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Molécules froides formées à partir de molécules

7.2 L’expérience AEGIS : NIMB 266 351 (2008)

8.1.4 Molécules froides formées à partir de molécules

Si l’on cherche à avoir des molécules directement dans v = 0 le plus simple est de partir directement de molécules ! Ce domaine, plus proche de la chimie, est en fait très complémentaire du domaine des molécules ultra-froides formées à partir d’atomes, car il permet d’avoir des états v = 0 mais à des températures près de 1000 fois plus élevées que celles obtenues à partir d’atomes froids (domaine du milli-kelvin et non du micro-kelvin).

Abaisser encore cette température est un des défis que la communauté doit encore réaliser. Plusieurs propositions existent comme utiliser un refroidissement sympathique avec des atomes ou ions froids [Ostendorf et al., 2006, Ostendorf et al., 2008, Barletta et al., 2008] ou un refroi-dissement laser [Bahns et al., 1996, Ooi et al., 2003, di Rosa, 2004]. J’en reprendrai quelques uns dans la partie consacrée au refroidissement vibrationnel.

Le domaine, de le formation des molécules froides à partir de molécules, fut ouvert en 1998 avec de nouvelles techniques permettant de refroidir les molécules. La première d’entre-elles est due au groupe de J. Doyle à Harvard, qui utilisa un gaz cryogénique d’hélium pour re-froidir des molécules de CaH [Weinstein et al., 1998]. Dans le cas particulier de CaH (ou NH [Hummon et al., 2008]) les collisions avec le gaz tampon d’hélium n’entraînent pas de retourne-ment de spin et ces molécules sont donc piégées en très grand nombre (plusieurs milliards) par le champ magnétique de bobines supraconductrices. Cette expérience ouvrit ainsi le domaine du piégeage des molécules froides, qui a lui aussi une longue histoire [Balykin et al., 2000] que je résume rapidement ici : l’année 1998 vit aussi le premier piégeage de molécules froides for-mées à partir d’atomes froids (quelques molécules de Cs2 formées par photoassociation dans le groupe de R. Knize à l’aide d’un laser à CO2 [Takekoshi et al., 1998]). Le piégeage par des champs électrostatiques fut réalisé en 2000 avec de l’ammoniaque dans le groupe de G.

8.1. INTRODUCTION ET CONTEXTE INTERNATIONAL 105 Meijer [Bethlem et al., 2000, Crompvoets et al., 2001]. L’accumulation dans un piège (magné-tique) fut réalisé dans notre groupe en 2002 et avec des molécules ultra-froides cette fois-ci [Vanhaecke et al., 2002]. Je reviendrai sur cette expérience, mais je mentionne aussi que 2002 fut l’année de la création d’un réseau européen sur les molécules froides (COMOL) dont Fran-çoise Masnou du laboratoire Aimé Cotton fut coordonnatrice. A l’heure actuelle les recherches s’orientent vers la simplification et l’extension des dispositifs de piégeage [Hofferberth et al., 2006, Kleinert et al., 2007b, Kleinert et al., 2007a, Rieger et al., 2007].

Utilisation de jets supersoniques

En dehors de la technique de cryogénie, des techniques permettant de refroidir les molé-cules sont connues depuis très longtemps. La technique la plus utilisée est l’expansion superso-nique d’un gaz moléculaire dans le vide (souvent avec un gaz rare porteur) [Campargue, 2001, Pauly, 2000]. Notons que le gaz porteur peut former des agrégats sur lesquels se collent les molé-cules qui sont alors refroidies et peuvent être étudiées spectroscopiquement [Even et al., 2000]. Si la brillance des jets supersoniques est très élevée (∼ 1023atomes/sr/s) et si la tem-pérature translationnelle est très basse ∼ 100 mK (la température rotationnelle 1 K et vi-brationnelle 10 − 100 K sont en général un peu supérieures), les principales limites rédui-sant l’utilisation de jets supersoniques proviennent, d’une part des importantes capacités de pompage nécessaires pour les jets continus, et de la vitesse moyenne du jet dans le labora-toire qui est très élevée (variant d’environ 300 à 4000 m/s selon le gaz porteur et sa tempé-rature). Le premier groupe à avoir réussi à réduire cette vitesse juqu’à avoir des molécules (de CO) au repos dans l’enceinte expérimentale fut le groupe de G. Meijer alors à Nijme-gen aux Pays-Bas [Bethlem et al., 1999] qui utilisa des champs électriques intenses pulsés. La méthodes est tout à fait analogue, mais inverse, à un accélérateur linéaire de particules, conver-tissant l’énergie cinétique en énergie potentielle. Pour plus de détail je renvoie aux articles de revues [McCarthy et al., 2006, van de Meerakker and Meijer, 2007]. La difficulté principale est la stabilité du jet lors de la décélération qui n’est assurée qu’avec des molécules polaires dites chercheuses de champ faible, ce qui exclut les molécules dans leur état fondamental. En alternant les électrodes et les champs oscillants il est toutefois possible de contourner le problème [Bethlem et al., 2002, Bethlem et al., 2006] et de ralentir des molécules dans leur état fondamental. Cette alternance d’électrodes demande une précision du montage mécanique extrême qui n’a pas encore permis de ralentir totalement ces molécules. Des tests promet-teurs sont tout de même en cours sur le benzonitrile (C7H5N) [Wohlfart et al., 2008] ou YbF [Tarbutt et al., 2004, Condylis et al., 2005, Tarbutt et al., 2008]. Cette technique de décéléra-tion peut être suivie d’un refroidissement jusqu’à des température sub-mK par bunching (mani-pulation de l’espace des phases) [Bochinski et al., 2003] suivi éventuellement d’un piégeage élec-trostatique [Bethlem et al., 2000, Crompvoets et al., 2001, van Veldhoven et al., 2005]. Cette technique de décélération a ensuite été démontrée sur OH en 2005 par le groupe de G. Meijer à Berlin (avec typiquement 105 molécules piégées à une densité de 107cm−3 et des tempéra-tures entre 50 et 500 mK) [van de Meerakker et al., 2005a]. En 2006, le groupe de J. Ye au JILA décéléra le formaldéhyde (H2CO) [Hudson et al., 2006b] et piégea OH dans un piège mixte élec-trique et magnétique [Sawyer et al., 2007]. La molécule de NH fut décélérée par le groupe de Berlin [van de Meerakker et al., 2006] et piégé en 2007 [Hoekstra et al., 2007b]. Enfin en 2008 SO2 fut décélérée dans l’équipe de C. Lisdat à Hannovre [Bucicov et al., 2008], avec pour idée de dissocier au seuil cette molécule pour former des atomes d’oxygène froids.

