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Les approches multi-échelles appartiennent généralement à deux groupes principaux. D'une part, il y a le calcul direct, par éléments finis, et d'autre part les méthodes issues de la micromécanique. La simulation par éléments finis (EF) permet d'obtenir les champs locaux en tout point d'un maillage du volume d'un matériau considéré. Il s'agit d'un outil puissant sans égal, mais les ressources numériques qu'il nécessite peuvent vite devenir problématiques. À noter qu'une simulation par élément finis peut contenir des éléments dont la loi constitutive est issue de la micromécanique. De nombreux auteurs ont eu recours aux éléments finis afin de modéliser des matériaux composites renforcés par des fibres courtes, utilisant la versatilité de la méthode à leur avantage. Horst et al. prennent par exemple en compte une matrice plastique ainsi qu'une décohésion fibre-matrice [151]. La matrice polyamide en elle-même peut être le sujet d'une simulation EF avec plusieurs phases [152].

La micromécanique vise quant à elle à déterminer le comportement effectif d'un matériau hétérogène en l'assimilant à un milieu homogène équivalent. Une approche micromécanique permet alors une modélisation multi-échelles au prix d’une puissance de calcul non négligeable mais raisonnable par rapport aux approches par éléments finis de type FE2 [153]. Elle prend notamment en compte la microstructure du matériau, comme détaillé dans la partie 2 de ce chapitre. Des modèles micromécaniques ont donc été développés afin de pouvoir gérer la forme et l'orientation

90 des renforcements. Cependant et contrairement à une simulation théorique complète sur un volume représentatif, par exemple par éléments finis, elle ne permet pas d’avoir une description discrète des champs locaux mais une moyenne des champs dans chaque phase (ou au mieux l’écart type du champ au sein d’une phase). On parle alors d'homogénéisation à champs moyens. Il reste encore aujourd’hui de nombreux défis à la modélisation de matériaux composites en comportement non linéaire. Pour ces derniers, la détermination des champs locaux est d’une importance capitale pour comprendre et retranscrire les mécanismes ayant lieu aux différentes échelles – et ce d’autant plus dans ces matériaux complexes dont le comportement dépend également de l’histoire de chargement [154]. Il faut noter que les modèles micromécaniques peuvent également être associés à des approches stochastiques pour intégrer la variabilité de la microstructure d’un matériau hétérogène et ainsi évaluer son impact sur les fluctuations du comportement à l’échelle macroscopique [155].

De nombreuses méthodes micromécaniques sont basées sur la solution d'Eshelby [81], détaillée dans la partie 2 de ce chapitre. Bien que celle-ci puisse s'appliquer directement à un matériau composite [156], elle ne prend pas en compte l'interaction entre les différentes inclusions. Pour ce faire, le comportement macroscopique d'un matériau hétérogène peut être évalué avec des schémas d’homogénéisation, tel le modèle auto-cohérent [157] [158], le schéma différentiel [159] [160], la méthode de Mori-Tanaka [96] [161] ou encore les bornes d'Hashin-Shtrikman [162]. L'approche auto-cohérente a notamment été enrichie par Jacquemin et al. afin de définir un modèle multi-échelles tenant compte de la diffusion de l'humidité au sein du matériau composite (avec alors un chargement hygro-élastique) [163] [164] [165] [166]. Ceci est particulièrement intéressant dans le cas d'une matrice polymère. Nemat-Nasser et al. ont aussi développé une méthode qui permet de prendre les interactions d'hétérogénéités entre elles [167]. Connue sous le nom d'homogénéisation périodique [168] [169], elle définit une cellule unitaire qui sera répétée spatialement à travers le volume étudié à travers des équations de périodicité dédiées. Cet élément représentatif peut contenir une ou plusieurs inclusions, avec chacune son orientation, sa forme et ses propriétés propres. Il existe également le principe de variation incrémentale développé par Ponte-Castenada [170]. Il s'agit alors de déterminer le comportement effectif de matériaux composites dont la réponse est partiellement irréversible. Pour ce faire, l'énergie libre de chaque phase est écrite, ce qui permet de définir celle du matériau composite et finalement un comportement homogénéisé. Lahellec et Ladevèze, ainsi que Brassard et al. ont notamment trouvé une bonne corrélation entre cette méthode et des simulations par éléments finis [171] [172]. Par ailleurs, dans le cadre d'un modèle comportant une création importante de cavités et leur évolution par grossissement, il est également envisageable de travailler avec une modélisation multi-échelles fondée sur des critères de type Gurson [173] couplés à la plasticité anisotrope, comme réalisé par exemple par Morin et al. [174]. Ces approches ont notamment été développées pour des matériaux poreux. Pour plus de détails, le lecteur est invité à consulter l’ouvrage de référence écrit par Dormieux et al. [175].

