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Chapitre I. Un tableau inachevé 3

1.4   L’abandon des enseignants débutants 30

1.4.6   Combattre l’abandon 53

Devant la nécessité d’accompagner les enseignants débutants dont la rétention dans la profession ne peut être garantie par leur seule préparation en formation initiale, aussi solide soit-elle (NCTAF, 2003 ; cité par Feeney Jonson, 2008), cer- tains systèmes éducatifs développent des programmes de facilitation de l’entrée en carrière plus ou moins formels et structurés. Ces programmes peuvent être

classés en deux grandes catégories, selon les objectifs qu’ils poursuivent et les méthodes d’évaluation sur lesquelles ils s’appuient. Ces programmes seront ainsi qualifiés de programmes de probation ou de programmes d’induction. Bien en- tendu, la mise en place de tels programmes ne constitue pas la seule option qui s’offre aux responsables éducatifs pour favoriser la rétention des nouveaux ensei- gnants, réduire leur roulement et limiter leur usure précoce (cf. infra), mais il s’agit cependant d’une stratégie qui s’avère souvent pertinente et payante pour les systèmes scolaires (Mukamurera et al., 2013).

1.4.6.1 Programmes de probation VS programmes d’induction

Les programmes de probation garantissent un accompagnement à la relève enseignante sur le terrain alors que celle-ci est encore officiellement en situation de formation initiale ou dans l’attente de sa reconnaissance en tant que profes- sionnel accompli. Organisé dans le cadre de stages pédagogiques plus ou moins longs (de quelques semaines ou mois, au Danemark ou en Hongrie, à plusieurs années en Allemagne ou dans certains Etats américains par exemple), cet accom- pagnement diffère de celui prodigué au sein d’un programme d’induction dans le sens où sa finalité est sanctionnante. Au terme de son programme probatoire, un novice16 se voit ainsi, ou non, accréditer à enseigner dans les établissements sco-

laires de son système éducatif, via l’obtention d’une licence spécifique. Un exa- men peut être associé à cette certification, comme c’est le cas en Allemagne, en Corée du Sud, en Espagne ou encore au Japon. En outre, il est des pays où l’évaluation de l’aptitude à enseigner s’effectue après plusieurs années de fonc- tion, tel qu’en Espagne ou en Italie (un an) ou encore en Ecosse ou en Irlande (trois ans).

A la différence des programmes de probation, les programmes d’induction re- posent sur un accompagnement formatif des enseignants débutants, diplômés, et donc a priori d’emblée reconnus comme compétents. De nombreux auteurs plai- dent en faveur de ce type de programme pour leur plus grande efficacité – no- tamment en matière de professionnalisation – et déplorent le maintien de pro- grammes de probation par certains systèmes éducatifs (Boutin, 1999 ; Weva, 1999).

Notons qu’il est admis qu’un programme de facilitation de l’entrée en car- rière, qu’il soit probatoire ou d’induction, gagne à être formalisé et structuré (Beckers et al., 2007 ; Mukamurera, 2008 ; De Stercke et al., 2010). Les critères

16 Nous nous refusons à qualifier ces novices d’ « enseignants débutants » puisqu’ils ne sont en réalité pas encore les égaux de leurs pairs en exercice.

et conditions d’efficacité des programmes d’induction ayant déjà fait l’objet de multiples publications (Smith & Ingersoll, 2004 ; Bourque, Akkari, Broyon, Heer, Gremion & Gremaud, 2007 ; Bickmore & Bickmore, 2010 ; Mukamurera et al., 2013), rappelons simplement qu’ils comprennent en général un programme per- sonnalisé de mentorat, un allègement de la charge de travail des novices, leur re- groupement en équipes pédagogiques ainsi qu’une formation continue en adéqua- tion avec leurs besoins. La flexibilité et la simplicité de ces programmes, tout comme leur faculté d’individualisation et d’articulation de diverses mesures de soutien renforcent également leur portée (Baillauquès, 1999 ; Boutin, 1999 ; We- va, 1999 ; Brossard, 2003 ; Woods, 2005 ; cités par Martineau & Bergevin, 2007). 1.4.6.2 Bref tour d’horizon des initiatives de soutien

L’origine des programmes d’aide à l’insertion professionnelle remonte aux années 80, et ont dans un premier temps émergé dans les pays anglo-saxons. De- puis, l’idée d’accompagner les débutants dans leur processus d’entrée en carrière a timidement fait son chemin, la francophonie s’étant engagée dans cette voie vers la fin des années 90 (Mukamurera et al., 2013).