champs électriques à appliquer, nous avons donc proposé dans l’article [Vanhaecke et al., 2005] une expérience utilisant des molécules dans des états de Rydberg soumises à de plus faibles champs électriques, qu’il est donc possible d’optimiser au cours du temps, pour décélérer ces mo-lécules. La difficulté est d’amener par excitation laser les molécules dans des états de Rydberg. Des expériences sur les atomes d’argon, d’hélium ou d’hydrogène, et des études sur H2, dans les groupes de F. Merkt à Zurich, de T. Softley à Oxford ou de H. Metcalf à Stony Brook ont démon-tré que cette méthode de décélération d’espèces Rydberg suivie éventuellement d’un piégeage est possible [Kritsun et al., 2004, Vliegen et al., 2004, Yamakita et al., 2007, Hogan and Merkt, 2008].

D’autres techniques partant de jets supersoniques ont aussi vu le jour. En 1999 le groupe du lauréat du prix Nobel de chimie D. Herschbach à Harvard contrôla (pour O2, CH3F puis pour SF6 [Gupta and Herschbach, 2001]) la vitesse du jet supersonique en faisant tourner de manière contrepropageante la buse de sortie [Gupta and Herschbach, 1999]. En 2003, un champ laser intense nanoseconde pulsé fut employé pour décélérer le benzène C6H6 jusqu’à 300 m/s (amé-lioré à 190 m/s en 2006 [Fulton et al., 2006]) par le groupe de P. Barker [Fulton et al., 2004]. Le groupe de D. Chandler à Livermore amena en 2003 un jet de NO à 15m/s en effectuant une collision de manière inélastique (ce qui transmet un peu de rotation) avec un jet d’argon [Elioff et al., 2003]. Mentionnons aussi la formation de KBr à 13 K lors de processus de collisions similaires, mais entre K et HBr par H. Loesch à Bielefeld [Liu and Loesch, 2007]. Mentionnons enfin les recherches menées sur des macromolécules (perfluorinated) par le groupe de M. Arndt à Vienne [Deachapunya et al., 2008]. Notons aussi que l’utilisation de champs magnétiques pul-sés peut avantageusement, dans le cas d’un moment magnétique permanent (par exemple lié à un électron non appareillé : un radical), remplacer les champs électriques. Cette décélération magnétique vient récemment d’être démontrée sur des atomes (H) par le groupe de F. Merkt à Zurich [Hogan et al., 2007, Hogan et al., 2008] et (sur Ne) par le groupe de M. Raizen au Texas [Narevicius et al., 2007b, Narevicius et al., 2008]. N. Vanhaecke (qui était post-doc sur l’expérience du groupe de Zurich) réfléchi à l’heure actuelle à la possibilité d’implanter une expérience de ce genre au laboratoire Aimé Cotton.

Autres méthodes de formations de molécules froides

Notons finalement que des jets non supersoniques peuvent être utilisés. Il suffit alors, un peu à l’instar d’un MOT pour les atomes, de choisir les molécules les plus lentes de la distri-bution de Maxwell-Bolzmann. Cette approche fut démontrée, en utilisant un champ électrique, en 2003 sur H2CO et ND3 dans le groupe de G. Rempe à Garching [Rangwala et al., 2003]. Ce même groupe utilisa la technique pour piéger ces molécules en 2005 [Rieger et al., 2005] et appliqua la méthode aux molécules d’eau en 2006 [Rieger et al., 2006]. En 2008, le groupe de T. Softley, utilisa cette technique sur CH3F [Willitsch et al., 2008]. Cette sélection en vi-tesse peut aussi s’effectuer par champ magnétique comme montré par le groupe de J. Doyle sur PbO et O2 avec en plus un refroidissement cryogénique qui permet de refroidir la rota-tion [Maxwell et al., 2005, Patterson and Doyle, 2007]. Je menrota-tionnerai finalement le refroidis-sement des ions atomiques et de leurs collisions thermalisantes avec des ions moléculaires dans les groupes de M. Drewsen [Mølhave and Drewsen, 2000], de S. Schiller [Blythe et al., 2005] ou de R. Wester [Mikosch et al., 2007].

En conclusion, les étapes de refroidissement des degrés de liberté de rotation et de vibration, pour les molécules formées à partir d’atomes, et de refroidissement du degré de liberté transla-tionnel, pour les molécules ralenties, sont évidemment les futurs challenges que la communauté doit surmonter.

8.2. SPECTROSCOPIE DE PHOTOASSOCIATION 107