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3. REVUE DE LITTÉRATURE

3.6 Comportement moutonnier des investisseurs

3.6.1 Modèles pour mesurer le comportement moutonnier

Christie et Huang (1995) proposent un modèle qui mesure les écarts-types transversaux (cross-sectional standard deviation) des rendements boursiers par rapport au marché afin d’observer le comportement moutonnier des investisseurs :

𝐶𝑆𝑆𝐷𝑡 = √ ∑ (𝑅𝑖;𝑡−𝑅𝑚;𝑡) 2 𝑁 𝑖=1 𝑁−1 ( 13 )

Où, CSSDt est l’écart-type transversal du rendement boursier par rapport au

marché, Ri;t est le rendement du titre i, au temps t, Rm;t est le rendement du marché, au

temps t et N est le nombre d’actions composant le portefeuille de marché.

À partir des écarts-types transversaux calculés, les auteurs effectuent une régression multiple en incorporant des variables dichotomiques afin d’observer le comportement moutonnier lorsque le marché enregistre des rendements élevés ou faibles :

𝐶𝑆𝑆𝐷𝑡 = 𝛼 + 𝛽𝐿𝐷𝐿+ 𝛽𝑈𝐷𝑈+ 𝜀

𝑡 ( 14 )

Où, α est un intercepte et ε un terme d’erreur. 𝐷𝑈

= {1 si R𝑚;𝑡 se situe dans la queue inférieure de la distribution des rendements

0 autrement

𝐷𝐿 =

{1 si R𝑚;𝑡 se situe dans la queue supérieure de la distribution des rendements

0 autrement

Selon le modèle d’évaluation des actifs (CAPM), un stress financier, accompagné d’un niveau élevé de la volatilité du prix des actifs, contribue à augmenter la dispersion entre le rendement d’un titre et celui du marché, soit la mesure CSSD. Cette déviation de rendement est principalement imputable au β de chaque titre qui mesure sa sensibilité par

64 rapport aux variations du marché dans le modèle CAPM. Ceci sous-entend que la stratégie d’investissement entreprise par chaque individu est basée selon leurs propres informations et croyances, indépendantes les unes des autres. Dans ce cas-ci, le modèle CSSD sous-entend que la relation entre la dispersion des rendements d’un titre et celui du marché est linéaire. Or, si les investisseurs adoptent un comportement moutonnier, Christie et Huang (1995) affirment que les rendements sont de moins en moins dispersés par rapport au marché, puisque les individus ne tiennent pas compte de leurs informations et préfèrent imiter les autres joueurs sur le marché. Dans ce cas-ci, ce type de comportement est détectable lorsque βL et/ou βU sont significativement négatifs dans la

régression multiple du CSSD.

Chang et al. (2000) critiquent les travaux de Christie et Huang (1995) en affirmant que le modèle CSSD n’est pas adéquat, puisque la relation linéaire décrite ci- dessus ne tient plus la route aussitôt que les investisseurs adoptent un comportement moutonnier. En fait, Chang et al. (2000) attestent plutôt qu’en période de turbulence, cette relation est soit négative ou augmente à un rythme décroissant, mais elle n’est définitivement pas linéaire. Pour remédier à la situation, ils proposent le modèle d’écart absolu transversal des rendements, CSAD :

𝐶𝑆𝐴𝐷𝑡= 1 𝑁⁄ ∑𝑁𝑖=1|𝑅𝑖;𝑡− 𝑅𝑚;𝑡| ( 15 ) Où, CSADest l’écart absolu transversal du rendement boursier par rapport au rendement du marché, Ri;t est le rendement du titre i, au temps t, Rm;t est le rendement du

marché au temps t, et N est le nombre d’actions composant le portefeuille de marché. La régression multiple CSAD (équation (15)) proposée ajoute comme variable exogène, Rm;t2, afin d’illustrer la relation non linéaire entre la déviation des rendements

d’un titre et celui du marché. Un coefficient γ2 significativement négatif traduit que les

investisseurs ont adopté un comportement moutonnier. La relation linéaire est illustrée par le coefficient γ1. Les auteurs ont opté pour mettre le rendement du marché en valeur

absolue pour faciliter l’analyse des différents coefficients γ1. Tout comme Christie et

Huang (1995), Chang et al. (2000) distinguent les rendements baissiers et haussiers du marché.

