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C’est l’apparition des domaines ferro´electriques

I. 3. c Mod` ele de Ginzburg-Landau

E

n 1935, Landau, en consid´erant les transitions de phase, remarqua que le passage d’une phase `a une autre s’accompagnait d’un changement de sym´etrie. Le syst`eme perd un ou plusieurs ´el´ements de sym´etrie lors de la transition. Il faut introduire une variable suppl´ementaire extensive pour d´ecrire compl`etement la phase la moins sym´etrique. C’est le param`etre d’ordre de la transition.

Le param`etre d’ordre repr´esente le degr´e de libert´e par rapport auquel la phase la plus sym´etrique devient instable et contrˆole l’apparition des valeurs spontan´ees des autres quantit´es physiques.

La connaissance des valeurs d’´equilibre du param`etre d’ordre d´etermine les phases stables, la forme des anomalies critiques `a Tc0, le couplage entre les diff´erentes grandeurs physiques et l’ordre thermodynamique des transitions [Strukov1998].

Le param`etre d’ordre peut aussi ˆetre d´efini et a un sens physique pour les transitions de phase du premier ordre et les transitions sans brisure de sym´etrie.

En 1945, V. L. Ginzburg propose d’utiliser l’approche de Landau pour d´ecrire la th´eorie de la ferro´electricit´e en utilisant la polarisation P comme param`etre d’ordre : P = 0 dans la phase para´electrique, P 6= 0 dans la phase ferro´electrique.

Fonctionnelle de l’´energie libre

D

ans la th´eorie de Ginzburg-Landau, au voisinage du point de tran-sition, la fonctionnelle de l’´energie libre eΦ(P, 0) peut ˆetre d´ecrite par un d´eveloppement en fonction des puissances du param`etre d’ordre li´e `a la bri-sure de sym´etrie, ici la polarisation, du fait des faibles d´eplacements des ions. [Landau1935, Landau1985].

Il faut noter que ce d´eveloppement en s´erie est valable partout sauf au voisinage de la transition o`u de nombreux termes non analytiques peuvent apparaˆıtre grˆace aux fluctuations. Cependant cet intervalle est tr`es pe-tit dans les ferro´electriques et tr`es difficile `a atteindre exp´erimentalement

[Strukov1998]. Le crit`ere de Ginzburg-Levanyuk permet d’´evaluer ces fluc-tuations mais il semble que la question reste ouverte [Ginzburg2001].

Consid´erons le cas d’un cristal uniaxial dans lequel la position de l’axe ferro´electrique est d´etermin´ee, ici suivant z. L’analyse des ´el´ements de sym´etrie va permettre le choix des termes pr´esents dans la fonctionnelle. Les termes qui peuvent apparaˆıtre sont les invariants du groupe de sym´etrie de la phase para´electrique.

Dans le cristal uniaxial, il y a une ´equivalence ´evidente des d´eplacements des atomes vers le haut (“up”) et vers le bas (“down”) ce qui entraˆıne une invariance de la fonctionnelle d’´energie par la transformation du pa-ram`etre d’ordre P en −P . Il n’existe donc pas de terme d’ordre impair dans le d´eveloppement de la fonctionnelle de l’´energie.

De plus, la polarisation est fonction des coordonn´ees spatiales. Il faut donc prendre en compte les possibilit´es de variation de la polarisation en consid´erant que P = P (x, y, z) est non uniforme. Cette variation spatiale de P implique une contribution ´energ´etique volumique sous la forme d’un gradient de P au carr´e du fait de la sym´etrie d’inversion de la maille para´electrique.

Puisque le param`etre d’ordre est petit pr`es du point de transition, la fonctionnelle eΦ(P ) peut ˆetre d´evelopp´ee en puissance de P avec

e Φ(P, 0) = κk t 2P 2+ b 4P 4+ c 6P 6+κ 2|∇P | 2 (I.13) o`u t = T /Tc0 − 1 repr´esente la temp´erature r´eduite exprim´ee via la

temp´erature critique du mat´eriau massif Tc0, le param`etre κk est exprim´e via la constante para´electrique de Curie C avec : κk = C/Tc0. Le terme

|∇P |2 donne l’´energie de l’´etat non uniforme.

Le signe de t d´etermine le domaine de stabilit´e de la phase ordonn´ee. Lorsque t ≺ 0, la phase ferro´electrique est stable.

Si b ≥ 0, le terme d’ordre 4 fixe la stabilit´e du syst`eme. Dans ce cas, la fonctionnelle peut ˆetre tronqu´ee `a l’ordre 4. La transition est de second ordre, la polarisation ´evolue continˆument de P = 0 `a P 6= 0 (Fig. I.9a)).

Dans le cas contraire, le terme d’ordre 6 doit fixer la stabilit´e du syst`eme ce qui impose c ≥ 0 et la transition est du premier ordre, il y a discontinuit´e de la polarisation `a la transition (Fig. I.9b)).

Fig. I.9 – Variations sch´ematiques du param`etre d’ordre P (T ) dans le cas d’une transition a) de second ordre, b) de premier ordre

Les variations de l’´energie libre en fonction du param`etre d’ordre pour diverses valeurs de la temp´erature sont repr´esent´ees Fig. I.10. La famille avec

b ≥ 0, repr´esent´ee `a gauche, est caract´eristique des transitions du second

ordre : le changement de la valeur stable de la polarisation P (T ) symbolis´e par la boule noire sur le sch´ema est continu au point de transition Tc0.

