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Les travaux de modélisation présentés au chapitre précédant ont montré que AGM et AGS étaient capturés plus souvent à l’extérieur des habitations alors qu'en phase pré- intervention, ces deux formes moléculaires ne présentaient pas de préférences comportementales en termes d'endophagie (§ 4.2.1). Anopheles funestus, qui était majoritairement endophage avant la mise en place des interventions n'a plus semblé montrer cette préférence en phase post-intervention. Ces observations semblent indiquer un accroissement de l’exophagie chez ces vecteurs qui pourrait résulter de l’implémentation des méthodes de LAV. En effet, des résistances comportementales qui permettent aux vecteurs de

Plasmodium d'éviter le contact avec les insecticides ont été rapportées à plusieurs reprises en

Afrique (Geissbuhler et al. 2007, Govella and Ferguson 2012, Pates and Curtis 2005, Russell

et al. 2011). Ces changements de comportement peuvent se traduire par un accroissement de

l'exophagie, par un ajustement de l'horaire d'activité ou par une diminution de l'anthropophilie. Dans ce chapitre, nous avons souhaité étudier l'influence de la mise en place de MI (intervention commune à tous les bras dans l’essai clinique) sur l'exophagie et les horaires de piqûre des vecteurs. Pour se prévaloir de tout facteur confondant lié à la résistance aux insecticides, nous avons focalisé nos travaux sur An. funestus qui ne présentait pas de résistance connue aux pyréthrinoïdes pouvant interférer avec le comportement (résistance à l'effet excito-répulsif des MI). Cette étude a fait l'objet d'une publication dans The Journal of

Infectious Disease.

Article 8: Changes in Anopheles funestus biting behavior following universal coverage of

long-lasting insecticidal nets in Benin

Moiroux N, Gomez B.M., Pennetier C., Elanga E., Djenontin A., Djegbe I., Chandre F.,

Guis H., Corbel V.

Résumé

Dans cette étude, nous avons étudié l'exophagie et les horaires de piqûre de An.

funestus dans deux villages (Tokoli et Lokohouè), avant, un an après et trois ans après la mise

en place de MI en couverture universelle. Cette étude a été réalisée sur la base des données récoltées par CSH durant la phase de pré-intervention (Cf. § 4.1), durant le premier semestre 2009 de l'essai clinique (1 an après la mise en place de la couverture universelle) et en avril 2011 lors de collections supplémentaires (3 an après la mise en place de la couverture universelle). Nous avons analysé l'évolution du taux d'exophagie et de l'heure médiane de capture qui représente l'heure à laquelle 50 % des vecteurs piquant durant la nuit de capture étaient collectés à chaque enquête. Durant la troisième phase de capture en 2011, nous avons prolongé les captures jusqu'à 9h le matin afin d'évaluer la part de vecteur piquant après 6h du matin (heure à laquelle les captures étaient interrompues durant les phases précédentes). Des vecteurs capturés début 2010 ont été élevés à l'insectarium et la première génération obtenue de ces moustiques de terrain ont fait l'objet de test de sensibilité à la deltaméthrine, l'insecticide utilisé pour l'imprégnation des moustiquaires.

Dans les deux villages, l'heure médiane de capture (pour la période de capture 23 h - 6 h) s'est décalée de 2 h à Tokoli et 3 h à Lokohouè à 5 h du matin dans les deux villages. A Tokoli, le taux d'exophagie a augmenté significativement de 45 à plus de 60 % après la mise en place de la couverture universelle tandis qu'il est resté stable à Lokohouè (45 %). Dans ce dernier village, en revanche, nous avons observé, 3 ans après la mise en place des moustiquaires en couverture universelle, une plus forte proportion de vecteurs capturés après 6 h du matin (26 % contre 6,6 %). La population de An. funestus étudiée ne présentait aucune résistance à la deltaméthrine.

Nos résultats ont montré un changement significatif de comportement des populations de An. funestus dans deux villages ayant reçu des MI en couverture universelle. Nous avons en effet observé un décalage de l'horaire de piqûre dans les deux villages, mettant en évidence un pic d'agressivité à l'aube, lorsque les habitants ne sont plus protégés par des moustiquaires. Ce comportement était exacerbé à Lokohouè où nous avons capturé une large proportion de la population agressive de An. funestus après 6h du matin. Cette observation montre que les vecteurs de Plasmodium ne sont pas exclusivement nocturnes et qu'il est important de réaliser des séances de captures aux marges des horaires habituels, particulièrement dans des contextes de LAV. Ce comportement diurne était peu observé à Tokoli où, en revanche, le comportement d'évitement privilégié était l'exophagie. Il est donc intéressant de noter qu'un

type de comportement d'évitement semble avoir été privilégié par chacune des populations d'An. funestus dans chaque village. Ceci nous renvoie à d'intéressantes interrogations quant aux mécanismes de sélection de ces comportements en relation avec la LAV (plasticité phénotypique versus sélection génétique) qu'il sera important d'étudier dans l'avenir.

Ces travaux nous permettent de mettre en évidence une limite importante à l'efficacité des méthodes de LAV évaluées durant l'essai. En effet, la transmission impliquant An.

funestus s'est accru à l'extérieur des habitations, et après l'aube, en des lieux et des horaires où

les populations ne bénéficiaient d'aucune protection puisque les MI, BMI et AI ne ciblent pas ces populations de vecteurs. Ceci peut également expliquer pourquoi la réduction de densité de An. funestus observée dans le bras MIU+BMI n’a pas entrainé de réduction des cas de paludisme. Il y a donc urgence à déployer sur le terrain des méthodes de LAV capable de cibler ces vecteurs exophages et/ou qui présentent un comportement de piqûre tardif afin de réduire plus fortement la transmission.