65 𝐶𝑆𝐴𝐷𝑡𝑈𝑃 = 𝛼 + 𝛾1𝑈𝑃|𝑅𝑚;𝑡𝑈𝑃| + 𝛾2𝑈𝑃(𝑅𝑚;𝑡𝑈𝑃)2+ 𝜀𝑡 ( 16 )

𝐶𝑆𝐴𝐷𝑡𝐷𝑂𝑊𝑁 = 𝛼 + 𝛾1𝐷𝑂𝑊𝑁|𝑅𝑚;𝑡𝐷𝑂𝑊𝑁| + 𝛾2𝐷𝑂𝑊𝑁(𝑅𝑚;𝑡𝐷𝑂𝑊𝑁)2+ 𝜀𝑡 ( 17 )

Étant donné que les modèles (16) et (17) du CSAD s’apparentent à une équation quadratique, les auteurs déterminent qu’au moment où le rendement atteint un seuil équivalant à 𝑅∗

𝑚;𝑡 = − (𝛾1⁄2𝛾2), la dispersion diminue. Autrement dit, les investisseurs

adoptent un comportement moutonnier. Notons que ce seuil provient de l’équation quadratique, −𝑏±√𝑏2−4𝑎𝑐

2𝑎 , en considérant que le discriminant est nul.

De façon générale, Christie et Huang (1995) et Chang et al. (2000) affirment qu’une hausse du rendement du marché contribue à une augmentation de la dispersion des rendements des titres, mais à un certain niveau d’importantes variations de prix des actifs, les investisseurs ont tendance à adopter un comportement moutonnier, particulièrement lorsque le marché est baissier. En effet, les auteurs notent que les mesures de dispersions sont supérieures lorsque les marchés sont haussiers.

Economou et al. (2011) se sont intéressés au comportement moutonnier sur les marchés boursiers européens, principalement ceux en provenance de la Grèce, l’Italie, l’Espagne et le Portugal. Notons que ce sont quatre pays ayant été affectés par la crise européenne. Les auteurs se sont inspirés du modèle CSAD pour observer les dispersions des rendements selon que le marché est haussier ou baissier. Dans le cadre de cette étude, le Rm;t est calculé à partir d’un portefeuille de marché uniquement composé des quatre

économies étudiées. 𝐶𝑆𝐴𝐷𝑡 = 𝛼 + 𝛾1𝐷𝑈𝑃|𝑅 𝑚;𝑡| + 𝛾2(1 − 𝐷𝑈𝑃)|𝑅𝑚;𝑡| + 𝛾3𝐷𝑈𝑃(𝑅𝑚;𝑡) 2 + 𝛾4(1 − 𝐷𝑈𝑃)(𝑅 𝑚;𝑡) 2 + 𝜀𝑡 ( 18 ) 𝐷𝑈𝑃 = {1 𝑠𝑖 𝑅0 𝑠𝑖 𝑅𝑚;𝑡 > 0 𝑚;𝑡 < 0

Tout comme Christie et Huang (1995) et Chang et al. (2000), Economou et al. (2011) observent un comportement moutonnier des investisseurs lorsque le marché est

66 baissier pour l’ensemble des pays étudiés, sauf dans le cas de la Grèce. En effet, les coefficients γ3 et γ4 sont significativement négatifs, ceci implique que le comportement

moutonnier est observable lorsque le marché grec est haussier et baissier.

Demirer et al. (2010) avancent que le concept d’aversion aux pertes de l’investisseur, développé par Tversky et Kahneman (1991), explique la présence de comportements moutonniers lorsque le marché est baissier. La figure 6 démontre que « la perte d’utilité associée à l’abandon d’un bien est supérieure au gain d’utilité lié à l’acquisition de ce bien50. » Autrement dit, l’investisseur préfère éviter les pertes liées à

ses investissements plutôt qu’obtenir un gain. Ainsi, en période de marché baissier, en raison de cette crainte, répliquer les stratégies d’investissement d’autrui semble être la meilleure solution pour limiter les pertes.

Figure 6 : Fonction d’utilité liée à l’acquisition et la perte d’un bien

Source : TVERSKY, Amos et Daniel KAHNEMAN, 1991, « Loss Aversion and Riskless Choice : A Reference-Dependent Model ». The Quaterly Journal of Economics, vol. 106, n°4, 1039-1061