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D. UNE PREMATURITE, DES IMMATURITES

1. Mortalité néonatale

Les décès de nouveaux-nés prématurés représentent 50% de la mortalité néonatale. Les causes de ces décès sont dominées par (Castaigne et coll., 2005) :

- Les détresses respiratoires, surtout lorsque la prématurité est induite

- Les hémorragies cérébrales notamment dans les contextes de prématurité spontanée

- Les infections

Grâce à l’optimisation de la prise en charge materno-fœtale, la survie des nouveaux- nés prématurés est en augmentation. Le taux de survie reste avant tout dépendant du terme de naissance (Larroque et coll., 2004) :

- 22-23 SA : taux de survie quasi nul

- 24 SA : 31% de survie

- 28 SA : 78%

- 30 SA : 91,9%

- 32 SA : 97%

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- Les naissances entre 35 et 37 semaines (prématurité faible) n’engagent pas le pronostic vital et ont un taux de survie de 100%

Notons que le pourcentage de survie chez les prématurés est largement moindre dans les pays en développement (Koko et coll., 2002).

2. Morbidité

a. A court terme

Les complications qui surviennent les premiers jours et les premières semaines de vie sont d’autant plus fréquentes que la prématurité est grande. Elles sont d’ordre respiratoire, hémodynamique, digestif, infectieux, métabolique et neurologique ; elles sont liées aux nombreuses immaturités biologiques décrites précédemment (cf. II-D- §2).

b. A long terme

Les grands prématurés ont significativement plus de problèmes de santé durant les premières années de vie que les enfants nés à terme. Le taux de réhospitalistion la première année est d’ailleurs 4 fois plus élevé que chez les bébés à terme (40% versus 10%). Ce phénomène fait toutefois intervenir d’autres critères tels le stress maternel, la précarité sociale…

Les risques de séquelles sont d’autant plus élevés que l’âge gestationnel est bas. Ils concernent peu les enfants nés après 33 SA, dont 5% « seulement » sont exposés au risque de séquelles. En revanche les enfants nés avant 33 SA sont à très haut risque de développer séquelles et handicaps : près de 40% d’entre eux présentent des séquelles, dont 5% sont sévères, 9% modérées et 25% légères. Les principales conséquences à long terme de la prématurité portent sur des difficultés motrices, respiratoires, cognitives, comportementales, psychologiques et sensorielles.

Selon les résultats de l’étude EPIPAGE, réalisée sur une population de 1817 grands prématurés (publiée en 2008), « 42% des enfants nés entre 24 et 28 semaines de grossesse et

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31% de ceux nés entre 29 et 32 semaines nécessitent une prise en charge médicale ou paramédicale spécifique à 5 ans, contre 16% de ceux nés à terme ».

- Séquelles neuro-motrices

Les séquelles neuro-motrices sévères, regroupées sous le terme d’IMC (infirmité motrice cérébrale) apparaissent le plus souvent après des grossesses multiples, des HIV et des LMPV (Valleur et coll., 2004). L’IMC résulte de lésions cérébrales précoces, et entraîne au premier plan des atteintes motrices variables de la posture et du mouvement. L’IMC atteint 9% des anciens grands prématurés, dont 18% nés à 24-26 semaines de grossesse, 12% à 29 semaines, et 4% à 32 semaines. 3% des enfants IMC anciens grands prématurés ne marchent pas, ou seulement avec une aide (Larroque et coll., 2008). Les atteintes neurologiques les plus sévères de la prématurité sont la quadriplégie, la diplégie, et la mono ou hémiplégie.

Les séquelles neurologiques mineures sont regroupées sous l’acronyme MND (Minor Neurological Dysfunction). Les MND recouvrent les troubles de la motricité fine, de l’équilibre et de la coordination (Bloch et coll., 2003).

- Séquelles intellectuelles

La cohorte EPIPAGE a mis en évidence les difficultés cognitives au moyen de la passation d’un test de Q.I., dont la courbe représentative « normale » suit la même courbe, de Gauss. Les résultats indiquent que 32% des anciens grands prématurés ont un score inférieur à 85 (vs 12% chez les enfants nés à terme), et 12% ont un score inférieur à 70 (vs 3%). Ce retard mental est rarement homogène, avec un niveau « performance » plus bas que le niveau « verbal » (Hack et coll., 1995).

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Age gestationnel (en SA) Moyenne obtenue au K-ABC (test de Q.I.) à 5 ans

24 - 25 88,1 26 89 27 91,3 28 90,1 29 93,9 30 93,9 31 93 32 96,8 39 - 40 (référence) 106,4

Tableau n°5 : moyenne du Q.I. au K-ABC à 5 ans selon les données EPIPAGE

- Troubles comportementaux et psychologiques

Les difficultés comportementales et émotionnelles concerneraient 20 à 50% des grands prématurés.

L’hyperactivité et le déficit attentionnel sont les troubles de conduite les plus fréquemment observés chez les anciens prématurés à l’école primaire, rendant les apprentissages difficiles. Ils sont presque 5 fois plus fréquents que dans la population générale (16 à 23% vs 4%), et touchent surtout les garçons.

Les compétences sociales sont globalement moins développées chez les anciens grands prématurés. On retrouve souvent des difficultés psychologiques de type angoisses, opposition, qui viennent renforcer les troubles comportementaux (Valleur et coll., 2004). Ceci est toutefois à mettre en lien avec le passé médical et le développement cognitif d’une part, et avec les conséquences relatives au « contexte émotionnel » de la prématurité d’autre part : séparation mère-enfant, stress familial… (Hack et coll., 1995) qui influenceront nécessairement les conditions d’éveil et de stimulation de l’enfant (Blond et coll., 2003).

