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CHAPITRE III ETUDE DES PROCESSUS DE COMPREHENSION ET D’ACTION LORS DE DYSFONCTIONNEMENTS DE SYSTEMES AUTOMATISES

V. 2-2 Les modes de coopération

Le tableau ci-dessous en résume les principaux résultats.

Tableau 8 : Types dominants de coopération durant le traitement des pannes des scénarios 1 et 2 Modes de coopération

dominant durant le traitement de chaque panne Scénario 1 Nombre de pannes concernées Scénario 1 Pourcentage d’utilisation d’un mode de coopération Scénario 2 Nombre de pannes concernées Scénario 2 Pourcentage d’utilisation d’un mode de coopération Collaboration : 17 (44,7) 19 (82,6) Coopération distribuée : 20 (52,6) 3 (13) Conflit : 1 (2,7) 1 (4,4) Totaux 38 (100) 23 (100) On remarque :

 Une différence importante entre scénarii, tenant à la dominance de la collaboration sur les différentes pannes du scénario 2, contre un équilibre coopération-collaboration dans le premier scénario.

 très peu de conflits sont présents : un par scénario, c’est-à-dire un équipage au cours d’une panne.

Comme nous l’avons décrit dans la méthodologie au cours du chapitre IV la dégradation des “ annonces ” sera prise ici comme un indice de la variation de la charge cognitive de l’équipage, celle-ci jouant le rôle de tâche seconde. Les annonces avant l’action sont requises dans cet ordre et représentent un élément clef du contrôle croisé de l’activité de l’équipage (cross-check). Nous attendons donc une dégradation des annonces par toute déviation à cette requête : Les annonces après avoir effectué l’action ou les absences d’annonce.

Aussi le tableau suivant synthétise t-il à la place réelle dans l’activité des sujets de ces annonces par rapports aux actions effectuées sur les systèmes automatisés.

Tableau 9 : Conformité des annonces en rapport à la prescription, scénario 1 et 2 (position de l’annonce par rapport à l’action toutes pannes confondues)

Conformité des annonces

En rapport à la prescription

Scénario 1

Nombre d’annonces

Scénario 1

Pourcentage

Scénario 2

Nombre d’annonces

Scénario 2

Pourcentage

Annonces avant action

(conforme) 157 (74,8) 38 (41,8)

Annonces pendant ou après

l’action (non conforme) 21 (10) 23 (25,2)

Annonces manquantes (non

conforme) 32 (15,2) 30 (33)

Nombre d’actions

concernées 210 (100) 91 (100)

En comparant les pourcentages des annonces conformes du premier et du second scénario, on remarque que le premier scénario permet un respect plus grand du protocole d’annonce tel qu’il est requis : 25, 2 % des annonces sont mal faites ou manquantes durant le scénario 1 contre 58, 2 % pour le scénario 2. En accord avec Rogalski (1996) cela tend effectivement à montrer que le second scénario semble être plus dense en termes de charge de travail et donc qu’il y aurait une moins bonne maîtrise des équipages dans ce type de situations. Ce qui reste surprenant dans ces résultats c’est que l’on aurait pu s’attendre à son inverse. En effet, le second scénario est constitué majoritairement de pannes comportant des procédures, donc plus organisées dans le sens allant avec la conformité des annonces. Hors il semble que dans le compromis de l’activité, cela ne résiste pas au type de charge de travail mis en œuvre dans ce scénario comparativement à la charge de travail du scénario 1.

En substance la coopération n’est pas la même dans les deux scénarii :

Dans le scénario 1 où il n’existe plus de coopération organisée et où cette gestion revient donc totalement à l’initiative de l’équipage , le pilote aux commandes, commandant de bord est le plus souvent celui qui détecte la panne.

Dans le scénario 2, c’est l’officier pilote de ligne qui détecte en majeure partie le premier. Ceci pouvant être lié pour partie à la nature des pannes, voire à leur signalisation (gong sonore, voyant en visuel…) et à la répartition des tâches prévue dans le cockpit dans ce type de traitement de panne.

On observe comme mode de fonctionnement principal des modes de coopération: dans le scénario 1, un compromis entre la coopération distribuée (52,6 %) et la collaboration (44, 7 %),

tandis que la collaboration (82,6 %) domine plus nettement durant la gestion des pannes du scénario 2.

