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Les champs moyens au sein du matériau composite sont définis par les équations suivantes :

(III-6)

Or le champ de contrainte à l'intérieur de chaque phase est supposé homogène. Soient cr la fraction volume de la phase r d'un matériau hétérogène à N phases. L'équation (III-7) découle alors de (III-6). (III-7)

95 En micromécanique, les contraintes et déformations de chaque phase r s’expriment grâce aux équations de localisation en déformations et en contraintes, respectivement indiquées (III-8) et (III-9). représente la température. Cet aspect de la micromécanique est détaillé dans la section suivante.

(III-8)

(III-9)

A et a sont les tenseurs de localisation en déformation, B et b sont ceux en contrainte

(d’ordres 4 et 2, respectivement). Pour des raisons de simplicité, la température est ici considérée nulle. (III-7) peut alors s'écrire selon l'équation (III-10). Celle-ci donne alors une condition sur les tenseurs A et B (III-11). (III-10) (III-11) Ces équations permettent également d’établir la formule (III-12), en notant Lr le tenseur de rigidité de la phase r. Le tenseur de rigidité effectif du matériau peut alors s'exprimer selon l'équation (III-13). Il est possible d'exprimer le tenseur de souplesse effectif de manière similaire (III-14). Le comportement effectif du matériau hétérogène est maintenant défini en fonction de celui de ses phases. Il est maintenant nécessaire de choisir une méthode micromécanique permettant de définir les tenseurs de localisation. L'approche ici choisie, initiée par Mori et Tanaka en 1973 [96], se propose de déterminer ces équations.

(III-12) (III-13) (III-14)

d. Méthode de Mori-Tanaka

Le choix de la méthode micromécanique change la façon de déterminer la localisation. Les tenseurs de localisation ne sont ainsi pas définis de manière unique. Néanmoins, ils dépendent toujours des propriétés du matériau composite et notamment des tenseurs d'interactions T. En pratique, chaque méthode micromécanique définit une déformation de référence εréf et un tenseur de rigidité de référence Lréf correspondant au comportement de la matrice tel que perçu par une seule inclusion. Localement, le problème se ramène alors au cas d'une inclusion unique au sein d'une matrice, tel que statué par Eshelby, mais avec des propriétés adaptées pour la matrice (III-15). Ces

96 grandeurs de référence peuvent alors traduire l'influence de la présence de chaque inclusion sur le comportement des autres renforts, et à fortiori sur celui de la matrice. Au final, c'est tout le comportement effectif du milieu homogénéisé qui est impacté par ce choix. Ces considérations sont illustrées sur la Figure III.5.

(III-15)

Figure III.5 – Schéma de l'influence du choix de la méthode micromécanique sur le processus d'homogénéisation d'un matériau hétérogène.

i. Principe et application au cas à N-phases

Afin de déterminer le comportement du VER, il convient donc de définir les tenseurs de localisations. Dans le modèle de Mori-Tanaka [96], un problème d’Eshelby est résolu pour chaque inclusion en considérant les propriétés autour du renfort comme étant celles de la matrice. Ceci définit la déformation de référence εréf comme étant la déformation moyenne dans la matrice . Le tenseur de rigidité effectif de référence Lréf est quant à lui égal à celui de la matrice L0. La méthode de Mori-Tanaka permet de prendre en compte les interactions entre les différentes hétérogénéités à travers une modification appropriée du champ de contrainte moyen dans la matrice. Cette approche est devenue l'une des plus grandes références en micromécanique, notamment grâce aux contributions de Taya et Mura [192], de Weng [193] et de Benveniste [161].

La déformation de chaque phase s'écrit selon l'équation (III-16). À noter que T0 est alors égal au tenseur d'identité d'ordre 4. La déformation moyenne du matériau homogénéisé s'exprime finalement en fonction des fractions volumiques et des tenseurs d'interaction de chaque phase (III-17). La déformation moyenne de chaque phase est alors donnée par la relation (III-18). Cette formule permet de définir les tenseurs de localisation en déformation Ar (III-19). Le même raisonnement peut être utilisé en considérant la contrainte effective du matériau homogénéisé (III-20), et aboutit à l'écriture des tenseurs de localisation en contrainte Br (III-21).

