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3. REVUE DE LITTÉRATURE

3.4 Impact des swaps de défaillance sur les marchés boursiers

Il est clair que le marché des Credit Default Swaps (CDS) a eu un impact majeur sur la stabilité financière internationale lors de la crise des subprimes. D’abord, ce produit dérivé a connu un important essor lors des années 2000. Byström (2005) avance qu’entre 2001 et 2004, les montants notionnels pour les dérivés de crédits ont augmenté de 700 milliards USD à 4 500 milliards USD. Coronado et al. (2012) définissent un CDS comme étant un contrat de protection de crédit dans lequel l’acheteur se voit dans l’obligation de verser un paiement annuel au vendeur jusqu’à la maturité du contrat. Or, dans le cas où un événement de crédit affectant l’actif de référence survient, le vendeur doit verser un paiement à l’acheteur, équivalant à la valeur nominale de l’actif. Un CDS est comparable à une police d’assurance protégeant l’acheteur du produit dérivé contre le risque de crédit d’un actif de référence. Byström (2005) allègue que l’écart lié au swap de défaillance (CDS spread) est similaire à l’écart entre le taux sans risque et le rendement d’une obligation en situation de défaut. Le CDS spread représente le paiement périodique de l’acheteur auprès du vendeur lors du contrat. Hull et al. (2004) prennent l’exemple d’un CDS d’une maturité de cinq ans concernant Ford Motor Credit où le spread est de 300 points de base et la valeur nominale est de 10 millions $. Ceci implique que l’acheteur du contrat verse annuellement 300 000$ au vendeur pendant cinq ans. Advenant le défaut de

53 Ford Motor Credit, non seulement cela met fin aux paiements périodiques de l’acheteur, mais ce dernier a le droit de vendre les obligations de l’entreprise à une valeur nominale de 10 millions $. Fung et al. (2008) avancent qu’étant donné que le marché des CDS est principalement composé d’investisseurs sophistiqués, le spread de ce dérivé de crédit devient un indicateur considérable quant à la perception du marché sur le risque de crédit et/ou de défaut de l’actif de référence. Ainsi, lorsque le marché détecte une augmentation du risque de crédit de l’actif de référence d’un CDS, ce produit voit son spread à la hausse et vice versa.

La principale différence entre un CDS souverain et un CDS corporatif réside dans la nature de l’événement de crédit (Coronado et al., 2012). Dans le cas d’un CDS souverain, un incident de crédit s’avère être un moratoire ou une répudiation de l’État. Notons qu’un moratoire se définit comme étant la suspension des activités financières du gouvernement pour une période de temps jusqu’au moment où l’État trouve des solutions pour rétablir la précarité de sa situation financière. Une répudiation a lieu lorsque l’État refuse d’honorer ses obligations envers ses contreparties et cesse de verser les paiements qui lui sont exigés. Un événement de crédit pour un CDS corporatif survient lors de la faillite de l’entreprise ou de son incapacité à payer les montants dus aux investisseurs.

Plusieurs études telles que celles Byström (2005), Fung et al. (2008), Norden et Weber (2009), et Coronado et al. (2012) confirment l’influence des marchés boursiers exercée sur le marché des CDS. D’abord, Byström (2005) allègue qu’il existe une relation lead-lag entre les deux marchés, c’est-à-dire une corrélation significative entre une série temporelle retardée d’une ou plusieurs périodes et une série contemporaine. En effet, l’auteur affirme que l’information se transmet à partir des marchés boursiers vers les marchés des swaps de défaillance, puisque le prix retardé d’une période d’un indice boursier est significativement et négativement corrélé aux écarts de CDS actuels. Fung et al. (2008) affirment que les marchés boursiers sont davantage efficients que les marchés des CDS puisqu’ils incorporent plus rapidement le risque de défaut dans leur prix. Pour expliquer ce phénomène, Byström (2005) ainsi que Fung et al. (2008) citent la théorie de Merton (1974) concernant la tarification de la dette d’une firme. En considérant que les

54 marchés sont efficients, l’information concernant la probabilité de défaut d’une firme devrait être incorporée dans le prix de ses actifs. Or, aussitôt que la santé financière de l’entreprise se dégrade, la probabilité de défaut de ses obligations et de ses débentures augmente. Ainsi, le prix de l’action et des obligations de la firme dégringolent, alors que les CDS spreads concernant ses titres à revenus fixes augmentent.

Fung et al. (2008) ajoutent que l’intensification de la relation lead-lag entre les marchés des CDS et boursiers dépend de la qualité de crédit des actifs de références des CDS. Pour ce faire, ils distinguent deux types de marchés CDS, soient les investment grade (IG) et les high-yield45 (HY), dans le but d’apparier les rendements boursiers des

firmes composant ces deux marchés. Ces auteurs expliquent que la relation lead-lag est davantage prononcée au sein du marché HY, puisque les titres sous-jacents de ces CDS sont plus sujets à varier suite diminution du rendement des marchés boursiers. Les actionnaires aussi détenteurs de CDS concernant la même firme sont d’autant plus préoccupés par une augmentation de son risque de crédit, car advenant sa faillite, ces individus sont les ultimes porteurs du risque. Norden et Weber (2009) renchérissent qu’en raison de leur plus grande liquidité, les marchés boursiers sont davantage sensibles à l’information émise comparativement aux marchés des CDS. Les problèmes liés au manque de liquidité réduisent la capacité du marché des CDS à bien refléter l’information rapidement, et ce, même pour des données à haute fréquence.

