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Eléments empiriques les fragilités interbancaires

Fragilités bancaires et réseaux nanciers, une revue de la

1.1 Les modèles de fragilité bancaire

1.1.3 Eléments empiriques les fragilités interbancaires

Deux approches sont utilisées pour mesurer la contagion de manière empirique. Une première approche tente d’isoler la contagion des autres chocs a¤ectant l’éco- nomie. Elle simule donc les conséquences liées à la faillite initiale d’un établissement bancaire en prenant en compte l’exposition – estimée ou observée - des banques au marché interbancaire. L’e¤et de domino est constitué de l’enchaînement des faillites sur plusieurs périodes subséquentes. C’est sur cette méthode que s’appuie la contri- bution de Maurer et Sheldon (1998) sur le marché interbancaire suisse pour mesurer l’ampleur du risque systémique.

Leurs résultats montrent que la contagion passant par le canal interbancaire est potentiellement faible bien que la faillite d’une " grande " banque suisse soit en me- sure d’avoir des implications élevées. Pour Upper et Worms (2002) qui appliquent cette même technique sur le marché interbancaire allemand, la contagion ne se limite pas à un petit nombre d’établissements, les plus petits ou les plus fragiles. La contagion, selon leurs estimations, est en mesure de toucher une part non négligeable du mar-

4Cette liquidtion n’a pas de sens dans le cas particulier du modèle de Bhattacharya et Gale (1987)

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ché interbancaire allemand, même si celle-ci voit son ampleur limitée par un certain nombre de sécurités. La faillite d’une seule grande banque allemande peut conduire à la disparition de 15% du total des actifs du système bancaire. Dans une étude simi- laire sur le marché interbancaire britannique, Wells (2002) démontre que la contagion n’est possible qu’à la condition qu’une grande banque avec une bonne notation soit en cessation de paiements. Fur…ne (2003), à partir de données sur les expositions in- terbancaires sur le marché des Fonds Fédéraux américains souligne que la probabilité de faillite en chaîne est très faible dans la mesure où les actifs agrégés des banques en faillite ne dépasse jamais 1% du total des actifs des banques commerciales. Cifuentes (2003) simule, lui, le risque de contagion sur le marché interbancaire chilien. L’auteur démontre que ce risque augmente avec la concentration du système bancaire.

Une deuxième approche estime le risque de contagion en prenant en compte un plus large ensemble de chocs possibles. Elsinger et al. (2002) simulent l’in‡uence de trois chocs joints (sur les taux d’intérêts, sur le taux de change, et une forte volatilité sur les marches …nanciers) sur les ‡ux de paiements interbancaires pour les banques autrichiennes. Ces chocs déterminent tant la valeur nette de chaque banque que la faisabilité des paiements interbancaires. Ils distinguent deux types d’insolvabilité : la première est issue de l’exposition aux di¤érents chocs, c’est donc une exposition directe ou de premier ordre, alors que la seconde est issue de l’e¤et domino, c’est donc une exposition indirecte ou de second ordre. Les simulations de faillites des banques suite aux chocs joints indiquent que, bien que la probabilité de défaut en chaîne (contagion) soit faible par rapport à la probabilité totale de défaut, dans certains cas la contagion est responsable de 75% des faillites. Leurs simulations proposent également deux types de structures pour le marché interbancaire : l’une dans laquelle la structure est complète, c’est-à-dire un cas dans lequel chaque banque est liée à toutes les autres, et l’autre dans laquelle la structure est incomplète, c’est à dire un cas dans lequel chaque banque n’est liée qu’à une partie des autres banques. Leurs résultats montrent que la contagion est

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plus forte dans le cas d’un réseau complet que dans le cas d’un réseau incomplet. Ce résultat est très intéressant dans la mesure où il vient, semble-t-il, a¤aiblir les résultats standard sur les e¤ets de diversi…cations selon lesquels le risque décroît avec le degré de diversi…cation du portefeuille. Ils se posent également en opposition aux résultats théoriques de Allen et Gale (2000)

Lehar (2003) s’intéresse, quant à lui, à la corrélation entre les portefeuilles de banques. Cette corrélation estimée permet de calculer di¤érentes mesures pour le risque systémique pour un ensemble de banques qui peuvent être liées tant directement par des relations interbancaires bilatérales que de manière indirecte par la similarité de leurs portefeuilles, ou, par la présence en portefeuille d’actifs soumis à des risques iden- tiques. Un certain nombre d’articles montrent, à partir d’échantillons tirés d’épisodes historiques de faillites bancaires multiples, que les faillites bancaires sont clairement au- tocorrélées. Ainsi, Calomiris et Masson (2000) montrent, à partir de test de survivance temporelle lors de la Grande Dépression, que des fondamentaux nationaux régionaux et bancaires communs expliquent largement les faillites bancaires. Gropp et Vesala (2003) utilisent les propriétés des queues de distribution de la distance au défaut5 pour

