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Chapitre 4 : Analyse de la situation précédant l'essai clinique

5.4 Modélisation spécifique du contact homme-vecteur

5.4.1 Modélisation des données de présence/absence

Article 7: Modelling the risk of being bitten by malaria vectors in a vector control area in

south Benin, West Africa

Moiroux N., Bangana A.S.B., Djènontin A., Chandre F., Corbel V., Guis H. Parasites & Vectors (Submitted) 2013

Résumé

Cette première partie de l'analyse par espèce s'est consacrée à l’étude des déterminants de la distribution spatio-temporelle de An. funestus (AF) et des formes moléculaires M et S de

An. gambiae (AGM et AGS) dans la zone d'étude (OKT). Puisque l'image SPOT utilisée pour

décrire l'utilisation des sols et le paysage ne couvrait pas l'ensemble des villages de l'essai (Cf. § 5.2.3.1), ces travaux ont pu être réalisés sur 19 villages (70 % de couverture).

Nous avons utilisé des modèles binomiaux à effets mixtes pour analyser des données de présence-absence issue des CSH réalisées dans le cadre de l'essai durant l'année 2009, en fonction de covariables descriptives de l'environnement, dérivées d'image satellites et d'enquêtes de terrain. L'effet des méthodes de lutte sur la probabilité de présence des trois vecteurs a également été évalué. Les modèles multivariés obtenus ont été validés puis utilisés pour produire des cartes du risque d'être piqué par un vecteur de Plasmodium dans la zone.

La validation des modèles par validation croisée indique que nos modèles prédisaient

respectivement de manière "excellente", "bonne" et "acceptable" les probabilités de présence d'AF, AGM et AGS.

La relation forte entre la probabilité de présence d'AF avec la présence d'eau de surface et de sols hydromorphes confirme la préférence de cette espèce pour les gîtes larvaires permanents et semi-permanents. Sa probabilité de présence variait significativement avec les variables ayant une dimension temporelle (précipitations, températures, NDVI) même si ceci ne s'est pas traduit par d'importantes différences d'aires de distribution entre la saison sèche et la saison pluvieuse.

En revanche, AGM était moins dépendant des zones humides permanentes que ce que l'on aurait pu attendre d’après la littérature (Costantini et al. 2009, Gimonneau et al. 2011, Simard et al. 2009). Il apparaît que cette espèce soit, dans cette zone, dépendante de zones humides et de gîtes larvaires semi-permanents ou temporaires tel que semblent le montrer les relations positives entre sa probabilité de présence et les surfaces de sols hydromorphes ou non végétalisés et la relation négative avec la fréquence des précipitions (qui pourrait traduire une sensibilité au lessivage des gîtes). Combiné avec une forte sensibilité aux variations de températures et de cumuls de précipitations, ceci entraîne un accroissement important de son aire de distribution durant la saison des pluies.

AGS qui se situe, dans cette zone, à la limite de son aire de distribution géographique

nationale (Djogbenou et al. 2010), était distribué dans les zones les plus « continentales »14 de

la zone d'étude. La relation avec les surfaces de sols hydromorphes ou avec la longueur de pistes semble confirmer son affection pour des gîtes temporaires.

La diversité des données de températures utilisées dans cette étude a montré la complexité des relations entre ce type de données et la présence des vecteurs. Notons cependant, que des données de température enregistrées deux semaines avant les captures (c'est à dire pendant une période influençant la vie larvaire) se sont révélées prédictives de la présence des trois espèces d’anophèles.

La relation positive observée entre les probabilités de présence d'AGM et d'AGS capturés par CSH et le nombre ou la présence de gîtes domestiques positifs à Anopheles sp. semble suggérer qu'une partie de la transmission pourrait être assurée par des moustiques issus de gîtes utilisés pour le stockage d'eau dans les villages et les maisons.

Par ailleurs, nous avons également observé que la probabilité de présence d'AF et d'AGM était plus grande dans les villages composés de plusieurs quartiers. Notre interprétation de cette observation est qu'une plus grande dispersion des habitations pourrait augmenter l'aire d'attraction de ces villages.

En regardant le comportement de la variable « intervention », nous avons noté que la probabilité de présence d'AF était plus faible dans les villages ayant reçu la combinaison MIU+BMI ce qui pourrait indiquer une certaine efficacité de cette méthode de lutte contre cette espèce. A l'inverse, une augmentation de probabilité de présence d'AGM et AGS était observée dans les villages ayant reçu les MI en couverture universelle (seules ou en combinaison avec des BMI) par rapport à ceux ayant reçu une couverture sélective. Malgré

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une probabilité à la limite de la significativité (>0.01), nous avons formulé trois hypothèses pour expliquer cette situation :

- si cette augmentation est réelle, cela signifie que les vecteurs des villages ayant reçu cette

intervention ont acquis un avantage leur ayant permis d'accroître la taille de leur population. Il est peu probable que cela provienne d’une résistance accrue aux insecticides pyréthrinoïdes dans les populations sauvages puisque les fréquences alléliques du gène kdr n'étaient pas différentes entre les groupes de villages constituant les différentes interventions (Article 3).

- l'augmentation pourrait être due au hasard de l'échantillonnage et ainsi refléter une

situation environnementale favorable à la présence de ce vecteur dans la majorité des villages ayant reçu cette intervention. Ceci signifierait donc qu'une variable très corrélée avec les villages ayant reçu cette intervention et explicative d'une forte probabilité de présence des deux formes M et S n'ait pas été prise en compte dans les modèles statistiques. Cette interprétation nous semble également peu probable car les modèles prédictifs ont présenté de bons résultats de validation.

- cette augmentation pourrait donc être « virtuelle » et liée à une surexposition des

captureurs. C'est l'interprétation que nous privilégions car les plus forts taux d'utilisation des MI observés dans ces villages ont pu contribuer à détourner une partie des vecteurs vers (i) des hôtes alternatifs tels que les animaux (bovins) comme le suggère le modèle AGM ou (ii) des humains non protégés par des MI (tels que les captureurs).

Pour conclure ce paragraphe, ces travaux nous ont permis de décrire les conditions environnementales nécessaires à la présence des trois vecteurs majeurs de Plasmodium au Bénin et d’évaluer indirectement l'impact des méthodes de LAV sur la probabilité de présence de chacune des espèces. La validation des modèles a permis de montrer la qualité de leurs capacités de prédiction et les cartes qui en ont résulté nous ont permis d'appréhender les variations saisonnières des distributions de ces vecteurs.