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Les motivations pour la carrière enseignante 73

Chapitre I. Un tableau inachevé 3

1.5   Préciser le cadre conceptuel 57

1.5.4   Les motivations pour la carrière enseignante 73

Pour comprendre les raisons qui peuvent pousser les débutants à quitter pré- cocement la profession, avoir une connaissance des motivations qui les ont pous- sés à s’orienter vers une carrière dans l’enseignement constitue un atout. Derrière ces justifications se retrouvent un certain nombre d’attentes, d’aspirations, qu’il est également intéressant de questionner une fois les diplômés entrés en fonction dans l’enseignement. C’est en réalité à ces attentes professionnelles actualisées que nous nous intéresserons dans le cadre de nos analyses. Toutefois, ces der- nières n’ayant, à notre connaissance, fait l’objet d’aucune attention spécifique dans le domaine de l’insertion professionnelle des enseignants, nous avons jugé utile de présenter ici quelques issues de la recherche relative aux motifs initiaux de choix d’études pédagogiques. Nous pensons en effet que des liens pourraient, à terme, être établis entre ces deux variables. Notons que notre propos se concentre ici sur les motivations à devenir enseignant des individus s’orientant vers la pro- fession comme première carrière.

Selon Rioux & Chevrollier (2008), le choix d’une profession peut être cons- cient ou inconscient, et procéderait d’un triple questionnement :

1. souhaite-t-on travailler avec des humains ou avec des machines ? 2. Souhaite-t-on travailler avec des enfants ou avec des adultes ? 3. Souhaite-t-on travailler avec un groupe ou un seul individu ?

En enseignement, de nombreuses études ont mis en exergue le fait que les motivations à entrer en carrière sont diverses (Kyriacou, Hultgren & Stephens,

1999 ; Jarvis & Woodrow, 2005 ; Roness & Smith, 2009 ; cités par Rots et al., 2010), mais plus souvent altruistes ou intrinsèques qu’extrinsèques (Postic et al., 1990 ; Sinclair, 2008 ; Richardson & Watt, 2005 ; 2006 ; Watt & Richardson, 2007 ; Berger & D’Ascoli, 2011). Ces trois catégories renvoient au cadre théo- rique de Kyriacou & Coulthard (2000), mais il est à noter que certains auteurs ne distinguent pas les motivations altruistes des motivations intrinsèques ; jugeant que le désir d’aider les autres est situé dans le chef de l’individu (Berger & D’Ascoli, 2011). Les motivations altruistes à devenir enseignant impliquent la re- cherche d’une activité professionnelle bénéfique pour la communauté. On y re- trouve des motifs tels que : « le désir de travailler avec des enfants ou des adoles- cents, de les aider à réussir ou de contribuer à l’amélioration de la société. » (ibid., p.115). Les motivations intrinsèques à devenir enseignant caractérisent les personnes guidées vers l’enseignement par leur intérêt pour cette activité profes- sionnelle, le plaisir et la satisfaction qu’ils espèrent tirer de son exercice. Quant aux motivations extrinsèques à devenir enseignant, elles sont liées à la recherche de récompenses d’ordres multiples par les individus (ibid.).

Selon Rots et al. (2010), la plupart des étudiants s’engagent dans la formation initiale pédagogique avec une motivation plus ou moins explicite à devenir ensei- gnant. Parmi eux, une minorité considère ces études comme un moyen d’obtenir un diplôme leur ouvrant un large éventail d’opportunités professionnelles, y com- pris hors du champ éducatif. Pour rappel, les chercheurs ont démontré que les étudiants qui ont commencé leurs études parce qu’ils « voulaient devenir ensei- gnants » sont plus susceptibles d’avoir un haut niveau d’intention d’entrer en car- rière à l’aube de leur diplomation. Leurs travaux étayent par ailleurs les issues de Day, Elliott & Kington (2007). Toutefois, des changements dans les motivations des étudiants peuvent intervenir au cours de leur préservice, comme nous l’avons vu précédemment (Rots et al., 2012). Les points d’inflexion de ces basculements seraient, selon les auteurs, à chercher dans les interactions mettant en jeu la per- sonne même des étudiants au cours de leur préparation. Plus précisément, ces in- teractions toucheraient le besoin de développer un sentiment de compétence so- cialement reconnu, tout comme une capacité à composer avec les conditions sociales et culturelles de travail des établissements scolaires.

