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Chapitre I. Un tableau inachevé 3

1.5   Préciser le cadre conceptuel 57

1.5.2   La motivation 64

Tout comme le terme « Commitment » peut prêter à confusion dans le con- texte qui est le nôtre, celui de « motivation » n’est pas moins sujet à interpréta- tions dans le champ des Sciences de l’éducation. Loin de nous l’idée de synthéti- ser ici les nombreux travaux consacrés à la motivation. Toutefois, il nous semble important de clarifier quelques points en rapport avec ce concept-clef avant de poursuivre plus avant.

La définition de la motivation proposée par Viau (2003) constitue une réfé- rence de base intéressante à nos yeux, quand bien même elle s’applique à un pu- blic différent du nôtre. Selon ses termes : « La motivation en contexte scolaire est un état dynamique qui a ses origines dans les perceptions qu’un élève a de lui- même et de son environnement et qui l’incite à choisir une activité, à s’y engager et à persévérer dans son accomplissement afin d’atteindre un but. » (p.7). Néan- moins, d’aucuns considèrent le terme « motivation » comme négativement conno- té et trop ancré dans les théories psychologiques que pour être retenu dans la perspective d’examiner l’investissement d’un individu dans l’apprentissage. Au- delà du vide sémantique qui réside selon lui dans ce vocable fourre-tout, Per- renoud (1993) juge que la motivation est trop communément associée à la per- sonnalité d’un individu plutôt qu’à son interaction avec une situation donnée, à un trait plutôt qu’à une dynamique (ibid.). Pour cette raison, l’auteur lui préfère le terme de « sens », qu’il définit comme suit : « 1) Le sens se construit ; il n’est pas donné à l’avance. 2) Il se construit à partir d’une culture, d’un ensemble de va- leurs et de représentations. 3) Il se construit en situation, dans une interaction et une relation. » (1994, p.162). Incontestablement, la définition du « sens » que nous offre Perrenoud trouve écho avec la sémantique que nous attribuons au terme « motivation » dans cette thèse. Pour cette raison, nous ne voyons pas d’objection à continuer à utiliser ce mot dans le cadre de nos travaux, aussi englo- bant et sujet à débat soit-il.

Dans la problématique qui nous occupe, à savoir celle de l’abandon et de la persévérance des enseignants débutants, l’investissement conatif des novices dans la profession entretient des liaisons étroites avec le « Teaching Commitment ». Une motivation intrinsèque à enseigner serait ainsi associée à un plus haut niveau de « Teaching Commitment » (Rots et al., 2010). D’après Deci & Ryan (2002), il existe différents types de motivation chez les individus qui s’apprêtent à s’engager dans une tâche : la motivation intrinsèque, la motivation extrinsèque et l’amotivation. La motivation intrinsèque correspond à l’ultime niveau de motiva- tion autodéterminée qu’une personne peut avoir pour une activité qu’il effectue par libre choix et dans un souci de cohérence interne (Ryan & Deci, 2000 ; Deci & Ryan, 2002), dont il tire une satisfaction ou un certain plaisir, qui mobilise son intérêt (Roussel, 2000), qui fait sens pour lui (Perrenoud, 1993). A l’inverse, si son comportement est orienté vers l’obtention d’une récompense en échange de sa performance ou vers l’évitement d’une conséquence qu’il perçoit comme aver- sive, sa motivation est alors dite extrinsèque et prend sa source dans des causes que l’on qualifiera d’« instrumentales » ; la réalisation de l’activité étant guidée

par son produit. Ryan, & Deci (2000) résument cette question en disant que : « the most basic distinction is between intrinsic motivation, which refers to doing something because it is inherently interesting or enjoyable, and extrinsic motiva- tion, which refers to doing something because it leads to a separable outcome. » (p.55). Plus extrême, l’amotivation se traduit comme une absence de motivation et conduit à l’évitement pur et simple d’une activité. La théorie de l’autodétermination est cependant plus complexe que cela. La motivation intrin- sèque et l’amotivation représentent les deux pôles d’un continuum marqué par plusieurs formes de régulation du comportement. Entre ceux-ci, la motivation de l’individu peut être plus ou moins extrinsèque ou intrinsèque. Nous reprenons une schématisation de ce continuum ci-dessous.