Les annonces avant action qui sont normalement la clef des contrôles croisés sont pris ici comme indice de la variation de la gestion des ressources cognitives et donc de la perte de la maîtrise de la situation par les équipages. Elles montrent que le scénario 1 est plus propice au respect de ce protocole d’annonce. Ce résultat est intéressant car nous attendions le résultat inverse. En effet, la majeure partie des pannes sont avec procédures dans le second scénario et donc plus organisées pour un meilleur respect des contrôles croisés. On peut constater que ce type de protection prévue dans les procédures ne résiste pas à ce type de la charge de travail et passe après la gestion des ressources de l’équipage. On a en effet, un résultat pour les annonces non conformes qui varie du simple au double entre le scénario 1 et le scénario 2.

V.3-SCHEMAS DES STRATEGIES POUR DEUX DYSFONCTIONNEMENTS SIGNIFICATIFSPANNE D’AUTOTHRUST »&« REVERSION DE MODE (HEADING/TRACK) »

D’un point de vue global, il est primordial de souligner que tous les équipages ont effectué leur mission à terme sans remettre en cause la sécurité ou l’intégrité de l’avion.

Pour le détail des résultats nous allons donner successivement les graphes globaux des 6 premiers équipages du scénario 1 (E1 à E6) pour la panne de l’automatisme gérant la poussée des moteurs (figure 11) : auto manette (A/THR), puis l’ensemble des équipages (E1 à E10) concernant le traitement de l’autre dysfonctionnement, « réversion de mode » (figure 12), sur les deux scénarii. Pour la panne de gestion de la poussée des moteurs on voit que 3 (E3, E4, E5) des six équipages essaient de mettre en relation le dysfonctionnement observé avec les autres systèmes automatisés du cockpit. Presque tous les équipages recherchent par ailleurs des fusibles (breakers) avant de finalement déconnecter l’automatisme gérant la poussée.

Les “ graphes globaux ”1 résumant par panne l’ensemble des stratégies adoptées par les équipages pour gérer les pannes “ surprises ” qui ne possèdent pas, nous le rappelons, de procédures précises, nous ont permis de mettre en évidence les schémas stratégiques des équipages. Les traitements sont la réponse des équipages à ce type de panne et à la consigne générique d’action de retour en manuel.

1Nous rappelons que les équipages sont notés E suivit d’un numéro et que la panne d’A/THR ne concerne que le scénario 1 alors que la panne de réversion de mode concerne les deux scénarii.

Figure 11 : Graphe global des schémas de stratégies des équipages dans le traitement de la panne d’automatisme de gestion de la poussée des moteurs (A/THR) dans le scénario 1.

On voit bien ici que les équipages n’appliquent pas la consigne générique d’action à la lettre. En effet, seul l’équipage 2 (E2) désengage l’A/THR dès qu’il a fait le diagnostic de dysfonctionnement de l’automatisme de poussée. En fait, les équipages ne reviennent pas directement ou rapidement en manuel puisqu’ils effectuent un certain nombre d’actions avant de déconnecter un ou plusieurs automatismes. La panne suivante est encore plus illustrative des tentatives d’analyse de la panne par les équipages et de leur volonté de conserver les automatismes en fonction.

A/THR Panne d’automanettes

Prise en compte de l’image furtive A/THR

(E3, E4, E5). A/THR (E2, E5, E6)Diagnostic panne

Recherche d’une procédure conditionnelle (E2)

Hypothése de diagnostic liaison avec une panne

de la vitesse en mode “Speed” (E5).

Recherche des breakers (E1, E3, E4, E5, E6)

vérification d’hypothése: problème lié aux moteurs (E6) Réinitialisation d’un automatisme associé à un niveau supérieur, ou plus global dans la hiérarchie des

automatismes 2 réinitialisations de l’ordinateur de gestion du vol par l’intermédiaire de

chaque directeur de vol (E3). Tentative de réenclancher l’automanette par l’intermédiaire d’un autre mode parce que le pilote automatique serait défectueux (E4).