La famille des transitions avec b ≺ 0, repr´esent´ee `a droite est ca-ract´eristique du premier ordre. Pr`es de Tc0, la fonction eΦ(P, 0) poss`ede, outre le minimum `a P = 0, un autre minimum et un maximum pour des valeurs finies de P . Pour T = Tc0, les deux minimums sont `a la mˆeme ´energie, il y a coexistence des deux phases. Cette propri´et´e est caract´eristique des tran-sitions du premier ordre.

Le cas particulier b = 0 correspond aux ferro´electriques tricritiques [Strukov1998]. Curieusement, beaucoup de mat´eriaux ferro´electriques sont proches de ce cas ce qi soul`eve une question profonde qui m´erite d’ˆetre ´etudi´ee.

On va consid´erer dans la suite le cas b ≥ 0. La g´en´eralisation au cas b ≺ 0 est assez compliqu´ee mais reste possible.

Fig. I.10 – Fonctionnelle de l’´energie libre eΦ(P ) a) pour une transition de second ordre b) pour une transition de premier ordre

´

Equation d’´etat

D

ans le cas des transitions de second ordre, en absence de champ d´epolarisant, l’´equation P = P (E) de l’´etat uniforme est obtenue par la minimisation de la fonctionnelle (I.6) associ´ee `a (I.13)

4πt

κk P + bP

3 = E (I.14) Si T Â Tc0, la fonctionnelle admet un unique ´etat stable correspondant `a P = 0 `a champ nul. Le param`etre d’ordre est nul, la phase est para´electrique.

Lorsque E augmente, la polarisation suit la fameuse loi de Curie pour les ferro´electriques

P = κk

4πtE (I.15) Si T ≺ Tc0, la solution P = 0 est `a rejeter car elle correspond `a un

´equilibre instable. A faible champ, la polarisation augmente lin´eairement,

P = P± κk

avec P± = ±q4π|t|κ

kb qui correspond aux deux ´etats stables `a champ nul. On peut alors exprimer la permittivit´e du syst`eme dans les deux phases

εpara = κk

t , εf erro= −

κk

2 |t| (I.17) En r´ealit´e, le syst`eme sera d´ecompos´e en domaines de polarisation oppos´ee

P+ et P d’´energie ´equivalente.

L’´equation (I.14) donne la S-courbe repr´esent´ee Fig. I.11.

Il est possible de d´eterminer les diff´erentes branches du cycle de polarisation par la r´esolution de cette ´equation du troisi`eme degr´e. Cela peut se faire en utilisant la m´ethode de Cardan [Cardan1545] qui d´etermine alors les trois solutions Pi = 2 3P0 p |t| cos(1 3arccos µ E |Ec| ¶ + 2kπ 3 )) avec k = 0, 1, 2

Fig. I.11 – Evolution de la polarisation en fonction du champ

Le film peut alors se placer dans l’´etat ferro´electrique multi-domaines tant que le champ E est inf´erieur au champ coercitif thermodynamique ±Ec qui

d´epend de la temp´erature t,

Ec=

3kP0|t|

3/2

Exp´erimentalement, les valeurs de champ coercitif (Fig. I.8) sont bien inf´erieures `a la valeur th´eorique Ec et sont de l’ordre de 1kV /cm. Cette diff´erence entre les deux valeurs est attribu´ee au processus de nucl´eation qui n’est pas inclus dans la description thermodynamique.

Jusqu’`a pr´esent, on a consid´er´e le cas d’une couche ´ecrant´ee dans laquelle les ´electrodes fixent le champ E. Dans le cas d’une couche libre (Fig. I.8),

E = −4πP (E) lorsque D est nulle. En ins´erant cette expression dans (I.14),

4πt κk

P + bP3 = −4πP

on obtient la temp´erature critique tc = −κk or κk ∼ 100 − 1000. Cela

im-pliquerait que la temp´erature critique soit inf´erieure `a 0K ce qui est ab-surde. Donc l’approche de Ginzburg-Landau tout comme l’approche lin´eaire (Section I. 3. b ) n’est pas adapt´ee pour d´ecrire la couche libre dans l’´etat ferro´electrique uniforme.

On a consid´er´e pour d´ebuter que le champ d´epolarisant ´etait totalement ´ecrant´e par les charges. Lorsque ce n’est pas le cas, il y a apparition de la structure de domaines et les solutions sont non uniformes. Le mod`ele de Ginzburg-Landau coupl´e aux ´equations ´electrostatiques va permettre d’ob-tenir ces solutions et de d´eterminer l’´evolution des domaines en temp´erature par la prise en compte du champ d´epolarisant.

Il est important de noter que l’´equation d’´etat se traduit dans ce cas sous la forme implicite d’une ´equation variationnelle non locale aux d´eriv´ees partielles obtenue par la minimisation de la fonctionnelle (I.6) associ´ee `a (I.13)

κktP + bP

3+ cP5 − κ∇2P = E (I.18) Cette ´equation a ´et´e propos´ee pour la premi`ere fois par Chensky et Tarasenko [Chensky1982]. Cette approche sera d´etaill´ee au Chapitre II.