Chapitre 2 – Les modèles de dimensionnement pour les composants
2.4. Modélisation des inductances
2.4.6. Modèle thermique
Nous allons introduire le modèle thermique simplifié fourni par la datasheet
MAGNETICS [Magnetics]. Bien que ce modèle soit approximatif, il est indispensable de
mettre une estimation de la montée en température des inductances, puisque c’est un
critère de dimensionnement essentiel. Un modèle thermique complet d'inductance a été
mis en œuvre dans [Delhommais-18], mais il ne tient compte que de la conduction car les
inductances étaient montées sur un refroidisseur. Par ailleurs, la détermination des
conductivités thermiques des différents matériaux reste délicate. Nous avons décidé de
rester à un niveau de modélisation simple.
Le modèle thermique requiert l’estimation des pertes au sein d’une inductance,
ainsi que l’estimation de sa surface externe de dissipation thermique. Nous allons d’abord
présenter notre modèle des pertes Joules pour les enroulements du côté continu, puis du
côté alternatif (avec prise en compte de l’effet de peau). Ensuite, nous aborderons nos
estimations des pertes fer dans les inductances du côté alternatif, puis dans les
inductances de mode commun. De là, nous expliquerons les estimations des surfaces de
convexions pour les bobinages multicouches (des inductances de boost) et monocouches
(des inductances des filtres CEM). Enfin, nous présenterons la formule du modèle
thermique simplifié.
2.4.6.1. Estimations des pertes Joules dans les enroulements
Nous rappelons les différences notables de ces estimations, pour les différentes
inductances, sur le tableau 2.7, extrait du tableau 2.6.
Chapitre 2 81
2.4.6.1.1. Pertes Joules dans les enroulements côté continu
(𝐿
𝑀𝐶,𝐷𝐶, 𝐿
𝑀𝐷,𝐷𝐶)
Pour simplifier l’évaluation des pertes Joules, nous supposons que l’ondulation de
courant, du côté DC, restera suffisamment faible devant le courant moyen, en
conséquence de quoi nous restreignons le contenu fréquentiel à la seule composante
continue, même s’il aurait été possible de prendre en compte plus d’harmoniques, et alors
de prendre en compte la variation de résistance avec la fréquence, par effet de peau.
Nous estimons les pertes Joules en calculant la résistance des enroulements, 𝐸𝑠𝑟
𝐿,
à l’aide de la résistivité du cuivre 𝜌
𝑟𝑒𝑠,𝐶𝑢:
𝐸𝑠𝑟
𝐿𝜌
𝑟𝑒𝑠,𝐶𝑢𝑁 𝑙
𝑠𝑝𝑖𝑟𝑒𝑆
𝑓𝑖𝑙De là, nous en déduisons les pertes Joules 𝑃
𝐽𝑜𝑢𝑙𝑒𝑠avec le courant continu 𝐼
𝐷𝐶:
𝑃
𝐽𝑜𝑢𝑙𝑒𝑠𝐸𝑠𝑟
𝐿𝐼
𝐷𝐶2En recoupant les équations, nous pouvons écrire :
𝑃
𝐽𝑜𝑢𝑙𝑒𝑠𝜌
𝑟𝑒𝑠,𝐶𝑢𝑁 𝑙
𝑠𝑝𝑖𝑟𝑒𝐽 𝐼
𝐷𝐶Nous voyons apparaître l’influence de la densité de courant 𝐽 dans les pertes
Joules. Ainsi, l’optimisation devra trouver le meilleur compromis entre gain de masse (cf.
partie 2.4.5.4) et réduction des pertes Joules, pour chacune des inductances du côté
continu.
2.4.6.1.2. Pertes Joules dans les enroulements côté alternatif
(𝐿
𝑏𝑜𝑜𝑠𝑡, 𝐿
𝑀𝐶,𝐴𝐶, 𝐿
𝑀𝐷,𝐴𝐶)
Du côté AC, les enroulements reçoivent un courant alternatif auquel se superpose
une ondulation de courant. Nous donnons un exemple de courant alternatif et de son
contenu spectral sur la figure 2.17.
Chapitre 2 82
𝑓
𝑑é𝑐𝑘𝐻𝑧
Paire de pics symétriques autour de 𝑓
𝑑é𝑐Fondamental à 𝑓
0𝐻𝑧
Figure 2.17 - Exemple de courant d'entrée avec sa représentation spectrale
Nous voyons bien le fondamental à 400 Hz et des harmoniques d’ordre supérieur.
