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Montréal, centre de convergence

Chapitre 1 : Faire la diplomatie à Montréal

B. Les lieux de la rencontre diplomatique dans la ville

4. Montréal, centre de convergence

Lieu de convergence, Montréal profite pleinement des avantages géographiques de sa position, soulignant à nouveau l’importance du fleuve et de ses abords, comme premier endroit de contact diplomatique. En effet, les ambassades autochtones arrivent, nous l’avons vu, majoritairement par les routes fluviales et donc en canot. Ceux-ci accostent alors à Montréal par une grève, qui se situe à l’embouchure de la rivière St Pierre. La résidence du gouverneur Callières, qui est retranscrite sur les cartes comme le « Château », est située sur la rive opposée de la petite rivière et fait face à cette grève appelée « quai des barques » sur les plans de la ville131. Un second quai

129 Paroles des Outouais des sables à Vaudreuil, ANOM, C11a, C-2383, vol 33, p.162. 130 Ramezay au Ministre 1707, ANOM, C11a, C-2382, vol 27, p. 5-6.

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se trouve plus à l’est mais est surtout utilisé par les canots du Roi. Les Amérindiens qui accostent en canots entrent ensuite dans la ville de Montréal par la porte du Port qui mène immédiatement sur la place du marché et le centre marchand. Cet arrangement urbain est typique des villes coloniales commerciales, mais reflète également le lien profond entre diplomatie et commerce à Montréal. Le premier contact entre les ambassades amérindiennes et les officiers français se fait également sur les bords du fleuve, en présence du gouverneur général ou d’un interprète, comme le montre l’intendant Champigny dans ses notes « en arrivant les principaux chefs viennent saluer le gouverneur général en lui demandant une place pour se camper ou l’interprète lui viens dire de leur part »132

Ces campements sont le plus souvent octroyés près des berges133 et soulignent également l’importance continue du fleuve comme premier point de contact. Ces observations correspondent à la description que fait Havard de l’arrivée à Montréal des délégations du Pays d’en Haut à l’été 1701 pour la signature de la paix134. Le reste de la correspondance coloniale est assez silencieuse quant à des éventuels changements dans le rituel d’accueil des Autochtones, ce qui peut s’expliquer par le fait que cette correspondance entre les grands officiers de la Nouvelle-France et la Marine ait pour but principal de transmettre les informations stratégiques du terrain, sans nécessairement s’attarder sur des observations ethnographiques.

Au-delà des premiers lieux de contact, la correspondance coloniale reste également peu informative quant aux endroits dans lesquels les discussions, paroles et arrangements entre les parties prennent place. Ce silence dans les archives peut s’expliquer de plusieurs manières. Il est tout d’abord possible qu’il n’y ait aucun lieu fixe au sein duquel les députés autochtones et le gouverneur général, ou le gouverneur de Montréal, le cas échéant, tiennent leurs conseils, en dehors de l’objet urbain général que représente la ville de Montréal. Mais ce silence semble surtout refléter le manque d’intérêt accordé à la question par les gouverneurs de la Nouvelle- France, qui ne jugent pas l’information comme étant assez capitale pour être transmise à Versailles. Seul Callières fait une référence nette à un lieu précis en marge de la Grande Paix, sa propre résidence, dans laquelle il fait « trouver (…) les chefs des nations nos alliez pour terminer les diferents qui se trouvent entr’eux »135. En face de la ville et proche du campement

132 Mémoire de Champigny à Beauharnois, 1702, ANC, Fonds de la famille Beauharnois, fol 258-256. 133 G. Havard, The Great Peace of Montreal, p. 127.

134 Ibid, p. 126.

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habituel des délégations, la résidence du gouverneur est un lieu idéal de diplomatie, qui n’est cependant plus mentionné par Vaudreuil suite à sa prise de fonction à la mort de Callières. De plus ce dernier ne mentionne pas non plus où prennent place les conseils particuliers qu’il tient durant les jours précédents136. Toutefois, en prenant pour exemple la Grande Paix, il est possible d’extrapoler et de distinguer des lieux possibles où se construit et s’entretient l’alliance : d’abord la résidence de Callières lorsque celui-ci est gouverneur général, puis celle de Vaudreuil à partir de 1703. Cette dernière, placée à l’angle ouest des rues Saint Paul et Saint Charles, est cependant nettement plus excentrée s’éloignant à la fois du fleuve et du quartier commerçant137, bien que les deux soient reliés par la rue Saint Paul, parallèle au fleuve. On peut présumer qu’une fois la phase d’accueil et de marchandage terminée, la rencontre se concentre autour des lieux du pouvoir. Montréal ne disposant pas d’institutions monarchiques particulières, les résidences des gouverneurs deviennent des lieux d’interaction diplomatique. Ainsi, seule la présence de députés à Montréal et le message porté par l’ambassade sont relatés dans les missives officielles, le lieu géographique de ces deux paramètres n’influençant alors pas l’information relayée. Ce silence dans les archives marque cependant une différenciation nette avec les processus européens. En effet, si les ambassades ne sont pas encore tout à fait ordinaires en Europe, les discussions prennent souvent place dans un endroit officiel spécifique, suivant un rituel précis qui forme l’évènement diplomatique138.

Ville-frontière facilitant à plusieurs titres la rencontre franco-amérindienne, Montréal pérennise donc son statut de ville centrale dans la diplomatie au début du XVIIIe siècle, sans toutefois qu’on puisse identifier clairement les lieux précis de négociations dans la ville.