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1.2 La solidification

1.2.5 Influence des ´ecoulements sur la solidification

On sait par exp´erience que les ´ecoulements dans le liquide ont une influence sur la soli-dification des alliages. Par exemple, lors de la coul´ee continue entre cylindres (proc´ed´e “twin roll casting”), on peut observer que l’´ecoulement modifie l’orientation des grains [1, 20].

La modification des conditions de transfert de solut´e `a l’interface solide/liquide des den-drites a une influence directe sur la vitesse de croissance des bras de denden-drites. Une exp´erience de solidification lente avec ´ecoulement forc´e r´ealis´ee par Boden et al. [21] a montr´e aussi l’ef-fet de l’´ecoulement sur la solidification. L’´ecoulement forc´e parall`ele au front de solidification chasse le liquide enrichi en solut´e au niveau du front, pour ramener du liquide homog`ene. Ceci a pour cons´equence l’acc´el´eration de la croissance des bras primaires des dendrites co-lonnaires, ainsi que des bras secondaires qui font face `a l’´ecoulement. Les dendrites ne sont alors plus sym´etriques (Fig. 1.17). Cet effet de dissym´etrie dˆu `a l’´ecoulement est aussi rapport´e par Dantzig et Rappaz [1], qui observent que les bras de dendrites se d´eveloppent toujours

pr´ef´erentiellement dans la direction faisant face `a l’´ecoulement. (Fig. 1.18).

Figure 1.17 – Solidification dendritique d’un alliage indium-gallium sous un ´ecou-lement de gauche `a droite visualis´e par rayons X [21].

Figure 1.18 – Image d’un grain ´equiaxe d’un cristal de N H4Cl pr´esentant une

croissance pr´ef´erentielle vers le bas `a cause de l’´ecoulement du bas vers le haut dans lequel il est plong´e. Le vecteur g repr´e-sente l’acc´el´eration de la pesanteur. L’´ecou-lement est g´en´er´e par la chute par gravit´e du grain en pleine croissance [1].

1.2.5.2 Mod`eles analytiques de solidification avec convection forc´ee

D`es lors que les mouvements de convection dans le liquide sont ajout´es aux autres ph´e-nom`enes pris en compte lors de la mod´elisation de la solidification, la r´esolution du probl`eme devient tr`es complexe. Il est alors pratiquement obligatoire d’avoir recours `a des simulations num´eriques pour d´eterminer l’influence des ´ecoulements sur la solidification, en utilisant par exemple la m´ethode du champ de phase. N´eanmoins, quelques mod`eles analytiques existent. Pour introduire l’effet de l’´ecoulement sur l’´evolution du champ de concentration en solut´e, Ananth et Gill [22] proposent la relation suivante pour exprimer la sursaturation ΩAG autour d’une dendrite croissant `a la vitesse v dans un fluide soumis `a un ´ecoulement de Stokes, s’´ecoulant `a la vitesse u :AG = 2Pv Ú 1 exp[−ln(η)+(1−η2)PvE 2Pv 1((Pu+ Pv)/Sc)(1−η2+(1+η2)ln(η))]dη (1.49) avec : Pv= Rv 2Dl (1.50) Pu = Ru 2Dl (1.51) Sc = ν Dl (1.52) E1(u) = Ú u exp(−s) s ds (1.53)

Avec R le rayon de la pointe de dendrite, Dl le coefficient de diffusion du solut´e dans le liquide, ν la viscosit´e cin´ematique, v la vitesse de la pointe de dendrite, u la vitesse de l’´ecoulement par rapport `a la pointe de dendrite, Pu correspondant au nombre de P´eclet prenant en compte la vitesse u, Pv correspondant au nombre de P´eclet prenant en compte la vitesse v, et Sc le nombre de Schmidt.

