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Le rôle de l’orthophoniste en néonatologie

CONSEQUENCES SUR L’ORALITE ?

D. STIMULATION DE L’ORALITE

2. Le rôle de l’orthophoniste en néonatologie

L’orthophoniste va avoir trois fonctions : la stimulation de l’oralité du nouveau- né prématuré, la guidance parentale, et l’information des autres thérapeutes.

a. Programmes mis au point pour « stimuler » l’oralité des prématurés

Il existe différents protocoles de stimulation de l’oralité chez le nouveau-né prématuré. Ils varient notamment en fonction de l’âge gestationnel, des modalités d’application (plusieurs sens stimulés à la fois ou pas…), et de la sensibilité de celui qui l’applique. Il faut savoir s’adapter au niveau de maturité et aux réactions du nouveau-né, en observant bien son comportement.

En 2005, Haddad (citée par Maillard, 2008) initie une prise en charge inédite du nouveau-né grand prématuré, en proposant un protocole de soins expérimental. Elle a pu montrer que chez des nouveaux-nés très grands prématurés (nés avant 29 SA), des

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stimulations kinesthésiques consistant à fournir une enveloppe corporelle avec les mains limitent et rassurent le bébé, et suffisent à déclencher des mouvements de succion spontanés. Elle préconise des caresses sur les membres inférieurs, et des mouvements passifs des bras et des jambes, qui vont eux aussi stimuler la succion. Le passage de la main sur la joue et la bouche vont encourager les réflexes de fouissement et de protrusion de la langue.

Pour les prématurés nés entre 30 et 33 SA, elle ajoute des stimulations péri et intra- buccales qui vont renforcer le tonus oro-facial ; une caresse de la tempe vers la commissure des lèvres va stimuler le nerf facial et l’afflux de salive, et donc encourager les déglutitions. La succion du doigt ou d’une tétine va favoriser le creusement de la langue en gouttière, l’aspiration et la succion.

Ces protocoles ont été évalués, mettant en évidence les bénéfices suivants : passage à l’alimentation active avancé, alimentation plus harmonieuse les premières semaines, tétée plus facile, développement de la diversification alimentaire proche des enfants nés à terme, meilleures motricité bucco-faciale et amélioration des compétences phonologiques.

Delaoutre (2005) a proposé des stimulations de l’oralité une fois par jour pendant 3

semaines, à 17 bébés nés après 30 à 32 semaines de gestation. Les stimulations se déroulaient dans l’ordre suivant : le réflexe de fouissement, le tonus du cou, l’équilibre céphalique, le nerf facial, les muscles buccinateurs, les lèvres, le maintien du menton, la langue, les gencives, les joues et la succion. L’administration de ce protocole a permis d’avancer de 6 jours la date d’autonomie alimentaire, et de 7 jours la date de sortie de l’hôpital des bébés stimulés. Fritz et

Miller (2009) et Maisse et Pitou (2009) ont mis en évidence que l’application d’un tel

protocole par la propre mère de l’enfant, une fois ce dernier sorti de l’hôpital, favorisait le plaisir oral, un développement alimentaire et langagier harmonieux, et des interactions vocales, verbales et visuelles plus riches.

Grava et Lucet (2006) ont repris les stimulations de Delaoutre, auxquelles elles ont

ajouté des stimulations multisensorielles : kinesthésiques (enveloppement, massages, limitation spatiale, grasping), olfactives (fioles d’odeurs sucrées), auditives (voix, bande sonore de bruits enregistrés in utero, musique, clochettes), et visuelles (marionnette à doigt, cible noire et blanche). Ce protocole a été administré à 19 bébés nés entre 25 et 30 SA, et a

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démontré son efficacité sur l’acquisition des schémas de succion. Ceux-ci ont été acquis aussi rapidement au sein qu’au biberon, alors qu’ils sont habituellement plus tardifs au sein selon

Grava et Lucet (2006).

A partir d’un programme de stimulation élaboré par le CAMSP de Roubaix, Nowak et

Soudan (2005) ont élaboré un outil de formation et d’information qui a pour but de favoriser

le travail en partenariat autour de l’oralité en néonatologie. Ce programme s’apparente à celui décrit par Delaoutre (2005), mais une comptine accompagne toutes les stimulations. Cet outil, présenté sous forme de DVD, est destiné non seulement aux orthophonistes, mais également à tous les professionnels qui sont concernés par l’oralité des prématurés. Fel (2008) a adapté ce support informatique sous forme de brochure.

Senez (citée par Garcia, 2011) encourage la stimulation orale gustative et des

mécanismes de déglutition, juste avant de mettre en place la nutrition entérale. En effet, le tractus digestif se met en place avant et pendant la phase buccale : l’olfaction, la gustation et la succion (puis plus tard, la mastication) entraînent une fermeture du pylore (sphincter inférieur de l’estomac), qui va laisser passer dans le duodénum de petites quantités à la fois. Si cette physiologie n’est pas respectée et que la phase buccale est « court-circuitée », le pylore reste ouvert, en position de repos : ainsi, lors de l’alimentation par sonde, le lait passe rapidement dans le duodénum, il est donc moins digéré dans l’estomac. Cela peut conduire à des intolérances, régurgitations et ballonnements. C’est pourquoi Senez (citée par Garcia, 2011) propose 4 minutes de SNN à la tétine ou au doigt avec du lait maternel ou, à défaut, du glucose. Cela permet de redonner « sa place » à la bouche, encourageant la fonction digestive.

Barbier (2004) a organisé sous forme de fiches imprimables des conseils destinés en

premier lieu aux parents, mais aussi aux professionnels qui côtoient des nourrissons et des enfants. Un dossier rassemble un grand nombre d’informations quant à la déglutition, les praxies et l’articulation. On y retrouve, entre autres, des explications sur la stimulation de la succion, la tonification de la langue et des joues… Selon Barbier (2004), l’hypersensibilisation buccale, fréquemment retrouvée chez les prématurés, est souvent associée à une hypersensibilité tactile plus globale des pieds, des mains et du visage. Elle

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conseille des massages profonds des extrémités avant d’aborder le visage. Dans le même objectif, Leblanc et coll. (2009) préconisent la méthode du brushing (« brossage » des membres et du dos) lorsque l’hypersensibilité est très marquée. La désensibilisation tactile de la zone bucco-faciale passe d’abord par une désensibilisation du reste du corps.

Ainsi, il existe différentes sortes de stimulations, qui font partie d’un protocole bien établi ou que l’on peut proposer « à la carte », parce que chaque parent et professionnel aborde un bébé différemment, avec sa propre sensibilité, et que chaque bébé est unique. Il faut toutefois toujours veiller à ce qu’apparaisse une continuité dans les stimulations proposées et d’un intervenant à l’autre.

b. Guidance parentale

Le rôle des orthophonistes dans les unités néonatales est aussi d’investir les parents auprès de leur enfant lors des stimulations, de les aider à décoder les signes que leur envoie leur si petit bébé, et de les soutenir (parents et enfants) dans les interactions qui émergent. Cette guidance doit être renforcée jusqu’au retour à domicile, et le soutien apporté doit être tout particulier pour les mères qui souhaitent allaiter.

Cette guidance parentale s’ajoute à tous les conseils déjà donnés par les soignants des unités néonatales ; elle va permettre une consolidation et une précision des points importants, pour une prise en charge optimale de l’oralité du nouveau-né prématuré.

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