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- Difficultés alimentaires

Intubation, aide ventilatoire, alimentation parentérale et absence de stimulation orale, présence prolongée de sondes naso ou oro-gastriques… sont autant d’expériences négatives voire traumatisantes qui engendrent fréquemment des difficultés alimentaires à plus long terme. Selon l’étude de Quetin réalisée en 2008, « 90% des anciens prématurés ont souffert

d’un ou plusieurs troubles de l’alimentation dans les trois premières années de vie ». Delfosse et coll. (2006) ont observé que sur 52 anciens prématurés nés entre 28 et 31 semaines

d’âge gestationnel, tous ont présenté des perturbations de l’oralité alimentaire les premières années de vie. 27% ont rencontré des difficultés lors du passage à la cuillère, et 44% ont mal accepté l’alimentation en morceaux. A 3 ans et demi, 29% conservaient un trouble de la succion, et 13% toléraient mal les aliments consistants ; du point de vue du comportement alimentaire, 13% refusaient de se nourrir hors de chez eux sans la présence d’un parent, 38% mangeaient très lentement, et 36% ne manifestaient aucun plaisir à manger. L’hypersensibilité buccale et les difficultés praxiques étaient fortement corrélées à la durée de la ventilation artificielle. La durée d’alimentation artificielle influençait directement le retard du passage à la cuillère. Les difficultés de mastication étaient favorisées par ces deux facteurs (alimentation et ventilation artificielles prolongées). Les enfants ne présentant pas ou peu de troubles étaient ceux qui avaient bénéficié d’une stimulation précoce de la succion ou qui avaient été allaités au sein.

- Difficultés au niveau du langage

Au-delà de sa fonction alimentaire, la bouche est aussi un « lieu de parole et de communication ». Le vécu traumatique autour de la sphère orale risque donc d’avoir un impact sur le développement du langage. Delfosse et coll. (2006) ont montré qu’il existe un « effet cascade » des troubles liés à l’oralité : « un retard des étapes alimentaires entraîne un

retard dans la mise en place de la communication verbale ».

Environ 25 à 30% des anciens prématurés présentent des retards de langage, fortement corrélés à la durée de ventilation et d’alimentation artificielles (Valleur et coll., 2004,

Delfosse et coll., 2006). L’absence de babillage est plus fréquente chez les très grands

prématurés, qui atteignent certains stades du langage (tels que énoncer une phrase courte ou parler intelligiblement) plus tardivement que les enfants nés à terme (Jennische et Sedin,

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1999, cités par Bloch et coll., 2003). De même, ils ont plus de difficultés à définir les mots ou objets (Mellier et coll., 1999, cités par Bloch et coll., 2003).

En 2010, Charollais et coll. ont réalisé une étude sur le développement du langage oral chez des anciens grands prématurés nés entre 25 et 32 semaines de gestation. Les 55 participants avaient 6 ans et étaient pour la plupart en CP. Aucun n’était porteur d’IMC. Voici les résultats obtenus :

La batterie informatisée de langage oral (BILO II) n’a mis en évidence aucune différence significative entre les anciens grands prématurés et les sujets contrôles nés à terme en ce qui concerne :

- Le lexique actif et passif

- La dénomination rapide

- La production d’énoncés

- La chaîne numérique comptée

- La résolution de problèmes

- La dextérité et programmation motrices (utilisation d’une souris)

En revanche, un déficit significatif est apparu chez les anciens grands prématurés aux épreuves de :

- Praxies bucco-faciales (déficit retrouvé par Delfosse et coll. dans son étude en 2006 chez 51% des enfants de 3 ans et demi, anciens grands prématurés. Alimentation et ventilation artificielles sont ici encore des facteurs favorisants)

- Répétition de mots

- Compréhension morphosyntaxique

- Identification du mot oral (discrimination et jugement sémantique et phonologique)

- Mémoire visuelle de mots

- Attention visuelle

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Ainsi, les anciens grands prématurés sans déficience intellectuelle présenteraient davantage de fragilités du langage oral à 6 ans que les enfants nés à terme. Les troubles portent notamment sur les composantes phonologiques et réceptrices orales (compréhension). Les travaux menés par Wolke et coll. en 2008 sur une population plus large confirment ces résultats, précisant que la prévalence des troubles langagiers et phonologiques est deux fois plus élevée chez les garçons très grands prématurés que chez les filles. Cette différence n’apparaît pas aussi significative chez des enfants nés à terme.

Grooteclaes et coll. (2010) ont analysé plus particulièrement le langage dans ses

composantes descriptive et informative, chez des enfants de 6 à 8 ans nés avant 28 SA. Leur étude a montré que le langage descriptif (narration basée sur des images) est aussi riche chez les enfants prématurés que pour la population contrôle, sur les plans lexical, sémantique et syntaxique. En revanche, le langage informatif (transmission d’informations précises sur le déroulement d’actions familières) est beaucoup plus pauvre chez les anciens prématurés : les énoncés syntaxiques sont plus courts, le lexique est peu varié et peu précis, et le contenu sémantique est réduit, avec moins d’idées.

Les capacités d’expression orale sont donc plus fortement liées à la nature de la tâche chez les enfants anciens prématurés que chez les enfants nés à terme.

Delfosse et coll. (2006) ont constaté que les anciens grands prématurés (nés entre 28 et

31 SG) qui ont eu des troubles de la succion, ont davantage recours à la communication