(III-16)

97 (III-18) (III-19) (III-20) (III-21)

En combinant la définition ci-dessus des tenseurs de localisation selon Mori-Tanaka avec les équations (III-13) et (III-14), on remarque le tenseur de rigidité effectif est bien l'inverse du tenseur de souplesse effectif. Il existe d'autres méthodes d'homogénéisation. Les approches les plus courantes sont la solution d'Eshelby pour un milieu dilué (fractions volumiques d'inclusions faibles) et le modèle auto-cohérent (« self-consistent »). La première méthode calcule la déformation propre pour chaque inclusion comme si elle ne subissait pas de perturbation du fait de la présence d’autres renforts. La déformation de référence est alors celle du VER et le tenseur de rigidité de référence est celui de la matrice. En ce qui concerne la méthode auto-cohérente, elle assume qu'une seule inclusion n'a qu'un effet négligeable sur le comportement effectif du VER, du fait de la présence d'une multitude de renforts. Le tenseur de rigidité de référence est alors celui effectif du milieu homogénéisé. La déformation de référence est également définie comme étant celle du VER. Or le comportement effectif du milieu homogène dépend des champs locaux et donc de chaque phase. C'est pourquoi cette approche s'exprime de façon implicite et son implémentation numérique doit se faire en conséquence. Les détails et équations de ces deux méthodes sont brièvement donnés dans l'annexe E.

ii. Modèle à inclusions enrobées

Les investigations expérimentales, et notamment l'étude du processus d'endommagement de l'interface, mettent particulièrement l'accent sur la présence d'une interphase entre fibre et matrice. Il s'agit d'une zone matricielle entourant la fibre et dont les propriétés peuvent être légèrement différentes de celle de la matrice non chargée. Cette zone condense une partie non négligeable du comportement endommageable du matériau composite. Le VER, tel que défini par la section précédente, comprend donc une phase qui consiste en un enrobage autour d'une autre ; les fibres. D'un point de vue micromécanique, il est possible de prendre cette particularité en compte en modifiant les tenseurs d’interactions. Il s’agit en fait de considérer des interactions enrobage / fibre et matrice / {enrobage + fibre} en plus des interactions matrice / enrobage et matrice / fibre. Une telle approche a été développée analytiquement par Cherkaoui et al. [194]. Ils définissent dans un premier temps de nouveaux tenseurs d’interaction, accordement à l'équation (III-22) où l'exposant et l'indice I dénote une inclusion et c un enrobage. Pour rappel, S correspond au tenseur d'Eshelby et peut donc être différent pour l'inclusion et l'enrobage.

98

(III-22)

Les déformations moyennes dans l’inclusion ɛI et dans l’enrobage ɛc s’expriment alors respectivement selon les équations (III-23) et (III-24), en notant cc et cI les fractions volumiques respectives de l’enrobage et de l’inclusion.

(III-23) (III-24)

Ces formules sont valables dans le cas où les inclusions et enrobages possèdent une géométrie non homothétique. Dans le cas contraire, les égalités et apparaissent et permettent d'écrire les équations (III-25) et (III-26).

(III-25)

(III-26)

De nouveaux tenseurs de localisation en déformation peuvent finalement être exprimés et remplacent ceux de Mori-Tanaka. Ils sont exprimés par les équations (III-27) et (III-28) dans le cas général, et par celles (III-29) et (III-30) dans le cas homothétique. Le domaine de validité de ces équations sera abordé dans le chapitre IV, qui proposera alors une modification permettant de représenter plus fidèlement des résultats issus de la littérature.

(III-27) (III-28) (III-29) (III-30)

iii. Approche incrémentale étendue au milieu à N-phases

Dans cette étude, le comportement du polyamide 6,6 est considéré viscoélastique. La loi constitutive de la matrice et de l'enrobage dépend donc notamment du temps, potentiellement de manière non linéaire. En outre, l'endommagement va également influencer le comportement de nombreuses phases, de façon non linéaire également. Il est alors irréalisable de définir un tenseur de rigidité constant pour la plupart des phases du PA66-GF30, et encore moins de lui donner un module effectif constant. En outre, le tenseur d'Eshelby dépend directement des propriétés de la matrice et n'est donc pas constant au cours du chargement. Il apparaît alors nécessaire de travailler avec des

99 modules tangents pour chaque phase, sur de petits incréments de temps. Pour ce faire, une méthode de Mori-Tanaka incrémentale est utilisée. Celle-ci nécessite la définition de modules tangents ou "instantanés" reliant les champs de contraintes et de déformations aux différentes échelles de modélisation, ce qui constitue la base de la linéarisation des équations constitutives des différentes phases [195]. Il existe également d'autres méthodes de linéarisation, utilisant des modules sécants [196] ou encore la formulation affine initiée par Rougier et al. [197] et développée par de nombreux auteurs [198] [199] [200]. L'intérêt de cette dernière approche est notamment de s'affranchir des estimations trop rigides qui peuvent dans certains cas dépasser les bornes de Hashin-Shtrikman [201].