Recherche d'information 1 à 5 test et retest (E1, E2, E3, E4, E5, E6)

A/THR Off (E1, E2, E3, E4, E5, E6)

REVE RSION DE MO DE HEA DING /TRACK

P ilote A utomatique d éconn ecté

(E3 )

Confirma tio n de la pan ne Déconn ectio n d u pilote automatiqu e (PA ) e t du dir ecte ur de vol avec in te nti on

de réin itia liser l’affi ch age du mo de de vol (FMA) ou de l ’ordin ateur de ge stio n d u vo l

(FMGC)

(E 2, E 4, E5 , E6 , E7, E9 & E 10)

Contrôle re nforcé pou r vol à travers la

pa nne. (E2 , E6 & E9)

Vol à tr avers l a p ann e d uran t q uelqu es min utes

AP on P our la re mi se de s ga z vol à tr avers la pa nne : mod e climb e t PA on In ten ti on de faire un di agno stic plus

él abor é Conflict en tre la gestion de la pr essu risation cab ine et le p roblè me de r eversion de mod e Stratégi e cré e afi n d e voler à travers la pan ne en conserva nt le pilo te au to mati que en fonction

(E 1, E 2, E8 , E9 )

Recon necti on des automatismes (E 2, E 4, E 5, E6 , E7 , E9, E10 ) d e 1 à 6 tests et

retests

tous les équipages sauf E8 AP Off mais utilisation d es in fo rmations du FD (E4) Dé co nnection du p ilote automatiqu e (A PO ff) (E4, E5, E7, E10) Déconn exion du pi lote

a utomatique ( AP Off) a près la pan ne d 'i ndex de vite sse

(E6) Co nfirmation de la

p anne e t fausse infére nce ca usale

(liaison e ntre la p anne d'A/THR et le d ysfonctionn ement en cou rs ) (E1 ) Re to ur en manu el (d éconne xi on A P e t FD p our l'app roche

fina le) Dia gnostic tard if, p as d e temp s pou r

le s tests (E 8)

Figure 12 : graphe global des schémas stratégiques du traitement de la panne de réversion de mode (scénarii 1 & 2)

De tous les équipages, aucun n’a appliqué la consigne immédiatement. Certains équipages l’ont appliquée et sont revenus en situation critique volontairement, d’autres n’ont pas appliqué du tout cette consigne : en effet, la moitié d’entre eux n’ont quasiment pas déconnecté les automatismes (pilote automatique et directeur de vol) ou les ont reconnectés, pour des raisons invoquées de gestion de la charge de travail2, dans cette phase de vol particulièrement consommatrice. Par ailleurs et comme nous l’illustre ce graphe, les stratégies pour faire face à la panne sont nombreuses et différentes.

En effet, on peut identifier nettement un certain nombre d’actions ayant un autre but que celui donné par la consigne générique d’action : des tests, des hypothèses, des recherches de fusibles…

Ces premiers niveaux d’analyse ont confirmé notre hypothèse la plus globale : les pilotes n’appliquent pas à la lettre la consigne de retour en manuel préconisée par les compagnies aériennes en cas de dysfonctionnement d’automatisme. Aussitôt le dysfonctionnement identifié, cela ne les amène pas à revenir en manuel. Ces résultats sont illustrés par les temps de clôture intellectuelle qui montrent que les pannes et leurs conséquences vont au-delà d’un temps de détection du dysfonctionnement et de la déconnexion des éléments concernés.

Par ailleurs on identifie une disparité dans les temps de traitement de panne entre le premier et le second scénario. Nous allons étudier plus précisément le pourquoi de cette différence grâce aux profils d’activités ci-après.

V.4-LES PROFILS DACTIVITE

Dans un premier temps, nous avons défini des représentations graphiques que nous appellerons des profils d’activité ; Ils sont issus des codages explicités dans le chapitre 4 pour les pannes d’ATHR et de réversion de mode. L’idée principale que veulent représenter ces illustrations est de permettre de visualiser assez rapidement la place que le traitement de la panne prend dans l’activité globale des pilotes. De ce fait, nous pourrons voir la répartition de l’activité des pilotes entre les différentes tâches à effectuer que nous avons isolés : gérer l’avion comme mobile, gérer les communications extérieures, gérer la panne en cours… Ces graphiques permettent d’avoir une idée de la répartition des ressources de l’équipage sur chaque tâche.

2 Raisons invoquées soit dans leur communications dans le cockpit (durant l’activité), soit en debriefing (post activité)

L’ensemble des profils d’activité est donné en annexe 10. Nous allons illustrer ces profils qui ont été à la base de comparaisons entre pannes et entre scénarii : « A/THR » et « réversion de mode Heading/Track » du scénario 1 puis « réversion de mode » dans les deux scénarii, dans les figures 13, 14 et 15.