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La photoassociation : spectroscopie et collision

7.2 L’expérience AEGIS : NIMB 266 351 (2008)

8.1.1 La photoassociation : spectroscopie et collision

Photoassociation d’atomes froids

La réalisation de spectroscopie moléculaire à très haute résolution par photoassociation est une application intéressante des atomes froids basée sur une idée suggérée par H.R. Thorsheim, J. Weiner et P.S. Julienne en 1987 [Thorsheim et al., 1987]. Il s’agit d’une collision froide as-sistée par laser : deux atomes libres dans l’état fondamental absorbent, durant leur collision, de manière résonnante, un photon d’un faisceau laser, ils forment alors une molécule électroni-quement excitée dans un état de rotation-vibration bien défini. Je renvoie à la récente revue du groupe du NIST [Jones et al., 2006] pour plus de détails.

La photoassociation d’atomes froids fut réalisée en 1993 par les équipes de Paul Lett au NIST sur le sodium [Lett et al., 1993] et de Dan Heinzen au Texas [Miller et al., 1993]. De très nombreuses équipes réalisèrent ensuite cette photoassociation d’atomes froids (voir la revue

[Stwalley and Wang, 1999]). En 1995, dans les groupes de R. Hulet sur le Li [McAlexander et al., 1995], P. Gould et W. Stwalley sur le K en 1996 [Wang et al., 1996] suivis par le nôtre sur le Cs en 1997

avec en bonus la formation de molécules froides (mon résultat principal de thèse). L’originalité de notre expérience de photoassociation fut dans le mode de détection, basé sur la photoioni-sation des molécules (à l’aide d’un laser à colorant pompé par un laser Nd :YAG fonctionnant en impulsion) et non plus basé sur les seules pertes d’atomes du piège.

La photoassociation fut en fait réalisée sur presque tous les atomes qui ont été refroi-dis par laser, dans les groupes de : J. Walraven sur H en 1999 [Mosk et al., 1999], M. Le-duc et C. Cohen-Tannoudji sur He en 2003 [Léonard et al., 2003], E. Tiemann sur le Ca en 2003 [Degenhardt et al., 2003], Y. Takahashi sur le Yb en 2004 et 2006 (sur une autre transi-tion) [Takasu et al., 2004, Tojo et al., 2006], T. Killian sur le Sr en 2005 [Mickelson et al., 2005, Yasuda et al., 2006]. La photoassociation a aussi été réalisée sur quelques couples d’atomes : en 20016Li7Li par le groupe de Klaus Zimmerman, en 2004 KRb par les groupes de P. Gould et W. Stwalley et le groupe de V. Bagnato et L. Marcassa [Wang et al., 2004, Mancini et al., 2004] et RbCs par David DeMille [Kerman et al., 2004a, Kerman et al., 2004b], NaCs par le groupe de Nicolas Bigelow [Haimberger et al., 2004] et en 2006 LiCs dans le groupe de Matthias Wei-demüller [Kraft et al., 2006]. Je mentionne ici le fait que l’attribution des spectres de photoasso-ciation s’effectue souvent en utilisant une loi semi-classique, dit de LeRoy-Bernstein, décrivant la progression vibrationnelle en fonction de la forme asymptotique du potentiel. En 2004 j’ai publié une amélioration, détaillée ci-après, de cette loi qui permet d’augmenter grandement sa fiabilité [Comparat, 2004].

Application de la photoassociation

La réaction de photoassociation apporte des informations spectroscopiques originales, don-nant des renseignements à la fois sur la structure des atomes et des molécules. Elle permet de déterminer de façon précise et sans règles de sélections, contrairement à la spectroscopie molé-culaire classique, les parties asymptotiques des potentiels molémolé-culaires. Elle permet par exemple de déterminer de façon précise les durées de vie radiatives atomiques [McAlexander et al., 1996, Amiot et al., 2002, Bouloufa et al., 2007] ou les paramètres collisionnels comme la longueur de diffusion [Drag et al., 2000]. En effet, les spectres de photoassociation sont un excellent moyen de sonder l’amplitude de la fonction d’onde radiale des deux atomes en collision en fonction de leur distance internucléaire. Les données expérimentales de photoassociation permettent ainsi d’appréhender les processus collisionnels à température ultra-froide qui ne sont souvent régis que par des processus de résonances ou des processus non classiques comme l’effet tunnel ou des effets d’interférences (voir l’article de revue [Weiner et al., 1999]).

Un des aspects les plus intéressants est que, pour des températures si basses, la dyna-mique collisionnelle est très lente et peut donc facilement être modifiée expérimentalement, par exemple en utilisant une interaction avec un faisceau laser sur un temps plus court que celui de la vibration moléculaire, de la collision, ou même de l’émission spontanée. De très nombreuses recherches concernant la photoassociation avec des impulsions lasers courtes ont ainsi vu le jour tant du point de vue expérimental que du point de vue théorique. En 1996 Dan Heinzen étudia le temps de passage tunnel d’une résonance de forme à l’aide d’une pho-toassociation microseconde [Boesten et al., 1996]. Depuis 1998 l’équipe de Phil Gould étudia [Gensemer and Gould, 1998] (ce que nous fîmes en 1999 [Fioretti et al., 1999]) puis contrôla [Wright et al., 2005, Wright et al., 2007] le flux collisionnel d’atomes, à l’aide d’impulsions tron-quées dans le domaine nanoseconde. Le domaine picoseconde fut étudié de façon similaire

8.1. INTRODUCTION ET CONTEXTE INTERNATIONAL 99 expérimentalement par le groupe de Paul Lett [Fatemi et al., 2001] en attendant le domaine attoseconde [Rivière et al., 2008]).

