• Aucun résultat trouvé

i. Mise en évidence des mécanismes d'endommagement

Depuis un peu plus de deux décennies, de nombreux auteurs se consacrent à l'analyse des mécanismes d'endommagement des polymères thermoplastiques renforcés par des fibres de verre courtes [55] [56]. Ces analyses exploitent principalement les observations au MEB et la fractographie. Dally et Carillo notent ainsi que dans les PA6 secs renforcés de fibres de verre courtes, les défauts sont très localisés et dus à des concentrations de contraintes élevées, dans des configurations où les fibres sont entassées [10]. Ils observent dans un premier temps des fissures dans la matrice, en tête de fibres et qui se propagent par déchaussement à l’interface. La propagation dans la matrice est alors limitée. Dans un second temps, certaines régions fissurées finissent par s’étendre et coalescent.

33 Ils opèrent par ailleurs des essais de fatigue interrompus pour étudier l’évolution de la contrainte à rupture en traction statique. La chute de celle-ci est alors de l’ordre de 10 à 15% en fatigue, signe d’une dégradation généralisée du matériau.

D’autres auteurs étudient alors le processus d’endommagement. Ainsi, Sato propose un scénario de rupture du polyamide renforcé de fibres courtes, en traction, représenté sur la Figure I.32 [1]. Il en donne les différentes étapes au travers de la chronologie suivante :

 Initiation des fissures à l’interface fibres-matrice, en tête de fibres.

 Propagation des fissures le long de l’interface, rupture cohésive de la matrice.

 Extension des fissures dans la matrice, initiée par des fissures courtes à l'interface fibre/matrice et avec une déformation plastique de la matrice.

 Coalescence des vides et propagation de fissures stable en mode ductile.

 Atteinte d’une taille critique de la zone de rupture ductile, et le reste du matériau casse de manière fragile.

À noter que Sato n’observa pas de rupture de fibre. Une autre conclusion majeure de l'étude de Sato est l'affirmation que les mécanismes d'endommagement sont les mêmes en chargement quasi-statique qu'en fatigue. Ce constat est d’une importance capitale pour le développement de la modélisation dans le présent travail. Ce résultat a d'ailleurs été récemment conforté et enrichi par Arif [8] [9].

Figure I.32 – Scénario et chronologie d’endommagement d’un matériau composite à matrice polyamide renforcée par des fibres de verre courtes [1].

Horst et Spoormaker proposent un scénario d’endommagement en fatigue semblable à celui de Sato, tel que représenté Figure I.33 [57] [58]. Ce mécanisme a depuis été largement validé par la littérature [35] [59] et a affirmé son indépendance à de nombreux paramètres, dont le type de chargement ou la température. Seules les cinétiques varient. Sur la base des travaux précédents et

34 dans le cadre de nos travaux de modélisation, les processus d’endommagement en statique et en fatigue seront assumés similaires. Horst précise également que la décohésion de l'interface en fatigue se fait par cisaillement.

Figure I.33 – Mécanismes locaux de rupture en fatigue proposés par Horst [58].

De nombreuses techniques ont aujourd'hui vu le jour afin d'investiguer les mécanismes d'endommagement de ce type de matériau. La microtomographie assistée par ordinateur, présentée dans la section 2, se révèle être un outil puissant pour cette analyse. Des essais avec corrélation d'image ou au microscope électronique à balayage (MEB), in-situ, permettent également de valider ces processus d'endommagement [9] [60]. Une autre approche, héritée des métaux, consiste à analyser l'état de surface pour estimer l'endommagement du composite en fatigue [61] ou encore à suivre l'évolution d'une fissure [62]. Enfin, des méthodes acoustiques ont aussi été récemment développées, pour différents matériaux composites [63] [64] [65] [66]. Elles se basent sur le fait que la création de défauts ne peut se faire qu'avec une certaine émission acoustique. Mouhmid et al. ont ainsi classé les différents mécanismes d'endommagement du PA66-GF selon le niveau sonore de leur apparition [14]. Des émissions acoustiques entre 40 et 55 dB correspondent ainsi à de la fissuration matricielle, de 60 à 65 dB à de la décohésion à l'interface fibre/matrice, de 65 à 85 dB à du pull-out et finalement entre 85 et 95 dB à des ruptures de fibres.

ii. Investigation de l'endommagement par microtomographie aux rayons X assistée par ordinateur (CT)

Avec le développement intensif de cette nouvelle technologie, la science des matériaux et de leur endommagement progresse rapidement. La connaissance de l'architecture 3D d'un matériau hétérogène à l'échelle du micromètre a révolutionné la compréhension des mécanismes physiques opérant à l'échelle microscopique. Ainsi, de nombreux auteurs se sont lancés dans l'étude de matériaux composites par µCT [67] [68] [69] [70]. Arif a aussi dédié une partie non négligeable de son travail de thèse à l’application de cette technique fine. Les résultats obtenus sont les précurseurs de

35 ceux des travaux de la thèse ci-présente [8] [9] [29]. Toutes ces études à propos de l'endommagement du polyamide 6,6 renforcé convergent vers les mêmes conclusions. Ainsi, pour des raisons de clarté, seuls les résultats d'Arif seront présentés dans ce qui suit.

