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6) L’importance relative de multiples valeurs guide l’action Toute attitude, tout comportement, implique nécessairement plus d’une valeur L’arbitrage entre des valeurs

4.2 De l'émotion aux compétences émotionnelles

La compétence en tant qu'entité intrinsèque est un ensemble de ressources dont dispose chaque individu. Nous avons vu précédemment que celle-ci pouvait recouvrir plusieurs champs, techniques, relationnelles, socio-affectives, etc. ; dans le cas de notre recherche nous nous questionnons sur l'impact du cheminement maçonnique sur les compétences émotionnelles ; nous devons dans un premier temps déterminer ce qu'est une émotion, comment le concept d'intelligence émotionnelle à émergé et enfin nous préciserons les spécificités du modèle de compétences émotionnelles utilisé dans cette recherche.

4.2.1 Emotions : Approche théorique

Les fonctions et la nature des émotions ont fait l'objet de nombreuses explorations, extrapolations, interprétations. Sa place dans le processus de développement humain est également un sujet qui depuis les premiers écrits questionne chaque être, car cela interroge le rapport à soi, au monde et son mode de fonctionnement. Dés l'antiquité, Platon dans ses divers récits tentait une approche de l'émotion, dans sa théorie de l'âme, il distinguait différentes parties, qui de nos jours pourraient être associées au désir, à la raison et à l'émotion. Ainsi, Platon situe le siège du désir, l'Epithumia dans le bas-ventre, sa fonction étant d'orienter l'âme vers la satisfaction des désirs sensibles. Le « Noûs », est le siège de la raison, situé au niveau de la tête, il est pour Platon le principe rationnel et hégémonique, celui qui doit conduire et guider la vie. Enfin, la partie émotionnelle de l'âme est représentée par le « thumos », il « constitue l’ensemble des émotions afférentes à une pensée de l’ordre d’un raisonnement ou d’une opinion, en relation avec des désirs ». Il est un mode naturel procurant la capacité de réaction et de réflexion, et Renaut (2013) confère comme attribut au thumos d'être le siège « d'émotions immédiates et également de dispositions psychiques morales ». Nous retrouvons dans cette réflexion, dans cette vision antique des émotions, une dimension au-delà du biologique, une dimension éthique, l'émotion, associée aux désirs et à la raison doit permettre de vivre une vie juste.

Le siècle des lumières a été tout aussi prolifique dans la recherche des penchants de l'humain a essayé de se connaître et comprendre soi-même, néanmoins l'émotion apparaît comme un adversaire de la Raison, maître-mot du XVIIème siècle. Kant nous rappelle dans cet extrait, les méfaits des émotions :

54 « Dans l'émotion, l'esprit surpris par l'impression perd l'empire de soi-même. Elle se déroule dans la précipitation : c'est-à-dire qu'elle croît rapidement jusqu'au degré de sentiment qui rend la réflexion impossible (elle est inconsidérée). Une absence d'émotion, qui ne diminue pas la force mobile de l'action, est le propre du flegme, au sens favorable du terme : qualité qui permet à l'homme courageux de ne pas perdre, sous l'effet des émotions, le calme de sa réflexion».(Kant, 1994).

L'émotion comme entité qui surgit, est un frein au contrôle que doit exercer l'humain sur lui- même, elle parasite la réflexion et la capacité d'agir.

Les émotions sont également qualifiées de « passions », dont l'étymologie est empruntée au latin passio, -onis, formé sur le participe passé du verbe pati «souffrir». Son emploi étant attribué une première fois par le grammairien Charisius (IVème siècle.) au sens de « douleur morale » ; passio est réellement attesté depuis le IIème siècle. (Apulée) au sens de «fait de subir, de souffrir, d'éprouver»6.

Les émotions reléguées au rang de passion aux XVIème siècle, également chez Descartes (1649) fait l'objet de profondes tentatives de compréhension et ont fait l'objet d'un traité où Descartes lui-même commence sa réflexion en exposant la difficulté d'entendement que procure cet objet de recherche :

« Il n’y a rien en quoi paraisse mieux combien les sciences que nous avons des anciens sont défectueuses qu’en ce qu’ils ont écrit des passions. Car, bien que ce soit une matière dont la connaissance a toujours été fort recherchée, et qu’elle ne semble pas être des plus difficiles, à cause que chacun les sentant en soi-même on n’a point besoin d’emprunter d’ailleurs aucune observation pour en découvrir la nature, toutefois ce que les anciens en ont enseigné est si peu de chose, et pour la plupart si peu croyable, que je ne puis avoir aucune espérance d’approcher de la vérité qu’en m’éloignant des chemins qu’ils ont suivis » (Descartes, 1998).

