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Chapitre 7 : Discussion générale

7.2 Propositions pour une lutte plus efficace

7.2.3 Modélisation et concept de "diagnostic entomologique"

L'accroissement des résistances aux insecticides (Article 1), la multiplication des comportements d'évitement (Govella and Ferguson 2012)(Article 8), et l'absence de nouvelles classes d'insecticides soulignent la nécessité d'employer les outils de LAV basés sur des insecticides de manière non exclusive, mesurée et ciblée avec le soucis de préserver leur efficacité. Ainsi, qu'il s'agisse de méthodes de LAV existantes ou de celles qui compléteront dans le futur l'arsenal des PNLP, le choix et l'implémentation de certaines d'entre-elles devrait succéder à un diagnostic entomologique précis du territoire ciblé (Manguin 2009). Nos

travaux ont montré que la diversité spécifique des populations de vecteurs était à l'origine de nombreux obstacles à l'efficacité de la LAV. En effet, les différentes espèces possèdent des caractéristiques intrinsèques qui les rendent plus ou moins sensibles à la lutte et sont capables de développer des stratégies différentes pour en réchapper. En conséquence, le diagnostic entomologique devrait permettre de savoir, en premier lieu, quelles sont les espèces vectrices présentes et quelle est leur distribution spatio-temporelle. Comme nos travaux l'ont montré, la modélisation du contact hôte-vecteur comme outil de prédiction spatio-temporelle peut y répondre. L'échelle pertinente de ce diagnostic semble être le village puisque nous avons vu que la diversité des vecteurs pouvait beaucoup varier à une échelle micro-géographique (§ 4.2).

Puisque les différentes espèces vectrices possèdent un certain nombre de caractéristiques spécifiques, notamment du point de vue des mécanismes de résistance qu'elles sont susceptibles de posséder ou de développer, des cartes de distribution des espèces pourraient constituer des indicateurs pertinents de l'efficacité potentielle des méthodes de LAV et des risques d'échec de celles-ci en un lieu donné. Malheureusement, en raison de son statut de vecteur majeur en Afrique et de la relative facilité à l'élever en insectarium, An.

gambiae s.s. est l'objet de toutes les attentions pour l'étude de la résistance et du

comportement. Des études doivent donc être poursuivies sur les autres espèces de vecteurs pour garantir l'efficacité des méthodes de LAV dans des contextes environnementaux changeant.

Le but ultime de la LAV est d'interrompre la transmission du Plasmodium et les indicateurs entomologiques de la transmission (la taux d'inoculation entomologique h et la capacité vectorielle C) sont donc les indicateurs théoriquement les plus pertinents pour le choix et l'évaluation des méthodes de LAV (The malERA Consultative Group on Vector Control 2011). Ces indicateurs sont basés sur les densités de vecteurs (Garrett-Jones 1964, Macdonald 1957, Ross 1911) et un modèle visant à prédire dans l'espace et dans le temps ces densités tel que celui développé dans nos travaux pourrait être intégré dans un modèle mathématique de la transmission. Cependant, d'autres paramètres entomologiques, qui doivent être estimés, interviennent dans le calcul de ces indicateurs (s pour le calcul de h ; a et p pour

le calcul de C)20. Les variations spatio-temporelles des ces paramètres sont méconnues et complexes et diffèrent selon les espèces vectrices. Par exemple, s peut être estimé en connaissant la proportion d'hôtes humains infectieux (prévalence) et la compétence vectorielle du vecteur étudié (Killeen et al. 2000). Cependant, considérant la variabilité locale de la prévalence du paludisme (Damien et al. 2011) et la résolution à laquelle cette donnée est disponible (districts sanitaires) et, considérant le peu de connaissance sur la compétence vectorielle des différentes espèces et formes sous-spécifiques de vecteurs (Cohuet et al. 2010), l'estimation précise de s apparait difficile. Le taux de survie p influence considérablement la valeur de C (Cf. § 1.4.2). Or, p peut-être estimé indirectement connaissant s (Graves et al. 1990) qui, nous l'avons vu, ne peut être estimé précisément... Dans l'état actuel des connaissances et étant donné le cumul d'imprécisions entachant le calcul des indicateurs de transmission, ces derniers ne peuvent être utilisés pour un diagnostic entomologique à haute résolution spatiale tel que nous le proposons dans ces travaux. Le corolaire de cette observation est que des investigations visant à améliorer l’estimation des paramètres entrant dans le calcul de h et C sont nécessaires à l’utilisation pertinente de ces indicateurs de transmission.

Dans le contexte africain d'accroissement généralisé des différents mécanismes de résistance dans les populations de vecteurs et dans des contextes épidémiologiques faisant intervenir plusieurs espèces, des outils doivent être mis à disposition des PNLP (basés sur les SIG par exemple) pour leur permettre de définir les méthodes de LAV susceptibles d'obtenir la meilleure efficacité. Des cartographies nationales à haute résolution de la distribution et de la densité des vecteurs associée à une meilleure connaissance des mécanismes de résistance et du comportement des différentes espèces de vecteurs, constitueraient des outils prospectifs puissants pour l'élaboration de diagnostics entomologiques et pour le choix des méthodes de LAV à implémenter.

Pour conclure, notons que même en améliorant considérablement l’efficacité des méthodes de lutte, leur seul usage ne permettra probablement pas d’atteindre les seuils requis pour interrompre durablement la transmission (The malERA Consultative Group on Vector Control 2011). Ainsi, la lutte contre le paludisme ne peut reposer uniquement sur la lutte anti- vectorielle. En attendant la mise au point d’un vaccin efficace contre le paludisme (The

20 s est l’indice sporozoïtique, h le TIE, a la préférence trophique, p le taux de survie et C la capacité vectorielle. Cf. § 1.4.2.

malERA Consultative Group on Vaccines 2011), des progrès en matière de diagnostique et de prise en charge des malades doivent également être réalisés pour que la lutte intégrée contre le paludisme permette à moyen terme d'endiguer le fléau sur le continent africain.