étudier le risque de contagion dans un modèle où les expositions au marché interban- caire sont tant nationales qu’internationales. Pour le cas européen, la contagion existe à ces deux niveaux, même si la contagion nationale l’emporte sur la contagion inter- nationale. L’introduction de l’Euro a, selon ces auteurs, sensiblement accru le risque de contagion internationale au sein des pays de la zone. Angelini, Maresca et Russo (1996) se penchent sur le risque empirique d’e¤et domino dans le système italien de paiements interbancaires. Ils simulent la faillite d’un participant au réseau et en me- surent les e¤ets au long du réseau de paiements. Leurs résultats contrastent largement avec ceux de l’étude de Humphrey (1986) sur le système CHIPS aux Etats-Unis. Ce

5La distance au défaut est dé…nie à partir du modèle de Black et Scholes (1973). Ce dernier

détermine l’évolution temporelle de la valeur de marché d’un actif selon un processus stochastique. Le point de défaut est la valeur de l’actif pour laquelle la banque disparait. La distance au défaut est le nombre d’écarts types qui sépare la valeur des actifs de la banque du point de défaut.

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dernier montre en e¤et que la faillite d’un établissement est en mesure de conduire à la faillite de 37% des participants au réseau représentant 30% des balances débitrices journalières. Le réseau italien de paiements interbancaires semble, selon les résultats de Angelini et alii (1996) beaucoup plus robuste puisque seuls 4% des participants ont une taille su¢ sante pour causer une crise systémique. En outre, en ce cas, moins de 1% des participants fait défaut pour des raisons systémiques, et les pertes ne représentent que 3% des ‡ux de paiements journaliers. Le phénomène de contagion mis en évidence par Angelini et alii (1996) est beaucoup plus restreint dans le sens où seule la faillite de 9 ou 10 " grandes " banques est en mesure de représenter, par leur e¤et combiné, un événement systémique d’ampleur su¢ sante pour conduire à des faillites en chaîne. Ces résultats sont sans doute liés aux caractéristiques particulières du système italien de paiements interbancaires marqué par une relative faiblesse des transactions par rapport aux autres pays développés, un grand nombre de petits intervenants sur le marché et une relative concentration des ‡ux autour de quelques noeuds du système.

Mueller (2003) tente de combiner une approche en terme de réseau et une simulation mesurant le risque de contagion sur le marché interbancaire suisse. Son innovation repose sur la prise en compte d’une deuxième cause de contagion : celle-ci provient en e¤et non seulement de l’exposition au risque de crédit sur le marché interbancaire (diminution de la valeur des créances d’une banque sur les autres), mais aussi de la réduction de la liquidité disponible sur le marché interbancaire en cas de faillite d’un ou de plusieurs établissements. L’étude de l’in‡uence du réseau sur le risque de contagion demeure cependant peu aboutie dans la mesure où Mueller exhibe des indicateurs de réseaux susceptibles de favoriser la contagion ou de la réduire, mais ne les exploite que rarement dans ses diverses simulations.

Dans la même veine, Degryse et Nguyen (2004) dans une étude empirique sur le risque de contagion sur le marché interbancaire belge sur la période 1993-2002 sou- lignent que la structure du marché interbancaire est un facteur déterminant pour mesu-

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rer le risque et l’ampleur d’une contagion entre les intervenants bancaires. Ils montrent ainsi que le passage d’une structure complète dans laquelle toutes les banques sont liées les unes aux autres à une structure avec centres monétaires multiples (où certaines banques jouent le rôle de pivot en étant connectées à un grand nombre de banques, alors que ces banques pivots ne sont pas reliées entre elles6) conduit à une diminution

du risque de contagion ainsi que de l’ampleur de la crise.

L’étude de la structure ou de la topologie des liens interbancaires pour évaluer le risque de contagion d’un événement systémique apporte donc, tant du point de vue théorique que du point de vue empirique, des explications nouvelles aux fragilités …nancières ou bancaires. Ce recours à des éléments de topologie est directement lié à l’utilisation d’éléments de la théorie des graphes, et de la théorie des réseaux qui a connu des développements récents très signi…catifs en économie, mais n’a encore que peu été appliquée en …nance.

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Théorie des réseaux et applications sur la fra-