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Les modalités réflexives de la transformation : la dimension introspective

Émotion Évaluation

GRILLE D'ENTRETIEN NON-DIRECTIF

7.1 Etudes de cas du Sujet

7.4.3 Les modalités réflexives de la transformation : la dimension introspective

La volonté de recentration du sujet 4 que nous avons abordée dans le paragraphe correspondant aux raisons et dilemmes qui ont poussé le sujet à entrer en Franc-maçonnerie est bien représentée dans la dimension introspective évoquée par le sujet. Si "l'éveil" de la conscience est possible, c'est à travers une recherche introspective permettant au sujet de procéder à des phases de retours réflexifs. Ces phases sont une méthode pour repenser ses expériences et les réinterpréter à l'aune des nouvelles perspectives de sens développées. Dans la dimension introspective, nous retrouvons un phénomène de dissociation, car pour le sujet 4 il s'agit pour lui de recherche d'une "...meilleure compréhension..." afin d'éviter des erreurs qu'il attribue à un élément extérieur à lui : son égo. Ainsi l'introspection est une lutte interne entre ce que le sujet qualifie de Soi et ce qu'il qualifie d'Ego. L'égo désigne généralement la représentation et la conscience qu'un individu a de lui-même. Dans le domaine psychologique, l'égo est perçu comme la substance de notre personnalité or dans le domaine spirituel, et c'est le sens que prend l'égo pour le sujet 4, il est perçu comme ce qui empêche le sujet d'accéder à une forme de vérité, de réalisation totale de soi-même. L'égo semble agir comme un élément indépendant : "... j’ai parlé de meilleure compréhension, je peux plus me faire, en tout cas moins me faire piéger par mon propre égo." La dimension introspective permet au sujet de sortir des pièges de l'égo, d'anticiper et de réguler des réactions qui pourraient advenir spontanément et ainsi mettre le sujet à l'abri des situations d'inconfort, de mal-être et d'angoisse. L'introspection agit comme un système de filtration contre les habitudes d'anticipation et les perspectives de sens " taken for granted" (Mezirow, 2001). En effet, pour

112 le sujet 4 : "... le fait de travailler sur son mauvais égo, permet de, comment dire, de ne plus être dans en tout cas de l’être beaucoup moins, je cherche le mot, dans les métaux, c'est-à- dire dans les idées préconçues...". Dans la terminologie maçonnique, les "métaux" que l'on doit déposer devant l'entrée du temple avant les tenues représentent d'un point de vue historique, les épées que les gentilshommes du 18ème siècle devaient déposer avant la participation à une tenue, car se désarmer équivalait à montrer à l’assemblée, tout à la fois, une intention pacifique, la pureté de ses sentiments et une totale confiance aux personnes présentes en loge. Symboliquement, les "métaux" représentent les idées préconçues, l'intolérance, l'étroitesse d'esprit, la vanité, tous les traits de caractère, les comportements qui éloignent le sujet d'une pensée juste, d'un acte juste et d'un rapport au monde de qualité. La modalité introspective est vécue comme un combat, une confrontation entre le Moi et l'Ego pour accéder à une vérité intérieure, c'est une recherche de centration et de réflexivité sur les actes et les comportements afin de pouvoir anticiper. Ainsi pour le sujet 4 : "...c’est le combat quoi, c’est un combat avec soi même de rectification, de remise en question permanente ce qui fait que tu n’es jamais dans une zone de confort.". L'apprentissage par répétition et les "rituels qui reviennent comme des mantras, qui se rappellent à ton bon souvenir." doivent permettre au sujet 4 de se replonger dans une phase introspective ayant pour fonction de "...tout de suite savoir que tu es à côté, que tu n'es pas centré, que tu es en train de déconner et cela permet de rectifier plus rapidement...". Ces prises de conscience, ces phases de réflexivité accroissant la qualité du niveau de réponse face à l'environnement et permettant de réinterpréter l'expérience sont des modalités de connaissance de soi, allant vers des modes de fonctionnement proches des approches de la psychologie positive et de la pleine conscience. Selon Gendron (2016) la pleine conscience constitue une compétence d'ordre métacognitive sous-tendue par deux composantes principales, l'autorégulation de l'attention et l'orientation attentionnelle vers l'expérience. Cette pleine conscience se manifeste dans la dimension introspective car pour le sujet 4, être pleinement conscient c'est "...de ne plus être endormi.", c'est prendre conscience de sa capacité de réflexion, d'user de l'agir réflexif et de prendre conscience également de sa temporalité, de son rapport au temps : "c'est l’ici et maintenant, c'est vraiment le travail sur soi et le travail maçonnique, il est sur la connaissance de soi- même...". La dimension d'introspection s'apparente à une pratique méditative pour le sujet 4 car elle se rapproche de la définition de Kabat-Zinn (2003) [...] qui définit « la pleine conscience comme un état de conscience accessible lorsqu’une personne porte délibérément son attention sur son expérience (interne et externe), telle qu’elle se déploie dans l’instant présent, sans jugement. C’est être observateur de soi-même, observer ses pensées, ses émotions et ses sensations sans s’y laisser prendre, sans chercher à s’y attacher ou à s’y

113 identifier” (Gendron, 2015). En effet, pour le sujet 4 : " ...Quelque part on est sur un travail de méditation, c'est l’ici et maintenant à la recherche de soi-même, c'est lié, donc c'est de l'éveil." Dans l'analyse du verbatim du sujet 4, la dimension introspective pourrait être un outil permettant une quête vers l'éveil. L'éveil qui semble être une résultante de la mobilisation du capital émotionnel fait dire à Gendron (2016) que "le capital émotionnel [...] permet l’éveil des consciences par son principe d’action et d’abord d’apprentissage du « connais-toi toi-même », se connaissant soi-même pour mieux comprendre l’Autre, qui n’est jamais qu’un autre Soi".

Figure 19 : Part des dimensions dans les modalités réflexives de la transformation