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Chapitre 4 : Vaccination et grossesse

4.3 Santé publique et vaccination chez la femme enceinte – rôle et impacts sur les

4.3.1 Motivations derrière les recommandations de la santé publique

Sur le site de l’ASPC, il est recommandé aux les femmes enceintes de se faire vacciner contre l’influenza. La principale motivation soutenant cette recommandation est la suivante :

Il est recommandé à toutes les femmes enceintes de se faire vacciner contre la grippe (influenza), surtout pendant la saison grippale (de novembre à avril). Pourquoi? Parce que la grippe est plus susceptible de provoquer une maladie grave chez les femmes enceintes que chez les autres femmes. L’administration d’un vaccin antigrippal inactivé réduit le risque de complications dues à la grippe pendant la grossesse et après la naissance du bébé (ASPC 2019).

Selon les répondantes sages-femmes, plusieurs éléments viennent s’ajouter à cette motivation et ont ainsi un rôle à jouer quant à la recommandation du vaccin contre l’influenza chez la femme enceinte. Parmi ces éléments, celui qui fût le plus souvent cité est celui concernant l’aspect monétaire. Selon les répondantes, la santé publique

recommande fortement la vaccination lors de la grossesse afin d’éviter les coûts engendrés par un nombre trop important d’hospitalisations.

Ils croient fermement que ça va baisser le taux de maladie et de complications, de gens à l’hôpital, etc. C’est vraiment le but, c’est que ça coûte moins cher. C’est clairement pour que ça coûte moins cher à la société que de traiter une maladie et avoir des gens qui décèdent, donc plus il y a de gens couverts, c’est vraiment des mathématiques, moins il va y avoir de gens malades. C’est d’éliminer le plus possible les complications d’une maladie, ce sont des coûts humains de santé, des coûts économiques (répondante sage-femme #1).

Les études faites sur les coûts occasionnés par un nombre élevé d’hospitalisations ont également été mentionnées. « La santé publique marche avec des probabilités et des statistiques, j’imagine que c’est le coût de chaque cas de femme enceinte qui est obligée d’être hospitalisée, c’est probablement élevé et ça pèse dans la balance » (répondante sage- femme #9). Nombreuses sont les répondantes sages-femmes qui ont souligné l’aspect de vision globale de la santé publique : « C’est clair que quand on parle de santé publique, c’est une mesure à grande échelle qui est relativement peu coûteuse, qui est facile à mettre en place et qui fait somme toute ses preuves, qui est relativement efficace » (répondante sage-femme #4). Cette vision à grande échelle abordée par cette répondante fût également un élément des plus mentionnés. Puisque la pratique sage-femme préconise un type de suivi personnalisé et à l’image de chaque femme, le fait de recommander une intervention à grande échelle vient à l’encontre de ces valeurs, d’une certaine façon. « La santé publique ils voient plus à grande échelle la population, nous on fait affaire avec de l’humain un à un et notre but c’est de les rendre autonomes, de faire des choix éclairés donc on ne peut pas leur taper dessus avec un discours moralisateur » (répondante sage-femme #1). Cependant, cette vision globale de la santé publique a également été citée de façon positive par deux répondantes. En effet, ces dernières croient que la recherche d’une couverture globale est motivée par une tentative de protection non seulement des individus en santé mais également de ceux étant plus à risque.

La vaccination fonctionne s’il y a beaucoup d’individus de la population qui sont couverts. Par exemple la rougeole pour les enfants, à plusieurs endroits la vaccination a diminuée donc la rougeole a eu une résurgence. C’est d’avoir une

protection populationnelle pour protéger les membres de la population qui soit ne peuvent pas être vaccinés, soit que le vaccin n’a pas fonctionné, soit qu’ils sont trop jeunes ou trop malades pour le recevoir. Donc c’est un effet protecteur pour les individus qui sont plus à risque et ça a sauvé des vies. C’est parce qu’on ne les voit plus ces maladies-là mais la variole ce n’était pas particulièrement plaisant et ça a été éradiqué grâce à la vaccination, la polio il y en avait beaucoup d’enfants qui avaient des malformations. Ça les gens ne le voient plus, c’est pris pour acquis maintenant (répondante sage-femme #8).

