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2.3. Le processus de l’apprentissage par la pratique

2.3.2. La correction phonétique

Dans le cadre de la pratique théâtrale, la parole est pratiquée très intensivement pour l’amélioration de sa qualité phonique dans le mouvement du jeu d’acteur. La parole n’est pas dissociée de la gestualité et le sens des répliques est inscrit dans un sens plus général qui est celui de l’œuvre, destinée à être entendue.

La correction phonétique est pratiquée de manière non mécaniciste dans le feu de l’action dramatique lorsque la faute se produit, ou de façon retardée selon la pertinence de l’instant.

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L’intervention de l’enseignant est moins systématique au cours des échanges langagiers libres - parole non-scénique - afin de ne pas rompre l’authenticité de la communication en présence.

Ces deux attitudes pédagogiques différentes cohabitent dans le même espace, selon que la parole est théâtrale ou non, afin d’éviter la contradiction pesante du dilemme entre le développement des capacités communicatives et la nécessité de corrections plus formelles nécessaire à une parole intelligible.

N’est-ce pas toujours de la parole qu’il est question ?

Même si elle intervient à deux niveaux différents, celui de la construction de l’interlangue de l’apprenant, et celui de la rencontre et de l’accès à l’œuvre, c’est toujours la parole dans sa fonction de communication qui est en action.

L’apprenant est mis en position de confronter son système intermédiaire à tous les apports langagiers de la langue cible que ce soit la parole de l’enseignant ou celle de l’auteur. Il fera lui-même les transferts nécessaires au niveau de sa propre parole, et progressera à son propre rythme.

Les étudiants sont mis en contact avec une masse langagière importante dans une durée de travail relativement longue qui leur donne la possibilité matérielle d’incorporer la parole dans son mouvement global en y associant le mouvement du corps.

La particularité du cours de théâtre est de mettre l’étudiant au cœur de cette globalité immédiatement, en sachant que l’accès au sens ne se fera que progressivement grâce à la pratique de répétition intensive liée au plaisir de l’interprétation. Ce sont des découvertes plus physiques qu’intellectuelles qui permettent aux participants de faire l’expérience d’un vécu de la matière de la langue.

De nombreux exercices d’acteurs prédisposent à une bonne écoute de la parole de l’enseignant : respiration, relaxation, perception, contact, et à une importante production langagière au cours des échanges authentiques, des improvisations et interprétations diverses.

Au cours de la progression de la réalisation de la tâche, une auto-correction s’effectue grâce aux échanges multiples et à l’écoute de l’enregistrement par l’enseignant.

À partir du moment où les étudiants commencent à apprendre le texte en situation, la correction de l’enseignant se fait plus interventionniste et plus vigilante afin qu’ils n’apprennent pas leurs erreurs, ou en tout cas le moins possible.

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La correction individuelle devient systématique au fur et à mesure de l’intégration du texte et l’enseignant doit jouer de vitesse pour éliminer le maximum de fautes. Il doit savoir entendre l’erreur, l’analyser et en transmettre la correction directement après l’émission ou, comme il a été dit plus haut, de façon retardée, après prise de note, si l’interprétation ne doit pas être stoppée.

Les étudiants conservent les « petits papiers collables » où la faute est consignée et se corrigent immédiatement d’après le modèle donné par l’enseignant.

On constate également que le désir de communiquer pousse les étudiants à faire davantage d’efforts d’intelligibilité.

En effet, la nécessité qui regroupe les participants autour de la tâche à réaliser, suscite une parole de plus en plus efficacement claire, sans artificialité puisqu’elle a lieu dans un contexte où les échanges sont imprévisibles et essentiels à l’avancée collective.

Le travail du texte associe diction et interprétation et alterne les moments d’exercices d’ordre plus technique et ludique avec les phases d’interprétation où la créativité peut se libérer en profondeur (cf. exercices pratiques, infra).

