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1.4.1 Compétence vectorielle et définition d'un vecteur infectant

Toutes les espèces et/ou souches d'anophèles n'ont pas la même capacité à transmettre une espèce de Plasmodium à l'homme. Par exemple, une étude récente a montré que la forme moléculaire S de Anopheles gambiae s.s. était plus susceptible à l'infection par P. falciparum que la forme M ou An. arabiensis (Ndiath et al. 2011). Un certain nombre de facteurs intrinsèques (génétiques, immunitaires...) régulent la susceptibilité du vecteur à l'infection, à la multiplication et à la transmission du parasite (Dye 1992, Tran et al. 2005). Cette aptitude intrinsèque du vecteur à s'infecter, à assurer le développement du plasmodium et à le transmettre est appelée compétence vectorielle (Fontenille et al. 2009).

Un vecteur devient infectant lorsque ses glandes salivaires sont atteintes par des sporozoïtes de Plasmodium. La réalisation de l'inoculation de sporozoïtes à un hôte est conditionné à la fois par la longévité du vecteur et par la durée du cycle extrinsèque du

Plasmodium (cf. § 1.1.1). Pour qu'il y ait transmission, la longévité du vecteur après la prise

d'un repas sanguin infectant doit être supérieure à la durée du cycle extrinsèque. Considérons une durée du cycle sporogonique de P. falciparum de 10 jours (à 27°C sur la base de la formule de Molineaux et al. (1988)) et une durée du cycle gonotrophique d'An. gambiae de 3

jours. Si le premier repas sanguin (à J3) est infectant, les trois suivants (à J6, J9 et J12) ne permettront pas l'inoculation de sporozoïtes à l'hôte puisque le cycle sporogonique ne sera pas achevé. Toutes les piqûres que fera ensuite cet anophèle seront potentiellement infectantes. Si cet anophèle meure à J22, il aura eu le temps de piquer encore 3 fois à J15, J18 et J21. On comprend ici l'importance que revêt la longévité des vecteurs dans la transmission.

1.4.2 Indicateurs entomologiques de la transmission

Le Taux d'Inoculation Entomologiques (TIE) est le nombre moyen de piqûres d'anophèles infectés reçu par un sujet humain en une nuit. Noté h par Ronald Ross (1911) qui en a décrit la formule, le TIE est le produit de l'agressivité (ma, cf. § 1.3.1) et de la proportion s d'anophèles infectés :

h = ma s

La proportion d'anophèles infectés s peut être estimée par dissection (recherche de sporozoïtes dans les glandes salivaires), par détection de l'antigène circumsporozoïtaire (méthode ELISA-CSP) ou par recherche d'ADN de Plasmodium (méthode PCR). Le TIE n'est pas toujours estimé pour une nuit, en effet, des TIE mensuels ou annuels sont souvent calculés.

La capacité vectorielle (C), qui a été décrite par Garrett-Jones (1964) correspond au nombre de piqûres potentiellement infectantes qu’une population de vecteurs est susceptible de générer à partir d'un hôte infectant par unité de temps. Sa formule est la suivante :

p p

ma

C ==== 2 n/−−−−ln

Où ma est l'agressivité (nombre de vecteurs par hôte par unité de temps), a est le nombre de repas sanguins pris quotidiennement sur l'homme par un anophèle, m la densité de vecteurs pour un hôte, p est la probabilité quotidienne de survie des vecteurs et n est la durée de la sporogonie. Comme on l'a vu précédemment, ma peut être estimé par capture (§ 1.3.1). La fréquence des repas sanguins sur homme a est le rapport du taux de préférence trophique sur la durée du cycle gonotrophique (d). Le taux de préférence trophique pouvant être estimé par l'analyse des repas sanguins de la population étudiée. La durée d varie en fonction de la température et de l'humidité. C'est en fonction de ces deux paramètres qu'une formule a été établie par Detinova (1962) pour estimer cette durée, sur la base d'observations de An.

maculipennis, un vecteur des zones paléarctiques. La durée d peut également être déterminée

Le taux de survie journalier p peut être estimé en élevant le taux de parturité (proportion de femelles pares) à la puissance 1/d. Dans la formule de C, p est élevé à la puissance n (durée de la sporogonie) qui est fonction de la température (Figure 4). Comme l'ont fait remarqué Garret-Jones et Shidrawi (Garret-Jones and Shidrawi 1969), le fait d'élever p à la puissance n requiert une estimation précise de p (et donc du taux de parturité), sans quoi la valeur de C calculée sera d'une faible précision. Ceci constitue une des limites de l'estimation de C puisque De Meillon et al. (1967) ont montré l'imprécision de la mesure du taux de parturité, notamment lorsqu'il est calculé sur la base de petits effectifs (Figure 10).

Figure 10 : Intervalles de confiance de la mesure du taux de parturité en fonction de l'effectif testé (in De Meillon et al. (1967))

Prenons le cas où 200 femelles sont capturées, parmi lesquelles 140 sont pares. Le taux de parturité est donc de 0,7 avec un intervalle de confiance à 95% qui s'étend de 0,63 à 0,76. Le calcule de C pour ces taux de parturité (0,7 ; 0,63 et 0,76) avec d = 1,92 (d'après Detinova (1962) à 27°C et avec une humidité relative >90%) , n = 10 (pour P. falciparum à 27°C selon Molineaux et al. (1988)), a = 0.52 (= 1/d) et ma = 10, est présenté dans le Tableau 1. Ainsi, dans ce cas, l'intervalle de confiance de C est très large : [1,95 ; 8,73]. On comprend donc ici les limites de l'usage de la capacité vectorielle, notamment lorsque celle-ci est calculée sur la base de taux de parturité observés sur de petits effectifs. C'est pourquoi il peut être préférable, pour l'étude du risque de transmission, de privilégier l'usage d'indicateurs

moins pertinents en termes de transmission mais plus précis dans leur estimation tels que l'agressivité et dans une moindre mesure le TIE.

Tableau 1 : Variabilité de la capacité vectorielle pour un même taux de parturité

Taux de parturité Capacité vectorielle$

Borne inférieur de l'IC95§ 0.63 1.95

Valeur mesurée 0,7 4.38

Borne supérieur de l'IC95§ 0,76 8.73

§

IC95 : intervalle de confiance 95% pour un taux mesuré sur 200 individus (Cf. Figure 10) $

calculée avec GC=1.92; n=10, a=0.52 et ma=10

Ces indicateurs ont été développés et parfois complexifiés (Macdonald 1957, Molineaux and Gramiccia 1980, Smith et al. 2007) dans le but d'établir des diagnostics épidémiologiques et de mesurer les effets de méthodes de lutte contre le paludisme. Ces méthodes de luttes reposent sur deux piliers, (i) les traitements antipaludéens qui visent à réduire la mortalité et la morbidité palustre (Cf. Mouchet et al. (2004) pour une description détaillée) et (ii) la lutte contre les vecteurs dont les objectifs, l'histoire et les méthodes sont décrites dans les paragraphes suivant.