Wang et Beckermann [23] proposent une autre relation pour calculer la sursaturation ΩW B, qu’ils identifient grˆace aux r´esultats exp´erimentaux de Huang et Glicksman :

Pv = a 3W B 1 − ΩW B 4b (1.54) avec : a = 0, 4567 + 0, 253Pu0,55 (1.55) b = 1, 195 − 0, 162Pu0,16 (1.56) Les deux mod`eles donnent des r´esultats proches (Fig. 1.20), cependant ils ne tiennent pas compte de la direction de l’´ecoulement par rapport `a la direction de croissance des dendrites.

(a) (b)

Figure 1.19 – (a) Comparaison des mod`eles analytiques de solidification d’Ananth et Gill et de Wang et Beckermann avec le mod`ele de Gandin et al. pour un ´ecoulement oppos´e `a la direction de croissance (θ = 180o

), donnant la variation de la vitesse de croissance dendritique

v avec la surfusion ∆T pour diff´erentes vitesses d’´ecoulement u, (b) comparaison de la valeur

des vitesses de croissance vx et vy en fonction de l’angle de l’´ecoulement θ d’apr`es le mod`ele de Gandin et al., avec et sans ´ecoulement, pour deux valeurs de surfusion ∆T [24].

La mod´elisation propos´ee par Gandin et al. [24], inspir´ee du mod`ele de Cantor et Vogel [25], fait quand `a elle intervenir la vitesse de l’´ecoulement et son orientation. Gandin introduit une couche limite dans le liquide au contact de l’interface de solidification dans laquelle il n’y a pas de convection. Alors que la partie liquide situ´ee `a l’ext´erieure de cette couche limite est consid´er´ee comme compl`etement homog´en´eis´ee par la convection, le liquide `a l’int´erieur de la couche limite est r´egi par les m´ecanismes de conduction et diffusion. Seule la taille de la couche limite peut varier en fonction de la direction et de l’intensit´e de l’´ecoulement.

Ω = Pvexp(Pv)(E1(Pv) − E1(Pv(1 +

R))) (1.57)

Par rapport au mod`ele classique de sursaturation (1.24), on trouve un terme en plus incluant l’´epaisseur de la couche limite δ. Cette ´epaisseur est reli´ee au nombre de Sherwood

Sh par la relation :

δ = 2R

Sh − 2 (1.58)

Le nombre de Sherwood ´etant lui-mˆeme reli´e au nombre de Reynolds Re et au nombre de Schmidt Sc par la relation :

Sh = 2 + AReBScCf (θ) (1.59) Re = 2Ru v = 4 Pu Sc (1.60) Sc = ν Dl (1.61)

avec f (θ) = sin(θ/2) la fonction prenant en compte l’orientation de l’´ecoulement par rapport au front de solidification (θ ´etant l’angle entre la direction de l’´ecoulement et la direction de la croissance, θ = 0 correspondant `a un ´ecoulement dans le mˆeme sens que le sens de croissance des dendrites).

Les coefficients A, B et C sont identifi´es en minimisant la diff´erence entre l’´equation (1.49) et l’´equation suivante pour θ = π :

Ω = Pvexp(Pv)(E1(Pv) − E1(Pv(1 + 4

AReBScCsin(θ/2))) (1.62) A = 0, 5773

B = 0, 6596 C = 0, 5249

La r´esolution permettant de trouver les diff´erents coefficients A, B et C est faite pour des valeurs de Pv ∈ [10−4; 10], de Pu∈ [10−2; 10] et de Sc ∈ [50; 500].

La sursaturation permet d’exprimer la surfusion constitutionnelle ∆Tc (cf eq. 1.28 et 1.29). Par la suite, Gandin et al. trouvent la d´ependance de la vitesse de croissance avec la surfusion, correspondant `a une loi de croissance, en r´esolvant le syst`eme de deux ´equations `

a deux inconnues (eq. 1.63) correspondant `a l’´equation issue du crit`ere de stabilit´e marginal d´ej`a ´evoqu´e dans la section 1.2.3.2 et `a l’´equation de la surfusion, en n´egligeant la surfusion thermique et cin´etique : R2v = DlΓ σmlC0(k0− 1) ∆T = ∆TC+ ∆TR= mlC0 3 1 − 1 1 − (1 − k)Ω 4 + R (1.63)

avec Γ le coefficient de Gibbs-Thomson, ml, C0 et k respectivement la pente du liquidus de l’alliage, la concentration en solut´e du liquide et le coefficient de partage et Ω pris dans l’´equation (1.62).