Bien plus qu'un traité philosophique, Descartes propose une réflexion pluridisciplinaire sur les émotions. Mêlant considération métaphysique sur la nature de l'humain, proposition éthique sur la conduite d'une vie où les passions pourraient être régulées, il expose également une vision biologique, avec l'originalité de ne pas situer le siège des émotions au niveau du cœur mais au niveau du cerveau. En effet : « en examinant la chose avec soin, il me semble avoir évidemment reconnu que la partie du corps en laquelle l’âme exerce immédiatement ses fonctions n’est nullement le cœur, ni aussi tout le cerveau, mais seulement la plus intérieure

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55 de ses parties, qui est une certaine glande fort petite, située dans le milieu de sa substance » (Descartes, 1998). Nous pouvons imaginer qu'intuitivement, le rôle du thalamus, comme organe relayeur et intégrateur d'afférences sensitives et sensorielles ou de l'amygdale comme évaluateur et redirecteur des stimuli, était déjà présupposé au 17ème siècle. La classification des différents types d'émotions est également restée relativement stable à travers les siècles. Dans son article 69 du Traité des passions de l'âme, Descartes nous donne une typologie de six passions (émotions) primitives à savoir : l'admiration, l'amour, la haine, le désir, la joie et la tristesse, toutes les autres n'étant que des compositions et des combinaisons des primitives. Cette typologie se retrouve dans les travaux de classifications du XXème siècle; tel que celle de Izar (1977); joie, surprise, colère, peur, tristesse, mépris, détresse, intérêt, culpabilité, honte, amour ; Celle de Plutchnik (1980); acceptation, colère, anticipation, dégout, joie, peur, tristesse, surprise. Et enfin, celle de Ekman (1992): colère, peur, tristesse, joie, dégout, surprise. Ces Classifications définissent des émotions primaires qualifiées de primaire car possédant selon Gendron citant Ekman (1992) neuf caractéristiques : Elles possèdent un signal universel distinct ; elles sont présentes chez d’autres primates que l’humain ; elles ont une configuration propre de réactions physiologiques ; elles sont associées à des événements déclencheurs universels distincts ; elles ont des réponses émotionnelles ou des composantes convergentes ; elles sont rapidement déclenchées et évaluées automatiquement, et apparaissent spontanément(Gendron B. , 2016). Métaphoriquement, les émotions sont associées à des couleurs dont le mélange ferait naître des émotions plus complexes.

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4.2.2 Emotions : Définition et fonction

Selon Luminet (2002) l’émotion est un phénomène ou un état relativement bref, qui varie de quelques secondes à quelques minutes. Cet état est provoqué par un stimulus ou par une situation spécifique qui va, comme évoqué ci-dessus, s’accompagner d’une série de modifications cognitives, physiologiques et comportementales, pouvant être variables dans leurs intensités. L'émotion est également désignée comme un ensemble de variations épisodiques dans plusieurs composantes de l'organisme en réponse à des évènements évalués comme importants par l'organisme (Sander & Scherer, 2014). L'émotion est un phénomène multicomponentiel qui se segmente en divers attributs : l'évaluation cognitive de l'élément déclencheur, les réactions motrices, les modifications physiologiques liées au système nerveux autonome, les tendances à l'action et le sentiment plus ou moins conscient qui en ressort (Brasseur, 2013)

Figure 2 : l'émotion : Phénomène multicomponentiel

Les différentes composantes de l'émotion en font un système dont les diverses fonctions sont indispensables à la préservation des êtres humains dans leurs environnements. L'émotion est une source d'information car elle n'apparait seulement que dans des situations pertinentes pour l'individu l'informant sur la réalisation de ses objectifs et sur la satisfaction de ses besoins (Mikolajczak, 2009). Les informations ainsi fournies vont permettre à l'individu de se préparer à une réaction adaptée face à la situation. Ce en quoi l'émotion peux être entendue

Émotion