Chapitre 1 : Contexte, problématique et positionnement du travail de recherche
1.4 Gestion de la chaîne logistique (Supply Chain Management - SCM)
1.4.5 Modélisation de la gestion de la chaîne logistique
8
0 10 20 30 40 50 60 70 Déc 2000 Déc 2006 s e m a in e Traitement des commandes Supply chain Assemblage, tests, peinture, livraisonsFigure 1.11 : L’objectif de réduction des délais chez Caterpillar, d’après Dany (2003)
1.4.5 Modélisation de la gestion de la chaîne logistique
Pour aider les décideurs du SCM, des outils ont été développés par la recherche et transférés
par l’offre logicielle. Il s’agit, d’une part, de la modélisation d’entreprise pour comprendre le
positionnement des activités dans les processus d’entreprise et, d’autre part, des modèles
mathématiques et de résolution optimale, supports en particulier à la planification.
1.4.5.1 Modélisation d’entreprise
L’essor de la modélisation d’entreprise remonte aux années 1990 (Botta-Genoulaz, 2005).
L‘objectif de la modélisation d’entreprise est de représenter une partie donnée de l’entreprise
pour en comprendre son fonctionnement, pour en analyser son comportement et ses
performances, pour détecter des dysfonctionnements, en vue naturellement d’en améliorer la
performance, ou de valider une organisation nouvelle.
Selon Ganeshan et al. (1999), la modélisation d’entreprise regroupe la part « concepts et
modèles non quantitatifs » de la littérature scientifique. Croom et al. (2000) classe la
modélisation d’entreprise dans les modèles descriptifs et non normatifs, Min et Zhou (2002)
dans les modèles qualitatifs.
La modélisation d’entreprise utilise des formalismes de modélisation générique, tels que la
grille et les réseaux GRAI (Doumeingts, 1998), CIM-OSA, PERA, ARIS, GERAM, SCOR
(SCC, 1996) …
La multitude de ces modèles est parfois problématique pour définir d’une manière unifiée le
fonctionnement d’une entreprise. Dans sa thèse, Roque (2005) propose un méta-modèle qui
permet d’intégrer différentes modélisations par décomposition puis recomposition de
composants élémentaires présents dans ces modélisations. Ce méta-modèle permet d’échanger
plus facilement des informations entre les modèles : c’est une forme d’interopérabilité entre
les différentes modélisations d’entreprises.
En général, ces modèles sont centrés ou focalisés sur une entreprise, plutôt que les chaînes
logistiques.
1.4.5.2 Les modèles analytiques
Les modèles analytiques permettent de décrire un système par un ensemble d’équations
régissant son fonctionnement. Ils peuvent être déterministes (tous les paramètres du modèle
sont réputés connus) ou stochastiques (certains paramètres sont incertains et suivent une loi de
probabilité) (Maria, 1997). Ces modèles sont généralement associés à un problème
d’optimisation à un ou plusieurs critères. Ils peuvent être résolus par différents logiciels
spécifiques ou génériques.
Ces modèles correspondent à ce que Ganeshan et al. (1999) appellent les modèles quantitatifs.
D’après Thomas et Griffin (1996) qui ont fait un classement des modèles mathématiques
utilisés pour le SCM, les grandes familles de modèles sont les modèles stochastiques
(modélisation par files d’attente, par exemple), les modèles analytiques (programmation
linéaire, par exemple), et les simulations. En réalité, les modèles analytiques peuvent être
stochastiques ou non, c’est pourquoi nous préférons ne conserver, dans cette classification des
modèles, que les modèles analytiques et les modèles de simulation (présentés dans le
paragraphe suivant).
Huang et al. (2003) précisent que le choix du modèle, compte tenu de ses hypothèses de
validité, détermine directement le type de problème et de structure que l’on peut étudier. Il
rappelle aussi que, pour qu’un modèle analytique (déterministe ou stochastique) soit viable, il
doit être relativement simple, c’est-à-dire qu’il faut faire un certain nombre d’hypothèses et de
simplifications. Ainsi les modèles analytiques se contentent-ils généralement d’aspects basés
sur le processus de distribution dans une structure dyadique (une seule relation
client-fournisseur). Mais cette configuration est trop simple vis-à-vis des véritables chaînes
logistiques.
Thomas et Griffin (1996) classent les modèles analytiques suivant deux niveaux
hiérarchiques : opérationnel et stratégique. Les problèmes soulevés dans ces modèles au
niveau opérationnel sont la gestion d’une ressource avec file d’attente, la gestion du transport,
l’utilisation ou non de la sous-traitance, la gestion de la production locale ou au contraire
globale, la détermination de la taille des lots pour la production et la distribution, le choix du
type de transport, … Au niveau stratégique, les décisions à prendre sont l’ouverture ou la
délocalisation d’une entreprise ou d’un centre de distribution, l’allocation d’équipements pour
les entreprises, le choix de sites pour l’implantation de nouvelles entreprises pour un nouveau
produit ou pour le changement du flux physique d’un produit à travers la chaîne, le choix de
fournisseurs... Thomas et Griffin (1996) concluent que la plupart des recherches récentes se
focalisent sur les modèles stochastiques.
Remarque : L’approche retenue pour ce travail de thèse est le développement d’un modèle
analytique déterministe de SCM, afin d’offrir un outil d’aide à la décision. Une
étude bibliographique plus avancée sur ce type de modèle est présentée au début du
chapitre 3.
1.4.5.3 Les modèles de simulation
Un modèle de simulation est généralement utilisé lorsqu’il est difficile de trouver une relation
(une équation) entre différentes variables et ne pouvant donc généralement pas se mettre sous
la forme d’un modèle analytique.