L’apprentissage phonétique, rythmique et mélodique évolue au cours d’actions se justifiant par la nécessité absolue d’être comprises, en solidarité à une parole qui doit être entendue.

Sinon, comment transmettre l’œuvre au public ?

Cette exigence apparaît évidente à tous les participants et implique une attitude très positive et solidaire vis-à-vis de la correction, jusqu’à l’obtention d’un résultat satisfaisant.

La liberté de mouvement autorisée par l’espace et l’esprit du travail collectif permettent à l’enseignant d’intervenir en situation naturelle puisqu’il s’agit de la réalisation effective d’une mise en scène grâce à d’authentiques échanges.

C’est à partir des productions devenues nécessaires que peut intervenir la correction phonétique.

La langue n’est pas annexée par le travail pédagogique.

Au contraire ce dernier suit le continuum vivant de la parole en faisant son possible pour ne pas l’entraver.

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Il agit sur une masse langagière très importante - les étudiants ayant de nombreux rôles - et sur une durée de douze semaines - ce qui permet un temps d’assimilation et l’incorporation des répliques.

Les moyens correctifs varient selon les nécessités du moment. Ils empruntent aux différentes techniques, de la méthode verbo-tonale à la méthode articulatoire. Aucune de ces approches ne sera utilisée de façon systématique. Chaque erreur est corrigée en jouant sur les positions, l’environnement phonétique, l’intonation, la durée, l’affectivité, la mimique, les positions de la langue, etc. Le chant est également utilisé ainsi que le rythme d’une syllabation saccadée.

La gestualité liée à la prononciation facilite la bonne réceptivité ainsi que le chuchotement. Dans ce cas, les apprenants repèrent les sons qui n’appartiennent pas à leur crible phonologique en « tendant l’oreille », l’enseignant étant placée derrière eux.

Le travail de répétition du texte permet d’intégrer la correction dans l’ensemble d’une réplique ou sur une phrase entière.

Cela permet de ne pas séparer la correction des phonèmes du rythme et de la mélodie de la chaîne parlée.

L’engagement du corps inhérent au travail dramatique produit des effets désinhibitoires dont la parole bénéficie.

Les apprenants sont placés dans des conditions physiques et psychologiques optimales pour une bonne écoute et une reproduction correcte des modèles phoniques apportés par l’enseignant.

L’esprit qui caractérise les interventions de cette dernière est une association de l’exigence et du ludique, car le rire et la détente sont les effets d’une bonne relation entre étudiants et enseignant. Cette qualité relationnelle est fondamentale pour la coopération due à tout travail pédagogique, notamment celui qui fait intervenir la créativité ainsi qu’une liberté d’échanges.

C’est un climat de travail qui suscite une bonne réception des corrections, et la volonté de traverser les difficultés présentes dans la prononciation liée au mouvement.

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La grande quantité de texte mis en situation dramatique permet aux étudiants d’affronter tous les problèmes de la parole étrangère en même temps. La durée de la pratique autorise un nettoyage progressif des erreurs et l’enseignant doit faire confiance au temps nécessaire à l’écoute, à la pratique intensive, et à l’auto - correction qui en découle.

Lorsque le texte devient compréhensible dans un continuum, où se fait jour une certaine fluidité langagière, la correction des fautes récurrentes se fera beaucoup plus exigeante.

On constate que les émotions caractérisant l’interprétation des répliques facilitent l’énonciation grâce à une conviction communicative liée à un objectif réel : celui de la poursuite de l’échange entre les personnages.

La langue, vivante dans les dialogues, n’est pas coupée de sa véritable nature, et l’effort phonétique, rythmique et mélodique, est associé à l’exigence théâtrale sans jamais devenir exercice formel.

Grâce à cela, les répétitions intensives du texte ne sont jamais fastidieuses aux yeux des étudiants, qui prennent plaisir à inventer les situations et le jeu d’acteur, jusqu’à l’incorporation complète du texte qui dès lors, commence à vivre en eux.