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5.2 Mod´elisation analytique

5.2.1 Mod`ele de croissance dendritique analytique

Afin de pouvoir confronter un mod`ele analytique aux exp´eriences, il a fallu adapter un mod`ele extrait de la litt´erature aux conditions du soudage. Les forts gradients et vitesses de solidification du front ainsi que les ´ecoulements doivent ˆetre pris en compte dans le mod`ele.

Le mod`ele utilis´e pour r´ealiser les comparaisons est un mod`ele qui prend pour base celui de Gandin et al. [24]. Ce dernier ajoute au mod`ele KGT une mod´elisation de l’influence des ´ecoulements dans le liquide autour des pointes de dendrites. Une couche limite est alors introduite autour des dendrites, au sein de laquelle les transferts de chaleur et de mati`ere sont consid´er´es comme purement diffusifs. Dans le liquide `a l’ext´erieur de la couche limite, le milieu est consid´er´e comme homog`ene en temp´erature et en concentration de solut´e. L’´ecoulement a alors seulement une influence sur l’´epaisseur de la couche limite δ. C’est la valeur de cette ´epaisseur qui modifie la cin´etique de croissance des dendrites (cf. 1.2.5.2).

Le mod`ele de Gandin et al. est bas´e sur une formulation du crit`ere de stabilit´e marginale valide pour les tr`es petites valeurs de nombre de P´eclet solutal (P eC ≪ 1), ce qui correspond `

a une vitesse de croissance dendritique faible. Dans les pr´esentes conditions de soudage, un rapide calcul du nombre de P´eclet (P eC = 2DR.v

l avec R le rayon de la pointe de dendrite estim´e `

a 1.10−6 m, v la vitesse de croissance dendritique et Dl le coefficient de diffusion du nickel dans l’alliage liquide), montre qu’il est de l’ordre de 3, 5. Il est alors n´ecessaire d’adapter le mod`ele aux conditions du soudage en sortant du cadre de l’hypoth`ese des petits nombres de P´eclet.

Pour adapter le mod`ele de Gandin et al., il faut modifier la premi`ere ´equation du syst`eme d’´equations (1.63) de la partie 1.2.5.2, qui d´ecrit le rayon de pointe de dendrite. Le syst`eme d’´equations `a r´esoudre devient alors :

R = 2π ó Γ mlGClξc− G (5.1) avec : GCl= −Dv l 3 C0(1 − k) 1 − Ω(1 − k) 4 (5.2) ξc = 1 −ñ1 + (P v)2 1 −ñ1 + (P v)2− 2k (5.3) ∆T = ∆TC+ ∆TR= mlC0 3 1 − 1 1 − (1 − k)Ω 4 + R (5.4) avec : Ω = Pvexp(Pv) 3 E1(Pv) − E1 3 Pv 3 1 + R 444 (5.5)

δ = 2R

Sh − 2 (5.6)

avec Γ le coefficient de Gibbs Thomson, mlla pente du liquidus, GClle gradient de concentra-tion de solut´e `a l’interface dans le liquide, ξcun facteur de correction introduit en solidification rapide (cf. 1.2.4), G le gradient de temp´erature `a l’interface, ∆TC la surfusion constitution-nelle, ∆TRla surfusion de courbure, C0 la concentration initiale du mat´eriau, k le coefficient de partage, Ω la sursaturation, Pv = 2DRv le nombre de P´eclet li´e au solut´e, δ l’´epaisseur de la couche limite et Sh le nombre de Sherwood, qui d´epend de la vitesse d’´ecoulement u et de son orientation, donn´e dans la section 1.2.5.2.