Mukamurera (2011b) confirme la diversité des motivations à entrer dans l’enseignement dans une étude basée sur une enquête par questionnaires (N = 467) complétée par 35 entretiens d’approfondissement avec des professeurs en in- sertion ou stabilisés dans la carrière. Ses résultats indiquent que cette motivation qui n’est pas nécessairement innée est le plus souvent d’ordre intrinsèque ou al-

truiste chez les enseignants québécois. Cependant, certains d’entre eux portent également des signes de motivation extrinsèque, liée à des visées économiques (salaire ; stabilité de l’emploi) ou sociales (reconnaissance). Ces conclusions étayent un peu plus encore la littérature traitant de ce sujet. Elle ajoute que les ex- périences positives vécues par les enseignants à l’école, en classe et avec leurs collègues semblent renforcer (ou diminuer) le choix professionnel des professeurs (Mukamurera, 1998 ; Phillips & Hatch, 1999 ; Bricheno & Reid, 2002 ; cités par Mukamurera, 2011b). Toujours d’après cette étude, les enseignants du secondaire seraient davantage attachés à leur discipline et motivés dans leur choix par cet « amour » que ceux du préscolaire ou du primaire. Cette observation concorde avec la synthèse théorique de Beger & D’Ascoli (2011), et prend évidemment ra- cine dans la définition même de la tâche de ces enseignants. Concernant les en- seignants du préscolaire, Mukamurera (2011b) souligne que ceux-ci mettent prin- cipalement en avant le désir de travailler avec des enfants, alors que ceux du primaire accordent plus d’importance aux motifs de reconnaissance sociale. Le type de rapport que les futurs enseignants nouent avec l’enseignement, ainsi qu’avec la formation y conduisant, influerait selon elle lui aussi sur la motivation à enseigner. Enfin, à l’instar de nombreux chercheurs, Mukamurera défend que les motivations intrinsèques et altruistes favorisent un début de carrière plus se- rein, l’optimisme, la persistance de l’intérêt pour l’enseignement, la ténacité à la tâche et la persévérance dans la carrière (Bazinet, 1997 ; Mukamurera, 1998 ; Basco, 2000 ; cités par Mukamurera 2011b).

Pour conclure, ces dernières années, plusieurs études ont pris le parti de s’appuyer sur le modèle « FIT-Choice » (pour « Factors Influencing Teaching Choice ») de Watt & Richardson (2007) pour analyser les motivations à devenir enseignant. Adapté du modèle « Expectancy-value », le modèle « FIT-Choice » apporte une plus-value à ce domaine de recherche dans le sens où il intègre en son sein les apports des théories sociocognitives (Berger & D’Ascoli, 2011). Ce mo- dèle présente les différents mécanismes psychologiques impliqués dans le choix de la carrière enseignante. Il s’appuie sur l’idée que les individus choisissent une profession par rapport à laquelle ils s’attentent à avoir les capacités requises, à la- quelle ils attachent une certaine valeur, et qui ne s’associe pas à un « coût » trop important (Watt et al., 2012). Plusieurs variables entrent en ligne de compte dans ce processus de décision illustré par la figure 5 ; les différentes parties de ce mo- dèle travaillant ensemble à sa mise en œuvre.

Parmi les principales variables impliquées dans le choix d’un individu de s’orienter vers une carrière enseignante, on retrouve :

• les influences de socialisation : expériences passées dans l’enseignement/apprentissage, influences et dissuasion sociales ;

• les perceptions de soi : principalement la perception de sa capacité à enseigner ;

• les valeurs attachées à l’enseignement : intrinsèques (surtout le plaisir d’enseigner), d’utilité personnelle (utilité et transférabilité de l’emploi, temps pour la famille, facilité de l’emploi ; qu’on peut rapporter aux raisons d’engagement « instrumentales » extrinsèques) et d’utilité so- ciale (influence sur le futur des enfants/adolescents, amélioration de l’équité sociale, réalisation d’une contribution sociale et travail auprès d’enfants/adolescents ; qu’on peut lier à des raisons « altruistes ») ; • le choix de carrière par défaut (et par dépit) ;

• les perceptions de la carrière enseignante : demandes de l’emploi (carrière d’expert, forte demande de la tâche) et bénéfices de l’emploi (statut social et salaire des professeurs).

Figure 5. Modèle FIT-Choice de Watt & Richardson (2007)

Certaines variables du modèle « FIT-Choice » font immanquablement penser à la théorie de Bandura (2003) et au concept de sentiment d’efficacité personnelle.

1.5.5 Le sentiment d’efficacité personnelle