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Les modèles en réseaux sémantiques

2. REVUE DE LA LITTERATURE

2.3. Les représentations en psychologie cognitive

2.3.2. Les modèles d’organisation des représentations chez l’adulte

2.3.2.1. Les modèles en réseaux sémantiques

Le premier modèle en réseaux de Collins et Quillian (1969) part du constat que pour comprendre un langage, il faut savoir ce que chaque mot, chaque concept recouvre. Il faut déterminer quels sont les traits, caractéristiques ou propriétés qui définissent les concepts. En définitive il s’agit de savoir comment les informations qui définissent le sens du concept sont représentées en mémoire. Leur modèle repose sur deux postulats et deux principes :

- Le premier postulat concerne la représentation des concepts. Ils sont représentés en mémoire sous la forme de nœuds sémantiques. Chaque nœud représente un concept, et ils

sont reliés entre eux par des liens associatifs. Par exemple, le nœud représentant le concept

« oiseau » est relié à celui représentant le concept « canari ». De plus à chaque nœud représentant un concept est associé des nœuds représentant les propriétés de ce concept.

Ainsi, au nœud représentant le concept « oiseau » sont associés plusieurs nœuds identifiant chacun une propriété de la catégorie oiseau, comme « a des ailes », « peut voler » ou « a des plumes ». Les concepts et leurs propriétés constituent donc un réseau sémantique de nœuds reliés entre eux.

- Le second postulat concerne la récupération de l’information en mémoire à long terme grâce au processus d’activation diffusante. Si un concept n’est pas activé en mémoire de travail, il est au repos et son niveau d’activation est alors appelé son niveau de base d’activation. Par contre, quand un sujet voit ou entend « canari », ce concept est activé en mémoire, et surtout cette activation diffuse d’un concept à l’autre au sein du réseau. Ainsi l’activation se répand de « canari » à « oiseau » et à « animal » par exemple.

- Le premier principe concerne l’organisation hiérarchique des concepts en mémoire selon le niveau de généralité des catégories. Par exemple, « animal », catégorie sur-ordonnée est stockée au-dessus d’ « oiseau », catégorie sous-ordonnée.

- Le second principe concerne l’économie cognitive selon laquelle une information stockée à un niveau ne l’est pas à un niveau supérieur ou inférieur. Une information n’est stockée qu’une fois dans le système au niveau de généralité le plus élevé.

Le modèle hiérarchique de la mémoire sémantique permet ainsi une prédiction, vérifiée expérimentalement à partir d’une tâche de vérification de phrases, selon laquelle la récupération d’une propriété d’un concept est plus rapide à partir de ce concept qu’à partir d’un autre concept stocké à un autre niveau dans la hiérarchie, même si cette propriété caractérise les deux concepts.

Néanmoins certains résultats suggèrent des hypothèses différentes de celles de Collins et Quillian.

Ainsi en est-il des effets de fréquence sémantique observés par Conrad (1972). A partir d’une même expérience de vérification de phrases qui dissocie le niveau hiérarchique et la fréquence de co-occurrence entre deux concepts, cet auteur montre que la rapidité des réponses n’est pas liée à l’organisation hiérarchique comme le supposait le modèle précédent, mais à la fréquence de co-occurrence. Le temps de réponse est plus long pour les paires de concepts rares que pour les paires fréquentes. Les sujets fondent donc leur réponse sur autre chose que la distance sémantique entre concepts en mémoire à long terme. Par ailleurs, selon le modèle hiérarchique, chaque instance d’une catégorie représente la catégorie de manière équivalente. Par exemple, « canari » et « merle » sont des instances équivalentes de la catégorie « oiseau ». Or, toujours à partir d’une tâche de vérification de phrases, Rosch (1973, 1975, 1978) fait l’hypothèse d’une différence de représentativité des instances. Certains oiseaux nous apparaissent meilleurs représentants de la

catégorie « oiseau » que d’autres. Rosch propose de les appeler prototypes ou représentations prototypiques. Le prototype est l’instance centrale de la catégorie qui comporte l’ensemble de ses traits définitionnels. Il est soit une instance particulière de la catégorie, soit une représentation moyenne, abstraite des différentes instances. Les membres typiques d’une catégorie sont stockés à proximité du prototype et les membres atypiques en périphérie. La prototypicalité est alors à la base de l’organisation de représentations mentales des catégories. Rosch spécifie trois niveaux de structure pour une catégorie : Le niveau de base qui est le niveau privilégié, car il n’est ni trop spécifique, ni trop général, et maximise la quantité d’informations permettant la discrimination entre les items. Le niveau sur-ordonné qui est le niveau le plus général. Le niveau sous-ordonné qui est le niveau le plus spécifique.

