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Les modèles avec plusieurs banques

Fragilités bancaires et réseaux nanciers, une revue de la

1.1 Les modèles de fragilité bancaire

1.1.2 Les modèles avec plusieurs banques

Le trait uni…ant les modèles présentés dans la première section est le suivant : la course à la banque ne dépend que de la décision des déposants, et de problèmes de coordination entre eux. Il n’existe aucun lien de quelque ordre que ce soit entre les banques. Dans ce cadre, parler de propagation d’une course à la banque d’un établisse- ment à un autre n’a guère de sens. Ces modèles initiaux ont naturellement été étendus à des modèles à banques multiples liées les unes aux autres par di¤érents canaux. Une amélioration récente a été constituée par l’introduction de canaux de transmissions interbancaires dans lesquels les liens entre les banques sont modélisés par un recours à la théorie des graphes (cf. sections 1.1.3 et 1.2).

La contagion, peut être dé…nie comme l’extension progressive de di¢ cultés bancaires d’une institution à une autre jusqu’à toucher une partie signi…cative ou l’ensemble du système bancaire. Elle ne correspond donc ni à la panique - il peut y avoir panique sans qu’il y ait nécessairement contagion -, ni à l’interdépendance entre les banques qui ne correspond pas à cette notion de propagation.

Ainsi, une crise bancaire peut se propager par de simples changements dans le sentiment des déposants comme l’accroissement de l’aversion au risque, la modi…cation de l’interprétation donnée à des informations existantes, ou, un e¤et de révision des anticipations... Chez De Bandt (1995) qui étend Jacklin et Bhattacharya (1988) le système bancaire est ainsi soumis à un choc agrégé sur le rendement de l’actif long

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et la transmission des courses à la banque repose sur un mécanisme de révision des anticipations des déposants.

Temzelides (1997) réalise une extension de Diamond et Dybvig (1983) en deux sens : au sens vertical, il envisage une version répétée dans le temps de Diamond et Dybvig (1983), et au sens horizontal, il envisage un cadre à plusieurs régions. Dans cette version répétée de Diamond et Dybvig (1983), les agents apprennent de leurs expériences passées. Cet e¤et d’apprentissage au cours du temps crée des e¤ets de persistance d’un des deux équilibres de Nash (panique / stabilité). Le croisement de ces deux extensions se traduit de la sorte : l’observation des paniques bancaires dans certaines régions lors d’une période peut conduire, selon un mécanisme en réalité proche de celui de Chari et Jagannathan (1988) à des équilibres de paniques dans d’autres régions à la période suivante.

Chen (1999) propose un modèle de synthèse dans la mesure où deux mécanismes y sont à l’oeuvre : le premier tient à une corrélation dans le rendement de l’actif long terme entre les banques, le second à une révision bayésienne des anticipations de la part des déposants. Dans ce modèle, l’auteur considère N banques, mais celles-ci ne sont liées par aucune relation de crédit. On est dans une économie à trois périodes comme chez Diamond et Dybvig (1983). Chaque banque investit dans un actif risqué dont la probabilité de succès est inférieure à un. Le rendement des actifs entre les banques est corrélé, dans la mesure où l’état de la nature, commun à toutes les régions, conditionne la probabilité de succès du projet. Chen distingue au sein de la période intermédiaire deux sous-périodes lors desquelles les déposants ne disposent pas tous des mêmes informations. Dans la première sous-période, une fraction de déposants d’un sous-ensemble S1 de banques, de cardinal (n), reçoit un signal sur le rendement

futur de l’actif risqué de leur banque. Cette information est révélée en même temps que le sont les préférences de chaque agent. En parallèle, les déposants des banques du sous ensemble complémentaire, S2 de cardinal (N n), n’ont reçu aucune information,

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ni concernant les préférences, ni concernant le rendement futur de l’actif risqué. Dans la première sous période, les faillites bancaires dans le sous ensemble S1 sont

dirigées par l’information avancée sur le niveau de rendement des actifs futurs, ce sont donc des courses informées à la banque. Dans la seconde sous période, selon le niveau des faillites dans le premier sous ensemble, c’est-à-dire selon le niveau de retraits dans les n premières banques, les déposants des banques du sous ensemble S2 révisent leurs anticipations sur le niveau de rendement futur de l’actif dans les

banques où ils ont réalisé leur dépôt. Cette révision bayésienne peut alors conduire à une course généralisée sur l’ensemble des (N n)banques du sous-ensemble. Les agents non informés infèrent du comportement des agents informés dans les (n) premières régions que le rendement de l’actif long sera faible. Cet équilibre se réalise sans que les déposants de S2 n’aient reçu une information quelconque. On est donc face à une

extension progressive des retraits anticipés de banque à banque tant en raison de la règle de paiement des déposants (premier arrivé, premier servi) que du fait de la révision des anticipations des agents sur les fondamentaux de l’économie à partir du nombre de faillites observées.