Les échantillons analysés proviennent d'éprouvettes longitudinales et transverses préalablement chargées en traction jusqu'à rupture. La résolution de ses travaux est de 700 nm pour les échantillons longitudinaux et 1400 nm pour ceux transverses. Ils ont été découpés loin de la zone de fracture pour éviter tout biais. Deux conditionnements différents ont ainsi été testés et correspondent à des humidités relatives de : RH 0% et RH 50%. L'échantillon de référence correspond à une éprouvette sèche non chargée, sur laquelle aucun défaut n'est perceptible à la résolution d'observation. L'endommagement observé par la suite n'est alors pas dû au procédé de fabrication, ni à la découpe des échantillons.

L'endommagement se manifeste ici par la présence de décohésions à l'interface fibre/matrice, de microfissuration dans la matrice ainsi que de rupture de fibres. La décohésion de l'interface est constatée non seulement aux extrémités de fibres mais aussi sur leur longueur. La fissuration de la matrice résulte d'une propagation fragile dans le cas des échantillons secs mais d'une coalescence et propagation ductiles pour ceux conditionnés à 50% d'humidité relative. La Figure I.34 présente un cliché obtenu par microtomographie aux rayons X assistée par ordinateur. Tous les mécanismes d'endommagement cités y apparaissent. La qualité de l'image laisse supposer qu'avec un seuillage par niveau de gris approprié, il est possible de différencier la matrice, les fibres et les vides. La quantification de l'endommagement peut alors être faite de manière directe, mais il faut garder à l'esprit que la zone observée provient d'un emplacement éloigné de la zone de rupture d'une éprouvette.

Figure I.34 – Endommagement observé par microtomographie aux rayons X assistée par ordinateur sur un échantillon longitudinal de PA66-GF30 conditionné à RH = 50%, préalablement chargé en traction [8]. a. Décohésion en tête de fibre. b. Décohésion de l'interface. c. Rupture de fibre. d. Microfissuration de la matrice.

Arif a également étudié l'endommagement sur des éprouvettes de PA66-GF30 sèches soumises un chargement de fatigue traction-traction et pour deux orientations transverse (90°) et longitudinale (0°). Le facteur de charge est défini à 0,1 et l'amplitude de la contrainte appliquée est maintenue constante. La fréquence est fixée à 3 Hz. Cette investigation a permis de visualiser

36 l'évolution des vides au fur et à mesure de la fatigue, en termes de volume, d'orientation et de facteur de forme, en fonction de la microstructure. La Figure I.35 présente la répartition des facteurs de forme des vides selon leur orientation, pour différentes microstructures. Dans tous les cas, les vides ont tendances à avoir la même orientation que les fibres. Ceci renforce l'idée que le mécanisme d'endommagement dominant soit lié à la décohésion de l'interface fibre/matrice, puisque cette observation ne peut pas être due aux ruptures de fibres ou aux seules fissurations de la matrice. À noter que l'endommagement est réparti sur l'ensemble de la zone d'observation. Sa diffusion n'en est pas moins hétérogène et certaines zones sont plus endommagées que d'autres, même au sein d'une même couche.

Des observations ont également eut lieu à différents niveaux de la vie en fatigue d'une éprouvette longitudinale. Des essais ont été interrompus à 50% et 75% du nombre de cycles à rupture Nf et analysés par microtomographie. Ils sont comparés à un échantillon non chargé et à un

autre ayant été amené jusqu'à la rupture. La densité d'orientation des vides est représentée Figure I.36. Cette analyse met clairement en évidence la prépondérance de l'endommagement au cours de la vie en fatigue. Celui-ci reste marginal pendant la première moitié de la durée de vie avant d'augmenter de manière significative, jusqu'à la rupture du matériau. Cela confirme par ailleurs les conclusions de Benaarbia à propos de l'absence de cycle stabilisé au cours d'un chargement en fatigue. La présence initiale de vides (microdiscontinuités) est également à noter dans une proportion relativement faible ce qui confirme aussi certains résultats de Mourglia-Seignobos [13].

Figure I.35 – Facteur de forme des vides en fonction de leur orientation et de leur position à cœur ou en peau, pour une éprouvette sèche de PA66-GF30 a. longitudinale b. transverse, soumise à un essai de fatigue [8].

a.

b.

37 Figure I.36 – Répartition des volumes de vides selon leur orientation au sein d'éprouvettes de PA66- GF30 sèches, chargées en fatigue à différents nombres de cycles : a. 0% Nf b. 50% Nf c. 75% Nf d. 100% Nf [8].