Le syst`eme d’´equations est r´esolu num´eriquement de mani`ere `a obtenir la vitesse de crois-sance des dendrites v pour chaque valeur de la surfusion ∆T , en utilisant les donn´ees mat´eriau de l’alliage Cu30Ni ´etudi´e (Tab. 5.1). Le gradient de temp´erature G dans l’´equation (5.1) a ´et´e fix´e `a 300.103 K/m, ce qui correspond aux valeurs maximales mesur´ees au bord de la

ligne de fusion (Fig. 4.9). Une diminution de ce param`etre jusqu’`a la valeur de 100.103 K/m,

qui correspond aux gradients minimum mesur´es `a l’arri`ere du bain, ne change toutefois que tr`es peu les r´esultats, au niveau de la loi de croissance dendritique.

Param`etre Valeur

Coef. de Gibbs Thomson Γ `a T = 1550 K (Km) 8, 1.10−7

Pente du liquidus ml (K/%m.) 3,9

Concentration initiale C0 (%m.) 30

Coefficient de diffusion du nickel dans le liquide Dl (m2/s) 1.10−9

Coefficient de partage k 1,4

Table 5.1 – Donn´ees mat´eriau correspondant `a l’alliage Cu30Ni utilis´ees pour calculer la vitesse de croissance en fonction de la surfusion selon le syst`eme d’´equations 5.1 `a 5.6.

Figure 5.1 – ´Evolution de la vitesse de croissance dendritique en fonction de la surfusion en face du front de solidification suivant le mod`ele de Gandin et al. [24] et suivant le mod`ele modifi´e pour cette ´etude. Les calculs sont r´ealis´es dans la configuration sans ´ecoulements en face du front de solidification, avec les donn´ees du mat´eriau rassembl´ees dans le tableau 5.1.

du mod`ele adapt´e au soudage dans cette ´etude, appliqu´es `a l’alliage de Cu30Ni. Lorsque la surfusion ne d´epasse pas 20 K, la diff´erence entre les deux mod`eles n’est pas significative, ce qui confirme qu’`a petite vitesse de croissance, l’approximation des petits nombres de P´eclet de Gandin et al. est valide. Par contre, pour les grandes valeurs de surfusion (au dessus de 20 K), la loi de croissance qui caract´erise l’´evolution de la vitesse de croissance en fonction de la surfusion, est totalement diff´erente pour les deux mod`eles. La loi de croissance du mod`ele de Gandin et al. croˆıt bien plus rapidement avec la surfusion, si bien qu’apr`es 30 K de surfusion la pente devient quasiment verticale.

Les r´esultats pr´esent´es sur la figure 5.1 peuvent ˆetre mod´elis´es de mani`ere assez fid`ele par des fonctions puissance de type v(∆T ) = a.∆Tn. On obtient alors les coefficients suivants pour les deux mod`eles :

— Mod`ele de Gandin et al. : a = 4, 75.10−10 m.s−1.Kn et n = 4, 94 — Mod`ele adapt´e au soudage : a = 1, 11.10−7 m.s−1.Kn et n = 3, 00

La figure 5.1 repr´esente les r´esultats des mod`eles pour des vitesses d’´ecoulement nulles (u = 0), c’est-`a-dire en configuration de diffusion pure. Dans le mod`ele de Gandin et al., en pr´esence d’un ´ecoulement en face du front de solidification, orient´e dans la mˆeme direction que la croissance, mais dans le sens oppos´e, des variations de la loi de croissance sont enregis-tr´ees (cf. section 1.2.5.2). L’augmentation de la vitesse d’´ecoulement dans le mod`ele adapt´e au soudage modifie aussi la loi de croissance. Quatre lois de croissance, obtenues pour diff´e-rentes vitesses d’´ecoulement, sont repr´esent´ees sur la figure 5.2. Les param`etres des fonctions puissance qui d´ecrivent la variation de v en fonction de ∆T obtenues pour chaque condition d’´ecoulement sont donn´es dans la l´egende de la figure. On remarque que plus la vitesse de l’´ecoulement u est grande, plus la croissance est rapide. Ainsi, pour une surfusion ∆T d’en-viron 40 K, la vitesse de croissance passe de 7 mm/s end’en-viron en l’absence d’´ecoulement `a 8, 5 mm/s environ avec un ´ecoulement de 100 mm/s.

