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Comme R. More l’a expliqué dans son article [45], le modèle QEOS constitue un cadre général pour construire une équation d’état tabulée, et a vocation a être modifié. En particulier, les paramètres utilisés pour le calcul de la contribution ionique sont ajustables. Plus généralement, des modifications peuvent s’appliquer à la façon de calculer l’isotherme à température ambiante, ainsi qu’à la composante électronique, et à la composante ionique.

Ajout de l’isotherme à 300 K dans la décomposition des contributions : L’isotherme à température ambiante peut être déterminée séparément, puis introduite dans la décomposition des contributions. On sépare alors les contributions chaudes, dites thermiques, d’une contribution froide, représentée par l’isotherme à T0. Cette séparation s’écrit, dans le cas de l’énergie libre, suivant :

F(ρ, T ) = Fionth(ρ, T ) + Féleth(ρ, T ) + Fc.f.(ρ), (2.63)

Les contributions Fion/életh (ρ, T ) = Fion/éle(ρ, T ) − Fion/éle(ρ, T0) désignent alors les contributions ther-

miques ioniques et électroniques de l’énergie libre. On fait ainsi apparaître un terme d’énergie libre à la température ambiante Fc.f.(ρ). Ce terme est défini dans le modèle QEOS, comme :

Fc.f.(ρ) = Fion(ρ, T0) + Féle(ρ, T0) + Ecorr(ρ), (2.64)

avec, Ecorr(ρ) est la correction semi-empirique de Barnes.

L’avantage d’introduire l’isotherme Fc.f.(ρ) dans la décomposition des contributions est qu’elle peut

être calculée séparément, à l’aide d’une modélisation théorique adaptée à la matière froide, ou mesurée, par exemple, dans des cellules à enclume diamant.

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FIGURE2.4 : Isotherme à 80 000 K de l’ablateur CHO dans le modèle QEOS, avec l’introduction explicite de la contribution froide. La pression thermique ionique (en bleu) et la pression froide (en noir) représentent la majeure partie de la pression totale (en vert).

Modifications apportées à la contribution électronique : Nous pouvons ensuite changer la façon de calculer la contribution électronique. Parmi les modèles qui peuvent être utilisés, le modèle de Thomas- Fermi-Dirac inclut un terme d’échange et corrélation dans le modèle semi-classique de Thomas-Fermi. Le modèle Inferno [54, 55] introduit un traitement quantique des états électroniques, dans le cadre de la théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT8) appliquée à une sphère ionique. La théorie de la DFT sera expliquée dans le chapitre 3. Ce modèle, bien que permettant un calcul plus précis des effets électroniques dans un atome, nécessitent des calculs plus longs et plus complexes que ceux effectués dans le modèle de Thomas-Fermi. En particulier, les lois d’échelle ne s’appliquent pas. De plus, dans le cadre de la séparation (2.63), la contribution thermique des électrons participe moins à la pression totale que la contribution thermique des ions, pour des températures inférieures à 100 000 K. La figure (2.4) illustre cette caractéristique sur l’isotherme à 80 000 K. Nous avons ajouté l’isotherme à 300 K dans la décomposition des contributions ionique et électronique dans le modèle QEOS (2.63). L’isotherme à 300 K et la pression thermique des ions représentent alors la majeure partie de la pression totale. En effet, la pression thermique électronique intervient pour moins de 2 Mbar sur la pression totale qui s’étend

FIGURE2.5 : Isochore à 2, 5 g/cm3de l’ablateur CHO dans le modèle QEOS. Les courbes en trait plein corres- pondent au modèle QEOS. Les courbes en pointillé correspondent à des modèles introduits dans l’équation d’état QEOS.

jusqu’à 65 Mbar. La figure (2.5) présente ces mêmes pressions sur l’isochore à 2, 5 g/cm3. La pression thermique des électrons calculée avec le modèle quantique Inferno a été ajoutée. Dans le régime de température affiché sur cette figure, entre 0 et 100 000 K, aucune différence notable n’est observée entre le traitement semi-classique et le traitement quantique des électrons. Nous utiliserons donc le modèle Thomas-Fermi, sans modification.

Modifications apportées à la contribution ionique : Des modifications peuvent enfin être apportées au calcul de la contribution ionique.

En effet, dans la phase solide, D. Young et E. Corey [56] ont proposé de modifier l’isotherme à température ambiante, ainsi que le coefficient de Grüneisen pour restituer des phénomènes physiques mesurables, tels que les transitions de phase. Ils ont ensuite proposé d’introduire un modèle diatomique pour prendre en compte les effets de dissociation chimique sur l’équation d’état. Ce modèle contient des coefficients qui doivent être ajustés de façon arbitraire, ou à partir de données expérimentales.

Dans la phase fluide, le modèle de plasma de Yukawa [57] peut être utilisé à la place du modèle de Cowan, pour prendre en compte l’écrantage du potentiel interatomique dû aux électrons libres. L’utilisa-

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tion de ce modèle permet alors de restituer la limite gaz parfait à haute température et de mieux décrire les effets de couches atomiques pour les très hautes pressions (> 100 Mbar). Pour traiter le domaine qui nous intéresse en premier lieu (P = quelques Mbar, ρ = quelques g/cm3, T = quelques eV), nous utiliserons le modèle analytique de Cowan implémenté dans les tables QEOS. Ce modèle ne dépend que du coefficient de Grüneisen à partir duquel tous les paramètres du modèle peuvent être déterminés.