La méthode incrémentale choisie est similaire à celle développée par Lagoudas et al. [202]. Ces auteurs ont travaillé avec des phases aux comportements élastoplastiques. Leur approche peut ici être utilisée car le comportement de ce genre de matériau dépend aussi de son histoire de chargement, à l'instar d'un matériau viscoélastique endommageable. Les formules micromécaniques de la section précédente restent valables et sont applicables aux différents incréments, une fois différenciées. Si un chargement en contrainte est appliqué pendant un temps infinitésimal dt, augmentant le champ de contrainte appliquée au matériau d'un montant , les champs locaux en déformation et en contrainte de chaque phase r évoluent selon les équations (III-31) et (III-32). Les doubles crochets indiquent une dépendance à l'histoire du chargement ( ). Des équations similaires peuvent être écrites dans le cas d'un chargement en déformation en remplaçant par . Les incréments de déformation et de contrainte effectifs sont liés selon l'équation (III-33).

(III-31) (III-32) (III-33) Le trajet de chargement est divisé en une succession de pas de temps Δt. Les équations ci- avant s'intègrent alors de manière naturelle pour exprimer les quantités , , et . Cette approche pose alors une hypothèse supplémentaire. En effet, les champs locaux sont considérés constants pour un pas de temps donné. L’influence du trajet de chargement à l’intérieur de chaque incrément est donc négligée. À noter que dans le cadre de ces travaux de thèse, les champs de déformation et de contrainte sont toujours supposés homogènes pour une phase donnée.

Il reste un problème numérique qui apparaît lors de l'utilisation d'une méthode micromécanique incrémentale. Certaines lois constitutives possèdent des paramètres qui dépendent directement des champs locaux voire de l'histoire du chargement. Or le tenseur d'Eshelby, calculé en amont de la méthode micromécanique, dépend uniquement des propriétés de la matrice. Ainsi, une matrice sensible par exemple à l'effet de vitesse peut voir son module tangent évoluer d'un pas de temps à l'autre. Le tenseur d'Eshelby est alors basé sur une estimation à l'incrément précédent et n’est donc pas précis. Le même raisonnement peut être tenu à propos des mécanismes d'endommagements. Ces derniers influencent dynamiquement la tenue mécanique de certaines phases voire la microstructure même du VER. C’est pourquoi une procédure itérative est nécessaire à chaque pas afin d’harmoniser la simulation et de recalculer correctement l'évolution des différentes lois constitutives. La convergence de ces itérations est déterminée à l’aide d’un critère de

100 stabilisation de la répartition de la déformation à chaque pas. Il convient ainsi de choisir judicieusement des incréments suffisamment petits pour la stratégie de modélisation micromécanique adoptée. Dans le cas présent, l'itération initiale est dictée par le comportement du pas de temps précédent. Les champs locaux de l'itération j+1 sont donnés par l'équation (III-34). D'après les équations (B-12), (III-19) et (III-21), les tenseurs de localisation correspondants s'expriment selon l'équation (III-35) et les tenseurs d'interactions selon (III-36).

(III-34) (III-35) (III-36)

Comme mentionné précédemment, cette boucle d'itération nécessite un critère de convergence. Celui-ci se porte sur l'incrément du champ de déformation local de la matrice Δεm du VER. En effet, il s'agit d'un résultat central d'une telle approche micromécanique, influencé par tous les autres paramètres du modèle. Le critère est alors défini par la formule (III-37). ξ est la tolérance du critère et se doit d'avoir une valeur suffisamment proche de 0 pour garantir une convergence adéquate.

(III-37)

Cette équation conclut la définition du modèle micromécanique incrémental basé sur la méthode de Mori-Tanaka et étendu au cas à N-phases. Il convient désormais de s'intéresser aux lois constitutives de chacune des phases.

3. Lois de comportement des différentes phases

Le VER du PA66-GF30 est pour l'instant composé de (2+2N) phases, avec N le nombre de familles d'orientation. La matrice et les vides constituent les deux phases non orientées. Chaque famille d'orientation regroupe deux phases orientées : les fibres ainsi que leurs enrobages. Cette section vise à détailler les lois constitutives des différents constituants du PA66-GF30 tout en indiquant le rôle des paramètres d'endommagement définis au chapitre précédent. La notation de Voigt sera utilisée pour écrire tout tenseur d'ordre 2 ou 4 (cf. annexe C).