Au cours de nombreux essais, nous retrouvons toujours une paire de raies
prédominantes, autour de 𝑓
𝑑é𝑐, ce qui est lié à la stratégie de MLI retenue.
Pour simplifier le calcul des pertes Joules avec l’effet de peau et éviter de sommer
des termes de série de Fourier jusqu’à des ordres élevés, nous allons considérer que
l’ensemble du poids des harmoniques sera localisé sur ces deux pics symétriques autour
de 𝑓
𝑑é𝑐. Bien que forte, cette approximation permet d’accélérer fortement les calculs
sans négliger complètement l’effet de peau dans les conducteurs, en ayant bien une
influence de 𝑓
𝑑é𝑐sur les pertes.
Sur la figure 2.17, nous constatons une ondulation de courant d’amplitude crête à
crête d’environ 10 A, ce qui donne une amplitude crête de 5 A. Sur le spectre du courant,
cette ondulation est principalement répartie sur les deux pics symétriques à 𝑓
𝑑é𝑐,
chacun faisant presque 2,5 A, soit la moitié des 5 A d’amplitude crête de l’ondulation.
Ainsi, dans notre modélisation, nous estimons l’amplitude crête-à-crête maximale
∆𝐼 de l’ondulation des courants d’entrée, grâce à la loi développée en partie 1.2.10. Nous
allons considérer que cette ondulation est répartie sur les deux pics symétriques
précédemment cités. Ainsi, l’amplitude de ces deux raies sera considérée à ∆𝐼/ (et non
∆𝐼/ , car ∆𝐼 est une amplitude crête-à-crête et non simplement crête).
Ce concept est illustré sur la figure 2.18.
Chapitre 2 83
∆𝐼/
𝑓
0𝑓
𝑑é𝑐Figure 2.18 - Simplification du contenu harmonique pour le calcul des pertes Joules avec
l'effet de peau
Nous estimons la résistance à 𝑓
0, 𝐸𝑠𝑟
𝐿, comme la résistance simple, sans effet de
peau :
𝐸𝑠𝑟
𝐿𝜌
𝑟𝑒𝑠,𝐶𝑢𝑁 𝑙
𝑠𝑝𝑖𝑟𝑒𝑆
𝑓𝑖𝑙Pour la résistance à 𝑓
𝑑é𝑐, 𝐸𝑠𝑟
𝐿′, nous allons calculer la surface 𝑆
𝑓𝑖𝑙′qui assure la
circulation effective du courant haute fréquence, à l’aide de l’épaisseur de peau 𝛿 :
𝛿 √ 𝜌
𝑟𝑒𝑠,𝐶𝑢 0𝜋 𝑓
𝑑é𝑐𝑎𝑣 𝑐 µ
0𝑝 𝑟𝑚é𝑎𝑏 𝑙 𝑡é 𝑑𝑢 𝑣 𝑑
𝑆
𝑓𝑖𝑙′𝜋
𝑓𝑖𝑙 2−𝜋 (
𝑓𝑖𝑙− 𝛿)
2𝜋 (
𝑓𝑖𝑙− 𝛿) 𝛿
𝐸𝑠𝑟
𝐿′𝜌
𝑟𝑒𝑠,𝐶𝑢𝑁 𝑙
𝑠𝑝𝑖𝑟𝑒𝑆
𝑓𝑖𝑙′, 𝑠𝑎𝑐ℎ𝑎𝑛𝑡 𝑞𝑢 ∀ 𝑓
𝑑é𝑐∈ [ 𝑘, 𝑘𝐻𝑧] ∶ 𝑆
𝑓𝑖𝑙 ′𝑆
𝑓𝑖𝑙Nous calculons les pertes Joules 𝑃
𝐽𝑜𝑢𝑙𝑒𝑠à l’aide des résistances 𝐸𝑠𝑟
𝐿et 𝐸𝑠𝑟
𝐿′ et des
courants efficaces qui leur correspondent :
𝑃
𝐽𝑜𝑢𝑙𝑒𝑠𝐸𝑠𝑟
𝐿𝐼
𝐴𝐶2𝐸𝑠𝑟
𝐿′(∆𝐼/
√ )
Chapitre 2 84
Nous rappelons que la densité de courant 𝐽 influe sur 𝑆
𝑓𝑖𝑙et
𝑓𝑖𝑙, et donc sur les
pertes Joules. Ainsi, l’optimisation devra trouver le meilleur compromis entre gain de
masse (cf. partie 2.4.5.4) et réduction des pertes Joules, pour chacune des inductances du
côté alternatif.