Perspectives :

Les modifications que nous apporterons au modèle QEOS concernent :

1. l’introduction d’une isotherme à température ambiante dans la séparation des contributions io- niques et électroniques. Cette isotherme sera calculée par une méthode de dynamique molécu- laire quantique.

2. Le coefficient de Grüneisen sera modifié pour faire correspondre les tables QEOS à des prédic- tions numériques et des mesures expérimentales.

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Simulations de dynamique moléculaire quantique

Sommaire

3.1 Introduction . . . 38 3.2 La dynamique moléculaire . . . 39 3.2.1 Généralités . . . 39 3.2.2 Mise en oeuvre de la dynamique moléculaire . . . 40 3.2.3 Calcul des propriétés physiques des systèmes simulés . . . 42 3.3 La théorie de la fonctionnelle de la densité . . . 45 3.3.1 Formulation exacte de la théorie de la fonctionnelle de la densité . . . 46 3.3.2 Détermination de la fonctionnelle universelle de la densité . . . 47 3.3.3 Approximations introduites pour la résolution des équations de Kohn-Sham 53

3.1

Introduction

Dans le chapitre précédent, nous avons présenté le modèle QEOS qui a été choisi pour construire les équations d’état tabulées des ablateurs. Ce modèle se base sur une représentation simplifiée des plasmas, dans lequel on considère un atome isolé dans une cellule à symétrie sphérique. Certaines caractéristiques de la matière, comme les liaisons chimiques, ne sont alors pas décrites par cette modélisation. Nous cherchons à tester ce modèle dans un régime restreint du diagramme de phase qui est accessible sur les installations laser LULI2000 et GEKKO XII. En particulier, nous nous concentrerons sur des pressions et des températures de l’ordre de quelques mégabars et quelques électronvolts.

Le calcul des propriétés d’un système à l’équilibre thermodynamique dans ce régime est assez com- plexe. En effet, les actions conjointes de la pression et de la température permettent la coexistence de différentes espèces chimiques ou ioniques, comme les molécules, les atomes, ainsi que les ions et les électrons. Pour cette raison, nous avons utilisé une méthode de simulation de la matière qui ne nécessite pas de connaître à l’avance la composition du système pour des conditions de densité et de température données. Cette méthode est connue sous le nom de « dynamique moléculaire quantique » (QMD), ou de « dynamique moléculaire ab initio », puisque aucune hypothèse n’est faite à l’avance sur l’état du système. Le terme « dynamique moléculaire » signifie que l’évolution des atomes au cours du temps est calculée en résolvant les équations du mouvement de la mécanique classique. Le terme « quantique » indique que les forces qui s’exercent sur les atomes ne sont pas calculées à partir d’un terme donné a priori, mais sont déduites de la structure électronique.

Il existe plusieurs formulations de la dynamique moléculaire quantique. En particulier, la formula- tion de Car et Parrinello [58] traite en même temps le mouvements des ions et des électrons. Une autre formulation, couramment utilisée à l’heure actuelle, considère l’hypothèse de Born-Oppenheimer qui postule que les électrons atteignent instantanément l’équilibre thermodynamique au cours du déplace- ment des noyaux. On résout ainsi de façon statique le système électronique, à chaque pas de temps. Le problème de la structure électronique revient donc à résoudre un problème quantique indépendant du temps. Cette méthode a été choisie pour nos calculs.

Depuis les années 1990 et le développement des super-calculateurs, la dynamique moléculaire quan- tique est très utilisée pour décrire la matière dense et tiède. Elle a permis d’obtenir des informations aussi bien sur les équations d’état et le diagramme de phase des matériaux, que sur les propriétés de transport et les propriétés optiques. Par exemple, L. Collins [59] s’est intéressé en 1995 aux propriétés thermo- dynamiques et électroniques de l’hydrogène comprimé pour des températures comprises entre 3 000 et 60 000 K. Depuis, de nombreuses autres études numériques ont été réalisées sur des matériaux d’intérêts

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astrophysiques comme le LiF [60], le quartz [61], l’aluminium [62, 63, 64] et le fer [65, 66, 67, 68]. Dans le cas des matériaux ablateurs, cette méthode de simulation a fourni des données d’équations d’état sur les mélanges CH [69, 70], CH1,36 [71], CH1,50 [32, 72], CH2[73, 74], dans un régime étendu du dia-

gramme de phase. Nous nous proposons d’appliquer la méthode de la dynamique moléculaire quantique à des mélanges plus représentatifs des ablateurs des capsules du Laser Mégajoule.

Nous développons brièvement les principaux concepts de la dynamique moléculaire quantique. En premier lieu, nous détaillerons les approximations introduites dans le calcul de la dynamique molécu- laire classique (section 3.2). Ensuite, nous présenterons la méthode utilisée pour le calcul de la structure électronique, ainsi que les principales approximations introduites pour la résolution numérique (sec- tion 3.3).