Photoassociation résolue en temps (femtoseconde)

Le domaine intermédiaire, femtoseconde est sans nul doute le domaine qui est à l’heure ac-tuelle le plus étudié. Il est évident que cet engouement fait suite aux développement spectacu-laires liés à l’apparition des lasers femtosecondes qui ont permis le développement d’une nouvelle discipline aux applications nombreuses, allant de la manipulation des états internes d’un atome [Weinacht et al., 1999] ou d’une molécule [Bardeen, 1997] à celle de la structure de macromolé-cules biologiques, en passant par l’étude de dynamiques de molémacromolé-cules, d’agrégats plus ou moins complexes, à la production d’impulsions THz, ... [Sharan and Goswam, 2002]. Un des domaines actuellement les plus actifs est le contrôle de systèmes par le biais de leur interaction avec une ou plusieurs impulsions femtosecondes mises en forme [Assion et al., 1998, Weiner, 2000]. Concer-nant l’apport des lasers femtosecondes à la photoassociation, je commencerai par mentionner l’expérience (méconnue) réalisée en 1995 par Marcos Dantus, de la photoassociation du mercure (à température ambiante) à l’aide d’un laser femtoseconde [Marvet and Dantus, 1995]. Il fallu attendre 2008 pour que le groupe de Matthias Weidemüller démontre une photoassociation avec des atomes froids en utilisant un laser femtoseconde [Salzmann et al., 2008].

En mariant les techniques de contrôle femtosecondes à la photoassociation, de nombreux travaux théoriques furent effectués, notamment au laboratoire Aimé Cotton autour de Françoise Masnou et dans les groupes de Christiane Koch ou de Ronnie Kosloff. Ces recherches ont plus récemment cherché à influencer le processus de photoassociation pour le rendre plus efficace notamment en vue de la formation de molécules froides [Koch et al., 2004, Koch et al., 2006]. Les premières expériences dans le groupe de Ian Walmsley à Oxford [Brown et al., 2006] ou dans celui de Matthias Weidemüller en collaboration avec Lüdger Wöste [Salzmann et al., 2006] ont montré qu’au lieu de former des molécules froides, celles-ci changeaient d’état après l’absorption de photons issus de ce laser ce qui amenait à une diminution du signal de molécules et non à une augmentation comme attendu ! En 2006, je choisis une approche différente consistant à utiliser le laser femtoseconde, non pas pour effectuer la photoassociation, mais pour manipuler l’état interne des molécules déjà formées. Le résultat fut, en 2008, la première réalisation efficace d’un échantillon de molécules sans vibration à l’aide d’un processus général de refroidissement de la vibration [Viteau et al., 2008]. Je reviendrai évidemment sur ce résultat important que nous venons d’obtenir, dans la partie consacrée aux molécules froides.

Comment augmenter l’efficacité de la photoassociation ?

Si la photoassociation est efficace même dans des MOT, i.e. à relativement haute tempé-rature et basse densité (comparée aux BEC), elle ne peut, a priori, que sonder des parties longues distances des potentiels moléculaires. Notons toutefois qu’une expérience récente, dans le groupe de Matthias Weidemüller, a réussi à utiliser la photoassociation (pour former des molécules froides de LiCs) dans des parties courtes distances des potentiels moléculaires mais le rendement reste faible [Deiglmayr et al., 2008].

Afin de palier à cet inconvénient plusieurs méthodes ont vu le jour.

La plus simple, que nous avons mise à jour en 2001 [Dion et al., 2001], consiste à choisir des potentiels moléculaires qui, par leurs propriétés même, ont des couplages permettant d’étudier les distances internucléaires intermédiaires (typiquement entre 15 et 25 a0).

Une autre méthode intéressante est la photoassociation, dite à deux couleurs, où le premier photon de photoassociation permet de créer des états à grande distance, qui sont ensuite couplés avec des états à plus petite distance, à l’aide d’un second laser. Cette technique a permis dès 1997 au groupe de Storrs (P. Gould), puis en 1999 à celui de Rochester (N. Bigelow), [Wang et al., 1997, Shaffer et al., 1999] de réaliser une spectroscopie à distance intermédiaire. Mais l’intérêt principal réside dans la possibilité d’avoir des informations spectroscopiques sur l’état fondamental en utilisant le second laser pour sonder les niveaux moléculaires proches de la limite de dissociation, ce qui permet par exemple d’extraire une valeur précise de la longueur de diffusion. Cette technique fut par exemple réalisée par D. Heizen en 1997 [Tsai et al., 1997] sur quelques niveaux.

