parole des étudiants en leur donnant une sécurité de réception positive, qui élimine les peurs et entraîne une désinhibition orale et gestuelle.

Le fait d’accepter que l’expression soit imparfaite contribue au désir d’améliorer la qualité de la parole chez l’étudiant et seule l’ambiance de travail dans le groupe peut encourager chaque participant dans sa progression.

Le groupe est également le lieu des négociations puisque l’avancée dans le travail de mise en scène est liée à des échanges permanents qui décideront des orientations à prendre et des améliorations à apporter.

Le mouvement de la pratique théâtrale participe des rapports dynamiques entre grand groupe et petits groupes. Ces derniers travaillent aussi de manière autonome ou avec l’aide de l’enseignant qui circule de groupe en groupe selon les demandes.

97

Puis, des réunions de tous les groupes se font. Le grand groupe se reconstitue et un autre style de travail a lieu, où peuvent se coordonner les diverses interprétations dans le déroulement de la mise en scène et où peuvent prendre place des critiques d’ordre général.

La démonstration du travail de chaque groupe au grand groupe, qui donne son opinion et fait de nouvelles propositions si nécessaire, est très stimulante pour les acteurs car le grand groupe joue à ce moment-là le rôle du public et du metteur en scène.

Des critiques très particulières peuvent être faites qui sont écoutées attentivement et retenues si les comédiens les ressentent comme pertinentes.

Il ne s’agit pas de quitter la dépendance de l’enseignant pour tomber dans la dépendance du groupe. Celui-ci est une réserve d’énergie qui doit jouer positivement en diminuant le pouvoir du professeur et non son importance.

Pour qu’il y ait lieu de parole et pour que la parole ait lieu, l’espace intermédiaire qu’incarne le groupe doit pouvoir permettre à l’apprenant de se construire dans la direction de son autonomie en régulant les affects au bénéfice de l’aspect fonctionnel du travail à partager et des apprentissages à réaliser.

Le groupe protège et stimule en même temps lorsqu’il joue son véritable rôle de lieu médian, favorisant la prise de risque langagière et gestuelle requise par le travail de nature créative.

Selon les moments, les aléas de la pratique, peuvent s’harmoniser en directivité et non-directivité du groupe-classe composé par l’enseignant et les apprenants.

Certains étudiants peuvent s’instituer en leaders, d’autres en suiveurs. La vigilance de l’enseignant quant à ces phénomènes inhérents à tous les groupes, permet d’équilibrer les modes relationnels par une attitude positive toujours favorable à la désinhibition des plus timides et à la maintenance de l’acceptation de l’autre dans sa différence.

Les interventions se font toujours au nom du travail qui permet de ne pas tomber dans des problèmes d’ordre affectif mais d’intégrer ceux-ci à la recherche et aux apprentissages effectués dans le cadre du groupe-classe qui répartit les plaisirs et les frustrations.

L’affectif est reconnu mais c’est le fonctionnel qui doit l’emporter, dans le respect de la diversité des cultures et des personnalités.

98

Le groupe est ce lieu-support de l’autonomie qui s’acquiert, où peut s’expérimenter l’union jamais parfaite du principe de plaisir et du principe de réalité, et où peuvent prendre place la recherche et la découverte de sa propre voie après considération de modèles.

Le travail de groupe continue librement en-dehors des heures de cours et ce type d’organisation autonome est fondamental pour le rythme de la progression de la pratique.

Après avoir pleinement joué son rôle de médiateur pendant les douze semaines d’un travail exigeant, la vocation du groupe de plus en plus solidarisé et chargé émotionnellement, est de se dissoudre.

Les spectacles qui clôturent le semestre sont le témoignage des apprentissages effectués dans l’espace du groupe et de sa dynamique singulière : la fête a lieu, ritualisant la fin d’un processus ainsi que le début d’un rapport plus autonome des étudiants au travail qu’ils doivent accomplir pour la prise en charge de leur apprentissage dans la langue nouvelle. Le groupe-classe a pu progressivement devenir groupe de théâtre en faisant tout ce chemin, conduit par l’exigence du travail canalisant les énergies et les démultipliant, grâce à la nature des échanges qui se sont progressivement construits librement dans les limites du contrat de départ, et dans les multiples médiations générées par la tâche collective à réaliser.

Les mouvements du groupe créant la dynamique relationnelle et la communication au sein du collectif, jouent de la même manière selon que le groupe est homogène ou hétérogène. On constate néanmoins des différences d’ordre langagier qui entraînent une plus grande solidarité basée sur une nécessité de communiquer en français chez le groupe hétérogène. Les étudiants, relativement isolés dans le contexte français, mettent encore plus d’enthousiasme à créer des échanges.

L’expérience théâtrale permet à ses participants de se réunir autour d’un travail intensif et par la même occasion leur offre la possibilité d’une action dirigée vers la société qu’ils sont en train de découvrir et dans laquelle ils peuvent - à leur manière - prendre la parole.