Gandin met en ´evidence `a l’aide de ce mod`ele analytique que la vitesse et l’orientation de l’´ecoulement par rapport `a la direction de croissance des dendrites ont une influence sur la vitesse de solidification (Fig. 1.19).

La figure 1.19 montre que si la direction de croissance des dendrites et la direction de l’´ecoulement sont confondues (θ = 0), le flux n’a aucune influence sur la solidification. Par contre, avec un angle θ entre la direction de croissance et la direction de l’´ecoulement de 180o, donc un ´ecoulement dans le sens oppos´e `a la direction de croissance, la vitesse de croissance des dendrites est augment´ee. De plus, on remarque que plus la vitesse d’´ecoulement est grande, plus la vitesse de croissance des dendrites augmente. La comparaison avec l’exp´erience montre une assez bonne corr´elation avec les r´esultats issus du mod`ele, hormis pour des angles θ compris entre -45 degr´es et 45 degr´es.

Figure1.20 – Comparaison des r´esultats fournis par le mod`ele de Gandin et al. (en pointill´es longs) et de ceux fournis par les mod`eles de Ananth et Gill et de Wang et Beckermann, donnant l’´evolution de la sursaturation en fonction du nombre de P´eclet, pour un nombre de Schmidt ´egal `a 50 `a gauche et pour un nombre de Schmidt ´egal `a 500 `a droite [24].

Le mˆeme genre de mod`ele est utilis´e par Takatani et al. pour calculer une loi de croissance dendritique en tenant compte des ´ecoulements [20]. Mais au lieu d’agir sur la sursaturation Ω comme dans le mod`ele pr´ec´edent, la loi de croissance est modifi´ee directement en y multipliant une fonction F qui d´epend de la vitesse u et de l’angle θ de l’´ecoulement :

v(∆T, u, θ) = F (u, θ).v0(∆T ) (1.64) avec ∆T la surfusion et v0 la loi de croissance de l’alliage dans le cas sans ´ecoulements. La fonction F s’exprime comme suit :

F (u, θ) = 1 + katanh(kbu).(ε − cos(θ)) (1.65) avec ε un facteur d’asym´etrie par rapport `a l’axe des abscisses et ka est un param`etre de saturation qui d´ecrit l’effet maximum d’un ´ecoulement et kb d´efinit la force de la transition de l’influence entre un ´ecoulement dans le sens de la croissance et un ´ecoulement dans le sens oppos´e.

Galenko [26] a ´egalement propos´e un mod`ele de croissance, mais pour un corps pur dans un liquide surfondu soumis `a des mouvements de convection forc´ee. Il s’est bas´e sur les travaux de Benamar, Bouissou et Pelce [27] qui proposent une solution analytique d´ecrivant la forme de l’interface solide/liquide d’une pointe de dendrite croissant dans un ´ecoulement

forc´e. S’agissant d’un compos´e pur, le nickel, le mod`ele ne prend pas en compte la surfusion constitutionnelle, mais sa comparaison avec les r´esultats d’une exp´erience de solidification en l´evitation magn´etique (EML, Electro Magnetic Levitation) montre que le mod`ele fournit des vitesses de croissance repr´esentatives, surtout dans le cas d’une solidification rapide aux alentours de 10 m/s.

Le mˆeme mod`ele a ´et´e appliqu´e `a des alliages binaires de nickel contenant 0, 1%, 0, 2% et 1% atomique de zirconium [28], et a montr´e l`a encore une bonne corr´elation avec les exp´eriences de solidification EML. Les r´esultats issus de ces mod´elisations ont notamment montr´e que la croissance des dendrites ´etait pilot´ee par le gradient de solut´e pour les faibles vitesses de croissance, et par le gradient thermique `a grande vitesse de solidification du fait de l’emprisonnement du solut´e en solidification rapide.