Maria (1997) distingue aussi un autre critère pour le classement des modèles : la prise en
compte du temps. Il y aurait donc deux types de modèles : les modèles statiques dans lesquels
le temps n’est pas pris en compte, et les modèles dynamiques. Les modèles de simulation sont
en définitive des modèles à la fois stochastiques et dynamiques.
Chapitre 1 : Contexte, problématique et positionnement du travail de recherche 43
Enfin, Kleijnen (2005) identifie quatre types de simulations : Simulation de type Tableur,
Dynamiques des systèmes, Simulation à événements discrets, et Jeux d’entreprises. Il mène
une étude comparative pour mettre en évidence l’intérêt de vérifier et valider les modèles
(méthodes statistiques), pour analyser la sensibilité des facteurs, optimiser les modèles, et
étudier leur robustesse.
1.4.5.4 L’offre logicielle
Des logiciels ont d’abord été développés pour exécuter certaines tâches administratives
répétitives, puis pour pallier les problèmes de communication dans l’entreprise. Ensuite, de
multiples applications informatiques ont été développées dans divers domaines industriels :
GPAO, supervision d’ateliers, stockage automatisé, contrôle statistique des opérations,
développement produit, conception, dessin assisté par ordinateur,… Dans les années 80, le
CIM (Computer Integrated Manufacturing) a permis une première intégration des activités de
production. La généralisation du concept d’intégration de systèmes informatiques et des
processus « métier » dans tous les domaines de l’entreprise a donné naissance aux ERP
(Enterprise Resource Planning), extension du terme MRP (Manufacturing Resource
Planning) (Bourrières et al., 2005). Pour résumer, un ERP fournit à l’ensemble des acteurs de
l’entreprise une image unifiée (basée sur un système d’information), intègre, cohérente et
homogène de l’ensemble des informations dont ils ont besoin (Genoulaz, 2005 et
Botta-Genoulaz et al., 2004). De plus, le but des systèmes d’information est de réduire l’incertitude
des informations en travaillant sur quatre notions : la disponibilité, la représentabilité
(précision de l’information par rapport au message à transmettre), le délai entre l’occurrence
d’un événement et sa prise en compte, la périodicité du renouvellement des informations
(Dominguez et Lashkari, 2004). Cependant, les progiciels de type ERP visent à une
centralisation de l’information. Ce système transactionnel demande désormais d’être complété
par des systèmes décisionnels ou d’aide à la décision dans un but d’optimisation dépassant les
frontières de l’entreprise.
Les APS (Advanced Planning Systems) sont nés de l’ajout de fonctionnalités autour des ERP
dans le domaine de la planification des activités de production. Les APS peuvent notamment
prendre en compte la capacité finie des ressources lors de la planification, simuler plusieurs
scénarios de planification et gérer plusieurs sites de production, ce qui est nécessaire dans le
cas des entreprises multi-sites ou des réseaux d’entreprises.
D’autres progiciels spécialisés et dédiés à la gestion de la chaîne logistique, gravitant toujours
autour des ERP, ont été développés (voir figure 1.12) : SRM (Supplier Relationship
Management), CRM (Customer Relationship Management), MES (Manufacturing Execution
System), SCE (Supply Chain Execution), WMS (Warehouse Management System), TMS
(Transport Management System), AOM (Advanced Order Management). A ceux-ci s’ajoutent
encore des logiciels relatifs à la conception et au cycle de vie des produits (PLM – Product
Lifecycle Management). Enfin, les EDI (Echanges de Données Informatisées – Electronic
Data Interchange) sont des logiciels dédiés qui assurent une communication entre ces
logiciels. Un EDI permet de partager des informations et notamment le carnet de commande
qui peut directement être transmis aux autres éléments de la chaîne logistique. Ceci permet de
réduire le temps de transfert de l’information et donc de réduire le temps de cycle total (Tan,
2001).
Clients
Fournisseurs
Jours
Exécution
Semaines
Opérationnel
Mois
Tactique
Années
Stratégique
Vendre
Stocker
Distribuer
Fabriquer
Acheter
Clients
Fournisseurs
Jours
Exécution
Semaines
Opérationnel
Mois
Tactique
Années
Stratégique
Vendre
Stocker
Distribuer
Fabriquer
Acheter
MES
MES
ERP
GPAO Ordonnancement Administration des ventes Gestion desachats des stocksGestion
Gestion des transports
ERP
GPAO Ordonnancement Administration des ventes Gestion desachats des stocksGestion
Gestion des transports
APS
Optimisation du réseau logistique
Planification
production Planification distribution Planification transports
Prévisions ATP/CTP
APS
Optimisation du réseau logistique
Planification
production Planification distribution Planification transports
Prévisions ATP/CTP
SCE
WMS TMS AOMSCE
WMS TMS AOMEDI / Internet
EDI / Internet
SRM
SRM CRMCRM
Figure 1.12 : L’offre logicielle du SCM, d’après Botta-Genoulaz (2003)
Face à un tel foisonnement de progiciels et d’éditeurs (SAP, Peoplesoft, JD Edwards, Baan,
Oracle, Siebel, Manugistics, I2 Technologies, Adexa, Agilitys, Aspen Tech, Logility…), les
industriels sont parfois un peu perdus quant au choix des logiciels visant à améliorer leur
performance. De plus, l’implantation et la configuration de ces progiciels sont souvent très
lourdes (en temps et en ressources), et les résultats attendus ne sont pas toujours au
rendez-vous (Botta-Genoulaz et Millet, 2005). Par ailleurs, une étude dans une entreprise
multinationale montre que les principes de base de la chaîne logistique ne sont pas encore
bien ancrés dans les esprits des managers (Morana et Paché, 2000)…
Dans le document
Planification des chaînes logistiques : modélisation du système décisionnel et performance
(Page 44-47)