Coronado et al. (2012) orientent leur étude sur la crise des subprimes et la crise de la dette souveraine européenne pour analyser les comouvements entre les deux marchés. Bien qu’elles abondent dans le même sens que Byström (2005), Fung et al. (2008) et Norden et Weber (2009), en affirmant que les marchés boursiers influencent les marchés des CDS, elles suggèrent que la relation lead-lag s’est inversée, en 2010, puisque ce sont les marchés des CDS qui dominent les marchés boursiers. L’étude de Coronado et al. (2012) se concentre principalement sur la relation régnant entre les CDS spreads

45 Le risque de crédit des high-yield (HY) est nettement plus élevé comparativement aux investment grade

55 souverains européens46 et les indices boursiers correspondants. Les auteurs expliquent

que les CDS spreads atteignent leur apogée, en 2010, puisque les marchés remettent en question la capacité de certains pays à être en mesure de diminuer considérablement leur déficit budgétaire, et ce, sans être secourus par les autorités monétaires et/ou sans se retrouver en situation de défaut. Notons qu’à cette époque, l’économie de certains pays est stagnante. En fait, une détérioration du risque de crédit d’une nation implique que le gouvernement doit se financer sur les marchés à un taux plus élevé. Les perspectives quant aux dépenses et aux investissements sont revues à la baisse et il est fort probable que les contribuables voient leurs taxes à la hausse. Ainsi, les niveaux d’investissement et de consommation diminuent de sorte que la profitabilité des firmes et leur cours de l’action soient revus à la baisse. Coronado et al. (2012) allèguent que cette situation impacte négativement le risque de crédit de la firme. De plus, les auteurs remarquent qu’entre 2007 et 2010, les pays fortement atteints par la turbulence, i.e : PIIGS. Leur conclusion confirme les propos de Fung et al. (2008) puisque leur étude démontre l’intensité de la relation lead-lag entre les marchés des CDS souverains et boursiers dépend de la qualité de crédit du pays. En effet, entre 2007 et 2010, les pays PIIGS se caractérisent par une forte hausse des spreads des swaps de défaillance souverains et une chute du rendement des indices boursiers. Fung et al. (2008) renchérissent que des marchés boursiers baissiers alimentent la transmission de la volatilité en provenance du marché des CDS.

3.4.1 Sensibilité des marchés boursiers face aux fluctuations des CDS spreads

Dans le même ordre d’idées que les études de Chan-Lau et al. (2012), Beltratti et Stulz (2012) et Poirson et Schmittmann (2013) (voir section 3.1.3), Cornett et al. (2016) tentent d’identifier les caractéristiques propres aux banques commerciales américaines favorisant leur sensibilité aux fluctuations des CDS spreads souverains grecs. Les auteurs concentrent leurs observations des hausses (baisses) de ces spreads de plus de 500 points

46 Dans le cadre de l’étude de Coronado et al. (2012), les CDS souverains étudiés proviennent de la France,

56 de base47. Bien qu’ils s’attendaient à ce que l’ampleur de la réaction du prix de l’action

de l’institution48, suite à une importante variation des CDS spreads grecs, dépende de la

taille de la banque de son exposition transfrontalière49 et son niveau de capitalisation,

Cornett et al. (2016) concluent qu’aucune caractéristique propre aux institutions financières américaines ne semble justifier leur sensibilité sur les marchés boursiers, suite à une fluctuation des spreads grecs.

De plus, au courant de la même période, le rôle des institutions financières internationales est non-négligeable, puisque celles détenant une importante exposition sur les banques grecques ont tenté de couvrir leur risque en achetant massivement des CDS souverains grecs (Coronado et al., 2012). Or, Cornett et al. (2016) argumentent qu’à l’aube de la crise européenne, les banques commerciales américaines ont amputé leur exposition par rapport à la dette grecque, puisqu’elles ont détecté une augmentation du risque souverain. En outre, étant donné que ces dernières ont été largement affectées par la crise des subprimes, leur aversion au risque demeure fort élevée. Ainsi, elles ont diminué leur exposition de 18 milliards USD (décembre 2009) à 5 milliards USD (juin 2010). Les auteurs expliquent que c’est la principale raison pour laquelle l’ensemble des institutions américaines étudiées enregistrent des rendements anormaux non significatifs suite à une fluctuation des spreads grecs.

D’ailleurs, Alexander et al. (2012) affirment que l’exposition du système bancaire canadien à la dette souveraine des pays PIIGS représente 9% du ratio de capital de catégorie 1 pour l’ensemble des entités du pays. Cette proportion augmente à 20% pour le système bancaire américain. Les auteurs expliquent aussi que les banques canadiennes ont aussi diminué massivement leur exposition directe à la dette souveraine européenne au courant de la pré-crise.

47 Une variation de plus de 500 points de bases représente 5% des observations de l’étude de Cornett et al.

(2016).

48 La réaction du prix de l’action se mesure par une hausse (baisse) du prix de l’action suite à la fluctuation

des CDS spreads grecs.

49 La proportion de la valeur des créances étrangères et des prêts aux administrations étrangères par rapport

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