Une autre motivation citée en lien avec la recherche de protection à grande échelle par la santé publique amène un angle de réflexion bien différent. En fait, une répondante sage- femme a mentionné un fait intéressant, bien qu’il ne soit pas directement lié à la vaccination chez la femme enceinte, mais qui demeure tout de même pertinent à souligner.

Oui il y a la couverture à grande échelle mais ça dépend de chaque vaccin. C’est sûr qu’il y a plusieurs vaccins que tu te dis : « bon si mon enfant attrape la varicelle, il sera malade deux ou trois jours et ça sera ça », ou tu peux t’éviter deux ou trois jours de varicelle et ne pas manquer de travail. Parce qu’une des raisons principales, qui n’est pas officielle mais en lisant plus de documentation on le constate, je dirais qu’une des raisons principales de la vaccination de la varicelle c’est pour diminuer l’absentéisme des parents au travail (répondante sage-femme #4).

Cet élément vient ainsi nuancer en quelque sorte les bonnes intentions derrière les recommandations de la santé publique qui, en visant une protection à grande échelle, peut indirectement tenter de maîtriser d’autres problèmes de la société étant causé par la non- vaccination des individus. Une fois de plus, une nuance fût apportée par quelques répondantes, qui ont tenté de mettre en lumière l’une des conséquences pouvant découler de la protection à grande échelle vantée par la santé publique.

Sans vouloir tomber dans le lobby pharmaceutique, le mélodrame ou dans le discours de conspiration, je ne suis pas convaincue de pourquoi ils recommandent autant… parce qu’ils vont beaucoup miser sur le fait que c’est comme ça qu’on va protéger des gens à la santé plus faible, qui n’ont pas un système immunitaire leur permettant de recevoir eux-mêmes la vaccination. Par contre, il y a quand même une grosse culture du blâme sur les personnes qui choisissent de ne pas se faire vacciner. À cause d’eux, les autres sont malades mais puisque les autres sont vaccinés, ils ne seraient donc pas supposés être malades donc c’est ça… Il y a une petite réserve (répondante sage-femme #3).

Bien que ce type d’arguments soit souvent mis de l’avant dans la littérature, la méfiance et les conspirations liées aux compagnies pharmaceutiques concernant les vaccins ne furent pas mentionnées lors des entretiens comme des barrières à la vaccination. Enfin, une répondante parmi les sages-femmes interrogées a démontré une position plutôt critique face aux motivations de la santé publique quant à la vaccination lors de la grossesse.

On est dans un système de santé qui est dans la prévention extrême, ne pas prendre aucun risque et je pense que c’est tellement préventif qu’on se dit : « et bien allons-y ». Il y a toute l’ambivalence par rapport à la vaccination, il y a des groupes anti-vaccination et la santé publique est très forte pro-vaccination. Du côté scientifique, il y a peu de remises en question par rapport à la vaccination, c’est vu comme quelque chose de vraiment positif. Donc les messages sont très forts pour cette prévention-là, mais ça demeure une prévention qui est curative dans le sens où l’on va quand même aller travailler sur donner un médicament, donner un vaccin, alors qu’on pourrait vraiment travailler sur l’immunité naturelle. Juste l’alimentation et les habitudes de vie, il y a pleins d’autres méthodes alternatives qui peuvent jouer. L’individu est oublié dans tout ça, les discours de santé publique sont faits pour être divulgués à la population en général mais on dirait qu’à travers tout ce processus-là, le choix personnel est mis de côté complètement. C’est comme si on s’attend à ce que tous suivent ce courant-là alors que les gens ont quand même un esprit critique et ont le droit de choisir. La relation d’expert qui est là et même dans le réseau nous comme professionnelles ont a de plus en plus de pression pour se faire vacciner, un moment donné on a notre propre liberté de choix aussi et ça vient brimer les droits individuels (répondante sage-femme #10).

Ainsi, les éléments cités précédemment arrivent à démontrer de façon explicite la divergence pouvant marquer les valeurs défendues par la philosophie sage-femme de celles présentées par la santé publique.

4.3.2 Santé publique et pratique sage-femme : positions opposées ou similaires avec