Figure 5.2 – Comparaison de l’´evolution de la vitesse de solidification en fonction de la surfusion en face du front de solidification avec quatre vitesses d’´ecoulement diff´erentes dans le sens oppos´e `a la croissance, calcul´es avec le mod`ele adapt´e pour cette ´etude.

5.2.1.2 Confrontation du mod`ele de croissance avec les r´esultats exp´erimentaux Les mesures de surfusion ∆T r´ealis´ees `a l’arri`ere du bain liquide, lors des exp´eriences sur une ligne de fusion pr´esent´ees au chapitre 4, sont report´ees sur le tableau 5.2. Rappelons qu’`a l’arri`ere du bain liquide, la vitesse de soudage vs correspond `a la vitesse de croissance des dendrites v, puisque les directions de soudage et de croissance sont alors confondues. On peut constater que les surfusions mesur´ees exp´erimentalement augmentent avec la vitesse de croissance des dendrites. D’un point de vue qualitatif, les mesures exp´erimentales de ∆T et

v `a l’arri`ere du bain correspondent donc aux pr´evisions de la loi de croissance extraite du mod`ele (Fig. 5.2).

Type Temp´erature du Surfusion ∆T Vitesse de d’essai front (K) (K) croissance v (mm/s)

1 1478 42 3 1 1430 90 3 2 1466 54 3 2 1433 87 3 3 1289 231 4,3 3 1338 182 4,3

Table 5.2 – Mesures de temp´erature et de vitesse de solidification `a l’arri`ere du bain de fusion en cours de soudage pour les diff´erents essais sur une ligne de fusion (cf. 4.3.2).

Le mod`ele d´ecrit dans la section pr´ec´edente prend en compte les ´ecoulements de la mˆeme mani`ere que celui de Gandin et al. (cf. section 1.2.5.2). Lors des essais exp´erimentaux, l’´ecou-lement observ´e `a proximit´e des dendrites a la mˆeme direction et le mˆeme sens que la croissance dendritique (cf. chapitre 4). Dans ce cas, d’apr`es le mod`ele, la vitesse de croissance devrait ˆetre la mˆeme que dans le cas d’une croissance dendritique sans ´ecoulement. Ainsi, d’apr`es le mod`ele adapt´e au soudage, pour les vitesses de croissance des essais, de 3 mm/s (essais type 1 et 2) et 4, 3 mm/s (essai type 3), la surfusion enregistr´ee au niveau du front devrait ˆetre respectivement de 30 K et 34 K (Fig. 5.1). Les mesures r´ealis´ees au cours des essais type 1 et type 2, correspondant `a une vitesse de 3 mm/s, sont un peu plus ´elev´ees que celles pr´evues par le mod`ele, alors que les mesures de l’essai type 3 (4, 3 mm/s) sont bien plus ´elev´ees (Tab. 5.2). L’augmentation de la surfusion entre ces deux vitesses est de l’ordre de 150 K pour les mesures exp´erimentales, ce qui est bien plus grand que les 4 K pr´evus par le mod`ele.

Les ´ecarts entre mod´elisation et exp´erience ne sont pas r´eduits si l’on prend en compte l’´ecoulement, en supposant que seule sa vitesse, et non son sens, influe sur la vitesse de croissance, ce qui peut se justifier par le fait que le sens de l’´ecoulement change de la face sup´erieure, o`u il est oppos´e au sens de croissance, `a la face envers, o`u il devient identique au sens de croissance. En effet, un fort ´ecoulement de 0, 1 m/s, du mˆeme ordre que ce qui est mesur´e exp´erimentalement pour l’essai type 3 (cf. Fig. 4.14), arrivant dans le sens oppos´e au sens de croissance, donnerait d’apr`es le mod`ele des valeurs de surfusion d’environ 4 K inf´erieures `a celles calcul´ees sans ´ecoulement (Fig. 5.2).