La méthode micromécanique de Mori-Tanaka, qui est reprise dans le cadre de ces travaux, a été largement utilisée par la communauté scientifique pour homogénéiser des matériaux composites [6] [95] [97] [99] [100] [102] [103] [118] [176] [177] [178] [179] [180]. Cette méthode s'avère relativement efficace en terme de détermination des champs locaux et du comportement effectif, pour une implémentation aisée. Tandon et Weng se sont basés sur cette approche pour simuler le comportement effectif de matériaux composites dont les inclusions sont orientées aléatoirement [181]. Hori et Nemat-Nasser l'utilisent dans le cas d'un modèle avec doubles inclusions [182]. De manière analogue, Friebel et al. réalisent une homogénéisation en deux temps pour obtenir le

91 comportement effectif d'un composite comportant des renforts enrobés [183]. Brinson et Lin applique la méthode de Mori-Tanaka pour modéliser le comportement effectif de matériaux composites viscoélastiques à plusieurs phases [184]. Wu et al. ont également développé une approche qui prend en compte la dégradation du matériau avec un modèle d'endommagement de type gradient [185].

Par ailleurs, Kammoun et al. ont adopté une approche multi-échelles intéressante basée sur une homogénéisation à champs moyens pour un composite à matrice élasto-viscoplastique renforcé par des fibres élastiques [92] [186]. Cette méthode, nommée « pseudo-grain », permet de prendre en compte une large gamme de microstructure. Les auteurs discrétisent notamment l'orientation des fibres en créant N familles de fibres. Chaque famille permet de définir un pseudo-grain, où les fibres ont une orientation, une fraction volumique et un facteur de forme donnés. La fraction volumique de chaque pseudo-grain est alors pondérée selon les distributions d'orientation et de longueur des fibres. L'homogénéisation du matériau composite se fait alors à deux niveaux : le premier à l'échelle d'un pseudo-grain, et le deuxième à celle du VER. L'un des principaux avantages de cette approche est de définir un module effectif consistant quelque soit la microstructure. Cependant, une étude de Jain et al. montre qu’une discrétisation par pseudo-grains ne permet pas de représenter aussi fidèlement les champs locaux moyens dans les différentes phases qu'une homogénéisation globale selon Mori-Tanaka [187].

Il existe aussi des modélisations analytiques alternatives à la micromécanique et à la simulation EF. Elles ne sont souvent valides que pour des hypothèses bien précises, comme par exemple le fait de ne considérer qu'une seule inclusion. Par exemple, le but du shear lag model (SLM), précédemment présenté et adapté dans le chapitre II, est de calculer les champs de contraintes dans la fibre et dans la matrice environnante sans passer par des champs moyens [119] [120] [124]. Il s'agit donc d'une méthode multi-échelles, pour peu qu'une façon de calculer le tenseur de rigidité effective et/ou la contrainte effective soit prodiguée. Carman et Reifsnider ont ainsi enrichi l'analyse du SLM et obtiennent ces grandeurs à travers le calcul de la moyenne volumique de la contrainte dans chaque phase [188]. Un inconvénient majeur du SLM reste cependant sa limitation à des problèmes à une dimension.

2. Modélisation micromécanique et homogénéisation à champs moyens

Au vu de l'étude bibliographique ci-dessus et des conclusions faites aux chapitres précédents, un modèle micromécanique semble être le candidat idéal pour la modélisation du PA66-GF30. Le matériau composite est alors étudié à l’échelle d’un volume élémentaire représentatif (VER). Ce VER est composé de plusieurs phases, à savoir la matrice, les fibres et les vides résultant d’un endommagement. Son comportement effectif s'obtient à l'aide d'une homogénéisation de ce milieu hétérogène. Un milieu homogène équivalent, dont le comportement est représenté par son tenseur de rigidité et/ou de souplesse effectif, peut alors être défini. Pour une simulation en éléments finis, cette approche permet d’avoir accès à des contraintes locales dans chaque phase (pour un VER donné) et permet notamment d’implémenter des critères d’endommagement locaux.

Une homogénéisation aux champs moyens est ici faite par une méthode de type Mori- Tanaka [96]. Les tenseurs de déformations et de contraintes sont ainsi définis constants à l'intérieur

92 de chaque phase, pour un VER donné. Le comportement effectif de celui-ci se calcule alors à partir de ce comportement moyenné des différentes phases. La construction d’un modèle micromécanique fonctionne en 4 étapes :

 La détermination des comportements locaux : chaque phase ayant généralement une loi constitutive différente (élastique, plastique, viscoplastique…), celles-ci doivent être identifiées et implémentées.

 La description de la microstructure : gestion des fractions volumiques de chaque phase, de la morphologie des inclusions, de leur orientation…

 La localisation : il s'agit de la relation entre les champs locaux et les conditions aux limites du volume considéré.

 L’homogénéisation : cette phase consiste à utiliser les relations sur les moyennes des champs locaux afin de remonter au comportement effectif du VER.