L’interdépendance entre les banques passe non seulement par l’exposition au marché interbancaire et la valeur des titres détenus, mais aussi par un canal de crédit et de liquidité disponible sur le marché.

D’une part, en e¤et, si une banque détient des titres sur une banque en faillite ou en di¢ culté et réalise des pertes, elle peut alors vendre ses actifs sur d’autres banques a…n de restaurer ses ratios capitalistiques. En outre, face à des di¢ cultés localisées en un point du portefeuille, les techniques de management des risques peuvent conduire les investisseurs à réduire leur exposition au risque global interbancaire dans son en- semble. C’est ainsi qu’une crise localisée sur une banque particulière peut conduire à une extension rapide de la crise par un simple e¤et de ré-allocation des portefeuilles souligné par Wolf (1999) dans les crises …nancières internationales.

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D’autre part, une crise bancaire localisée peut également être à l’origine d’une réduction de la liquidité disponible sur les marchés interbancaires qui peut empêcher une banque illiquide, mais solvable, de lever les fonds dont elle peut avoir besoin à court terme, et ce, même auprès de banques solvables et liquides.

Le marché interbancaire peut conduire à des comportements de passagers clandes- tins de la part des banques qui sous provisionnent le montant de liquidité en réserve. La seule fonction du marché interbancaire est de distribuer la liquidité, crée ou détenue par ailleurs entre les intervenants. Si les banques ont une con…ance excessive dans la capacité du marché à absorber des chocs transitoires de liquidité, elles peuvent déte- nir des actifs liquides à un niveau trop faible, et un manque de liquidité agrégé peut apparaître sur le marché interbancaire. Ce mécanisme est développé dans le modèle de Bhattacharya et Gale (1987). En présence d’asymétrie d’information, le marché in- terbancaire peut conduire à un sous provisionnement de liquidité par les di¤érentes parties prenantes du fait d’un comportement de passager clandestin. Dans ce modèle, les banques ouvrent un marché interbancaire pour se couvrir mutuellement contre des chocs individuels de liquidité. L’illiquidité de l’actif long terme est complète. Ce mar- ché permet donc aux banques de réduire le montant de leur réserves liquides, coûteuses car non porteuses d’intérêt. Cependant, la décision d’investissement de chaque banque est une information privée. En conséquence, se pose un problème d’aléa moral et les banques conservent une quantité réduite d’actifs liquides. Par suite, la liquidité agrégée disponible sur le marché est insu¢ sante par rapport aux besoins. Elle est inférieure au niveau d’équilibre en information complète qui donne l’optimum.

En ce cas, la présence d’un marché interbancaire est la source du sous provisionne- ment des réserves liquides du fait des comportements de passager clandestin. Il peut être dès lors le médium de transmission des di¢ cultés entre les banques. En e¤et, lorsque les banques font face à une demande de liquidité supérieure au montant des réserves dont elles disposent, elles sont confrontées à l’alternative suivante : soit elles

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liquident leurs actifs longs4, pour obtenir, en interne, le montant de liquidité néces-

saire ; soit elles tentent d’obtenir ces liquidités en externe en se tournant vers le marché interbancaire. Sur ce dernier les banques peuvent tenter d’obtenir un prêt, ou, liquider les créances dont elles disposent sur d’autres banques. Le choix ultime est guidé par le coût relatif d’obtention des ressources nécessaires. C’est sur ce type de mécanisme que reposent les e¤ets de dominos présentés, par exemple, dans le modèle d’Allen et Gale (2000) que nous présentons en section 1.2. Notons que cette interdépendance ne se limite pas au marché interbancaire : les déposants d’une banque en crise peuvent ainsi faire l’expérience d’un e¤et de richesse négatif qui peut être à l’origine de retraits de leurs dépôts dans d’autres institutions comme c’est le cas chez Garber et Grilli (1989).