Afin d’expliquer ces diff´erences entre r´esultats du mod`ele analytique et valeurs exp´eri-mentales, une autre piste est envisageable. Nous avons observ´e que le liquide semble traverser les canaux liquides s´eparant les dendrites colonnaires de la zone semi-solide, depuis la face sup´erieure vers la face envers. Ce liquide, qui a ´et´e au contact des “pieds” de dendrites, s’est probablement appauvri en nickel, ce qui fait que la diff´erence de concentration en nickel entre le solide qui se forme au niveau des pointes de dendrites et le liquide qui revient des

profon-deurs des canaux liquides est tr`es ´elev´ee (cf. 4.4.3). Ce ph´enom`ene pourrait se traduire par une augmentation du coefficient de partage k. Ce coefficient a d´ej`a ´et´e modifi´e en fonction de la vitesse de croissance par Aziz [19], pour prendre en compte l’´ecart de composition du solide form´e par rapport `a la composition d’´equilibre dans le cas de la solidification rapide (cf. partie 1.2.4). En augmentant le coefficient de partage k de la valeur 1, 4, valeur du Cu30Ni `a l’´equilibre, `a la valeur de 2, 2, qui correspond au rapport entre la concentration en nickel du solide `a la temp´erature de liquidus (pointes de dendrites) et celle du liquide `a la temp´erature de solidus (canaux liquides en pieds de dendrites, cf. Fig. 2.22), la surfusion constitutionnelle, pour une mˆeme vitesse de croissance, devrait ˆetre plus grande.

La figure 5.3 montre une comparaison des courbes d’´evolution de la vitesse de croissance en fonction de la surfusion, obtenues avec le mod`ele de Gandin et al. et le mod`ele modifi´e de cette ´etude avec un coefficient de partage k ´egale `a 1, 4 ou 2, 2, en consid´erant la vitesse d’´ecoulement nulle. On voit sur cette figure que l’augmentation du coefficient k permet de ralentir la croissance, et donc pour une mˆeme vitesse de croissance conduit `a une surfusion plus ´elev´ee. Pour une vitesse de 4, 3 mm/s, on obtient ainsi en augmentant le coefficient de partage une surfusion de 56 K, ce qui se rapproche, en restant toutefois bien en dessous, des valeurs de surfusion mesur´ees lors des essais de type 3. La valeur de surfusion donn´ee par le mod`ele pour une vitesse de croissance de 3 mm/s est alors de 50 K, un peu inf´erieure aux valeurs de surfusion moyennes mesur´ees lors des essais de type 1 et 2.

Figure 5.3 – ´Evolution de la vitesse de croissance dendritique en fonction de la surfusion en face du front de solidification selon le mod`ele de Gandin et al. [24], et selon le mod`ele adapt´e pour cette ´etude avec un coefficient de partage k ´egal `a 1, 4 et 2, 2. Les calculs sont r´ealis´e dans la configuration sans ´ecoulements en face du front de solidification.

Rappelons aussi que les valeurs de surfusion mesur´ees exp´erimentalement ont ´et´e obte-nues avec des m´ethodes qui pr´esentaient de fortes incertitudes de mesures, ce qui peut aussi expliquer une partie des ´ecarts observ´es entre simulation et exp´erience.

L’augmentation du param`etre k, pour simuler un ´ecoulement de liquide appauvri en solut´e, permet donc de ralentir la loi de croissance dendritique des bras primaires. Cette m´ethode peut aussi s’appliquer pour la croissance des bras secondaires de dendrites. Le nombre de P´eclet solutal P es,loc, mesur´e lors des essais du chapitre 4 `a l’´echelle des bras de dendrites (cf. Tab.

4.7), est en effet assez ´elev´e, indiquant l’importance du transfert de mati`ere par convection dans cette zone. Pour affiner cette mod´elisation, une loi d´ecrivant l’´evolution du coefficient de partage k en fonction des caract´eristiques de l’´ecoulement pourrait ˆetre recherch´ee.