Figure 3. Continuum de l’autodétermination de Ryan & Deci (2000, p.61)

Comme l’illustre la figure 3, l’amotivation ne fait appel à aucun type de régu- lation. Elle renvoie à un comportement totalement « non auto-déterminé », non intentionnel. Blais, Lachance, Vallerand, Brière & Riddle (1993) distinguent l’amotivation externe de l’amotivation interne. « L’amotivation externe corres- pond au fait d’effectuer l’activité de façon résignée où la source de cette résigna- tion est perçue comme étant l’environnement externe. », alors que : « (…) l’amotivation interne correspond au fait d’effectuer l’activité de façon résignée en croyant que le manque de contrôle sur les résultats des évènements est dû à des facteurs qui proviennent de soi-même. » (p.188). Les auteurs précisent égale- ment qu’on peut rapprocher le concept d’amotivation de celui de résignation ac- quise (Abramson, Seligman & Teasdale, 1978).

La motivation extrinsèque est plus complexe. Elle peut en effet révéler quatre types de régulation du comportement selon le niveau d’intériorisation des raisons qui animent l’individu : la régulation externe, la régulation introjectée, la régula- tion identifiée et la régulation intégrée. Dans la motivation extrinsèque à régula- tion externe, la source de contrôle du comportement est totalement extérieure à l’individu. Celui-ci est donc dépendant de son environnement en termes de moti-

vation. La motivation extrinsèque à régulation introjectée est le prolongement de la motivation extrinsèque à régulation externe. Elle s’en différencie en ceci que l’individu qui la porte commence à intérioriser les contraintes externes qui moti- vent son comportement. Blais et al. (1993) jugent qu’elle marque l’entrée de la personne dans une forme d’autorégulation.

Avec la motivation extrinsèque à régulation identifiée apparaissent les pre- mières bases du comportement autodéterminé. Un individu portant ce type de mo- tivation/régulation a suffisamment intériorisé les facteurs externes de motivation que pour pouvoir s’identifier à l’activité. On considère par conséquent que son engagement dans celle-ci dépend d’un choix lié à sa valeur perçue, plutôt que des pressions de l’environnement. La personne « veut » la réaliser, alors que dans le cas des motivations extrinsèques précédentes, il a le sentiment qu’il « faut » l’accomplir (Blais et al., 1993). Pour finir, la motivation extrinsèque à régulation intégrée est la motivation extrinsèque qui se rapproche le plus de la motivation in- trinsèque. Un individu motivé de la sorte décide consciemment de mener à bien une activité, assume ce choix, et intègre son engagement parmi les autres activités importantes de sa vie (ibid.).

Enfin, la motivation intrinsèque illustre le plus haut niveau de motivation auto-déterminée du modèle de Ryan & Deci (2000) et fait appel à un type de ré- gulation interne. Vallerand (1997 ; cité par Dupond, Carlier, Gérard & Delens, 2009) identifie trois dimensions au sein-même de la motivation intrinsèque :

• la motivation intrinsèque à la connaissance : « je participe parce que j’éprouve du plaisir ou de la satisfaction à apprendre de nouvelles choses » ;

• la motivation intrinsèque à la stimulation : « je participe parce que j’éprouve du plaisir et de la satisfaction à ressentir des sensations parti- culières » ;

• et la motivation intrinsèque à l’accomplissement : « je participe parce que j’éprouve du plaisir et de la satisfaction à me surpasser et à relever des défis ».

Comme le soulignent Dupond et al. (2009, p.7) : « Le concept de motivation intrinsèque et, plus particulièrement, celui de motivation intrinsèque à la stimula- tion se rapproche du concept de flow (Biddle, Chatzisarantis & Hagger, 2001 ; Vallerand, 1997). ». Partant de là, il semble indispensable de clarifier ce concept de flow avant d’aller plus loin. Ce faisant, nous serons amenés à aborder la ques- tion du bien-être au travail.