De leur côté, Smith et ses collaborateurs (1974) proposent un modèle de jugement de la ressemblance alternatif au modèle d’organisation hiérarchique de Collins et Quillian. Selon ce nouveau modèle, dans une tâche de vérification de phrases le jugement se fait sur la base d’un processus de comparaison entre les concepts. Par exemple, la réponse à la phrase « un canari est un oiseau » demande de comparer les concepts « canari » et « oiseau » selon plusieurs étapes de traitement : l’encodage de la phrase, la récupération des deux ensembles de traits sémantiques relatifs aux concepts. Ces traits peuvent être définitionnels c’est-à-dire essentiels pour définir la catégorie (« animé » / « oiseau »), ou caractéristiques c’est-à-dire relativement fréquents mais non essentiels à la définition du concept (« chante » / « oiseau »). La troisième étape consiste à calculer un indice à partir des deux ensembles de traits sémantiques pour évaluer la ressemblance entre les concepts. Si le recouvrement des traits sémantiques est élevé, les deux concepts possèdent de nombreuses propriétés en commun, ils se ressemblent. Et inversement, si les deux concepts possèdent peu ou pas de traits en commun, leur niveau de recouvrement sémantique est faible, ils ne se ressemblent pas. La dernière étape concerne les cas où l’indice de ressemblance a une valeur intermédiaire. Le sujet déclenche alors un deuxième processus de comparaison en se focalisant cette fois uniquement sur les traits définitionnels. La thèse centrale du modèle de Smith est donc que la ressemblance sémantique est la variable pertinente dans l’extraction et la représentation des connaissances en mémoire.

Sur la base de ces nouvelles conceptualisations, Collins et sa collaboratrice Loftus (1995) proposent une révision du premier modèle hiérarchique où la mémoire est cette fois constituée de réseaux associatifs non hiérarchisés, et où une propriété peut être représentée plusieurs fois. L’activation reste le processus à la base de la récupération des informations en mémoire. L’activation d’un concept entraîne l’activation d’un autre concept d’autant plus vite que la distance sémantique qui les relie est petite. La distance sémantique concerne à la fois des liens sémantiques c’est-à-dire le fait d’avoir des propriétés en commun, et des liens non sémantiques mais associatifs (pain-beurre).

Par ailleurs, le modèle des contrastes de Tversky (1977) apporte de son côté des précisions sur le processus de comparaison : la ressemblance entre deux concepts calculée par le sujet se fait en prenant en compte à la fois les traits qu’ils ont en commun et ceux qui les différencient. Pour obtenir l’indice de ressemblance Tversky rajoute donc aux étapes de Smith : le calcul des traits associés à un concept et pas à l’autre, et vice versa, la pondération des traits en commun et des traits différents selon leur importance, et pour finir la soustraction de ces deux ensembles pondérés. Les paramètres de pondérations des traits communs ou des traits spécifiques à l’un ou à l’autre des concepts permettent de rentre compte de situations où certains traits sont plus importants pour le sujet (par exemple parce qu’ils lui sont plus familiers) et prennent un plus grand poids dans le processus de comparaison. Tversky et Gati (1978) observent ainsi un phénomène très intéressant de ressemblance asymétrique qui consiste en ce que la ressemblance entre un objet A et un objet B n’est pas la même que la ressemblance entre un objet B et un objet A ! Dans une tâche de jugements de ressemblance portant sur des paires de pays, les sujets attribuent des notes de ressemblance qui diffèrent selon l’ordre des pays dans la paire. Par exemple, l’Albanie est jugée plus similaire à la Chine que la Chine à l’Albanie.