Aux Etats-Unis, plus de trente Etats requièrent à l’heure actuelle la mise en place de programmes d’aide à l’insertion professionnelle dans les écoles et sou- tiennent financièrement leur fonctionnement au niveau des districts scolaires (Britton, Raizen, Paine & Huntley, 2007 ; cités par Corbell, 2009).

Dans le Québec francophone, Mukamurera et al. (2013) ont observé que 73% des Commissions Scolaires interrogées dans le cadre de l’une de leurs récentes enquêtes disposaient d’un programme d’insertion professionnelle formel et insti- tutionnel. Pour 28% des Commissions Scolaires restantes, ces programmes sont plus locaux et appliqués à l’échelle d’une ou quelques écoles, quand 93% de l’ensemble des Commissions participantes reconnaissent que des pratiques de soutien à l’entrée en carrière ont cours dans leurs écoles, selon des modalités plus ponctuelles et informelles17.

En Europe et dans le reste du monde, les autorités éducatives sont tantôt res- ponsables des programmes d’insertion, tantôt chargées de leur fournir un cadre légal en cohérence avec une gestion décentralisée, tantôt en retrait quant à la pro- blématique de l’accompagnement du nouveau personnel enseignant. En Belgique francophone plus particulièrement, il semblerait que la conjoncture économique

17 Les auteurs décrivent très précisément les visées affichées par ces programmes ainsi que les mesures sur lesquelles ils s’appuient dans leur publication que nous vous invitons à consulter pour de plus amples détails.

ne soit pas favorable au lancement d’initiatives allant dans ce sens par le gouver- nement, quand bien même de nombreuses déclarations d’intention à ce sujet ont pu régulièrement en faire écho dans la presse depuis bientôt dix ans. Nous vou- lons croire que les preuves d’efficacité et d’efficience des programmes d’induction progressivement apportées par la recherche finiront par peser sur la décision du législateur d’investir dans le soutien de la relève enseignante, ne se- rait-ce que dans la perspective de minimiser les coûts afférents à son roulement et à son décrochage précoce.

1.4.6.3 Des mesures incitatives pour augmenter l’attractivité de l’enseignement A côté de la conception et de la mise en œuvre de programmes d’insertion professionnelle à destination des nouveaux enseignants, d’autres mesures existent en vue de favoriser leur rétention dans la profession et d’accroître par la même occasion l’attractivité de la carrière enseignante. Mukamurera (2011b) évoque certaines d’entre elles en soulignant l’importance de les envisager en complémen- tarité avec l’instauration de programmes d’induction. En Angleterre et au Pays de Galles, on retrouve par exemple le recours à des incitants financiers à la formation (bourse, allocation supplémentaire, exonération des frais de scolarité, rembourse- ment du prêt étudiant), à des primes de recrutement ou des programmes de forma- tion spéciaux assortis d’une garantie d’emploi pour l’élite académique. En Austra- lie, la politique visant à attirer des enseignants vers les zones rurales et isolées du pays passe par l’attribution de primes et d’indemnités de défraiement ou l’octroi de jours de congé supplémentaires, notamment.

Notre synthèse de la littérature sur l’abandon et la persévérance en enseigne- ment se referme ici. Dans la suite de notre chapitre théorique, nous allons nous at- tacher à préciser le cadre conceptuel propre à nos travaux de recherche.

1.5 Préciser le cadre conceptuel