Pour notre part ceci fut réalisé peu après le retour de mon stage post-doctoral en 2002, avec une étude détaillée des profils de raies de type profil de Fano [Lisdat et al., 2002]. Cette étude nous permit de préciser un travail réalisé en 2001 [Tolra et al., 2001] et qui concerne l’utilisation de ce processus stimulé pour former des molécules froides. Bien que cela soit détaillé dans la section "molécules froides" je mentionne ici que l’expérience pionnière, pour la formation de molécules par ce processus à deux photons, est celle du groupe du Texas de Dan Heizen dès 2000 effectuée dans un BEC [Wynar et al., 2000] (au début de mon post-doc [Verhaar et al., 2001]). Il est en fait très difficile de former efficacement des molécules par cette technique. En effet, à cause du fait que l’état final n’a pas de perte (durée de vie longue), les pertes se font donc via l’état intermédiaire par émission spontanée. Comme nous-mêmes, le groupe de R. Grimm a ensuite étudié l’effet du décalage laser et a confirmé ce fait [Winkler et al., 2005]. Cette technique à deux photons est par contre très efficace pour transférer des molécules déjà formées dans d’autres niveaux de vibration [Winkler et al., 2007].

Une technique consiste à améliorer le rendement de la photoassociation afin d’atteindre des distances internucléaires plus petites. En abaissant la température et en augmentant la densité il est possible d’augmenter le rendement de la photoassociation. De nombreuses études, que je ne détaille pas ici, hormis celle déjà mentionnée de D. Heizen [Wynar et al., 2000], ont été effectuées dans des condensats et ont montré que le taux de photoassociation est bien augmenté comparé au taux observé dans les piège magnéto-optiques. Par exemple, le groupe du NIST compara un calcul naïf classique et un calcul quantique et montra que seul ce dernier permet de rendre compte du résultat expérimental [McKenzie et al., 2002]. Ces études font partie de nombreuses études cherchant à comprendre la dynamique ou le régime de photoassociation en champ fort [Gasenzer, 2004b, Gasenzer, 2004a, Gomez et al., 2007]. Afin d’augmenter le taux de photoassociation il suffit aussi d’augmenter la probabilité de présence des paires d’atomes à courtes distances. Cette modification peut se faire via une interaction laser, et est alors parfois appelée résonance de Feshbach optique. L’étude de telles résonances de Feshbach optique (ou par photoassociation) fut faite notamment par le groupe du NIST [Fatemi et al., 2000] puis dans celui d’Innsbruck [Thalhammer et al., 2005, Köhler et al., 2006], mais là aussi les pertes induites par laser ne permettent pas d’arriver à une modification substantielle des propriétés collisionnelles des atomes. L’utilisation des résonances de Feshbach induites par champ ma-gnétique [Mies et al., 2000, Köhler et al., 2006] est particulièrement attrayante. En effet elles permettent d’augmenter notablement le taux de photoassociation comme observé par Dan Heinzen en 1998 [Courteille et al., 1998] et plus récemment par R. Hulet en 2008 dans un condensat [Junker et al., 2008]. Cette technique, que je décrirai un peu plus en détail ci-après, nous a aussi permis en 2003 de sonder grâce à la photoassociation la dépendance radiale de la fonction d’onde de collision et aussi de modifier le taux de formation de molécules froides

8.1. INTRODUCTION ET CONTEXTE INTERNATIONAL 101 [Laburthe Tolra et al., 2003].

Photoassociation vers l’état fondamental

Je voudrais mentionner pour finir l’extension des techniques de photoassociation à des transi-tions autres que dipolaires électriques avec des longueurs d’onde optiques. Je pense notamment à la photoassociation micro-onde ou radiofréquence directement vers des états électroniques fondamentaux. C’est en quelque sorte l’inverse d’un processus de photodissociation, utilisé pour transformer les molécules en atomes afin de détecter celles-ci (voir les travaux de S. Chu, W. Ketterle et R. Hulet [Chin et al., 2003, Mukaiyama et al., 2004, Partridge et al., 2005]). Le balayage d’un champ magnétique pour former des molécules froides, comme réalisé de façon co-hérente dans un condensat, en 2002 par le groupe du JILA de C. Weiman [Donley et al., 2002, Thompson et al., 2005], peut ainsi être interprété comme une photoassociation magnétique [Góral et al., 2004, Julienne et al., 2004, Hanna et al., 2007, Lang et al., 2008]. Cette photoas-sociation R.F. ou micro-onde fut la première qui forma des molécules froides hétéro-nucléaires (KRb) stables [Ospelkaus et al., 2006]. Elle peut aussi s’avérer intéressante pour former des molécules directement dans l’état électronique fondamental [Kotochigova, 2007].

Mentionnons enfin la photoassociation Raman de paires d’atomes isolés dans des réseaux optiques réalisée en 2004 par le groupe de Immanuel Bloch [Rom et al., 2004] qui permet de former des molécules froides qui sont alors isolées l’une de l’autre et donc insensibles à de possibles collisions [Thalhammer et al., 2006].