2.4.6.2. Estimation des pertes fer dans les tores magnétiques
2.4.6.2.1. Introduction des modèles de pertes fer
Lors des variations de champ magnétique au sein d’un matériau magnétique, des
pertes sont générées. Ce sont les pertes fer. Ces pertes dépendent du matériau
magnétique considéré et de l’allure du champ 𝐵 en son sein. Nous rappelons que l’allure
du champ 𝐵 est directement reliée à l’allure du courant.
Nous avons dû mettre en place des modèles différents, selon l’inductance
considérée.
Les inductances de mode différentiel du côté alternatif, i.e. les inductances de
boost et de mode différentiel du filtre CEM, reçoivent un courant alternatif avec une
ondulation de courant. Les pertes fer seront calculées à l’aide de l’Improved Generalized
Steinmetz Equation (iGSE) [Venkatachalam-02].
Les inductances de mode commun sont excitées par les courants de mode
commun. Un modèle simple de pertes fer a été mis en place pour les inductances de mode
commun des filtres CEM, côté alternatif et continu.
Enfin, nous avons choisi de négliger les pertes fer des inductances de mode
différentiel du côté continu, car les variations du courant continu sont relativement
faibles.
Ces différences sont résumées dans le tableau 2.8, extrait du tableau 2.6.
Chapitre 2 85
2.4.6.2.2. Modèles des pertes fer des inductances de mode différentiel du
côté alternatif (𝐿
𝑏𝑜𝑜𝑠𝑡, 𝐿
𝑀𝐷,𝐴𝐶)
Du côté AC du convertisseur, les variations du courant entrainent des pertes fer
au sein des tores des inductances de mode différentiel : inductances de boost et
inductances de mode différentiel du filtre CEM. Ces pertes sont amplifiées par les
ondulations de courant. Afin de prendre en compte ce phénomène, nous allons utiliser
l’iGSE (Improved Generalized Steinmetz Equation) [Venkatachalam-02] pour le calcul des
pertes fer.
Ce calcul nécessite les coefficients de Steinmetz du matériau et l’allure du champ
magnétique 𝐵 au sein du tore.
Le problème c’est que nous n’avons pas une bonne connaissance de ces éléments.
Notre modèle nécessite alors plusieurs extrapolations et approximations qui éloignent les
calculs de la réalité. Cependant, il faut savoir que, l’iGSE n’est pas un calcul exact, mais une
approximation qui tente de représenter les pertes fer dans le cas d’allures complexes de
champ 𝐵, i.e. de courant.
a. Extrapolation des coefficients de Steinmetz
Les calculs de pertes fer utilisent les coefficients de Steinmetz (notés 𝑘, 𝑎 et b)
propres au matériau considéré. La formule de Steinmetz des pertes fer volumiques
𝑃
𝑓𝑒𝑟,𝑣𝑜𝑙, en présence d’un courant sinusoïdal entrainant un champ magnétique alternatif
d’amplitude 𝐵 et de fréquence 𝑓 est le suivant :
𝑃
𝑓𝑒𝑟,𝑣𝑜𝑙𝑘 𝑓
𝑎𝐵
𝑏Dans le catalogue choisi, chaque matériau a des coefficients différents. Ils sont
donnés en considérant les unités non conventionnelles suivantes, dans la formule de
Steinmetz :
𝐵 (𝑇) , 𝑓 (𝑘𝐻𝑧) , 𝑃
𝑓𝑒𝑟,𝑣𝑜𝑙(𝑚𝑊/𝑐𝑚 )
Sur la figure 2.19, nous montrons les différents coefficients en fonction des
perméabilités magnétiques du catalogue.
Chapitre 2 86
Figure 2.19 - Coefficients de Steinmetz aux différentes perméabilités magnétiques du
matériau High Flux
Nous voyons qu’aucune extrapolation physique n’en ressort. Nous avons alors
choisi d’utiliser une moyenne de ces coefficients :
𝑘 ; 𝑎 , ; 𝑏 ,
Ainsi, pour toutes les perméabilités, nous aurons les mêmes caractéristiques de
pertes. Sur la figure 2.20, nous comparons les résultats obtenus par les lois données dans
la datasheet, avec les résultats obtenus avec nos coefficients de Steinmetz moyennés.
Chapitre 2 87
, 𝑇
,9
,
,
,
, 9
, 𝑇
,
,
,
,
,
Figure 2.20 - Pertes fer par l’équation de Steinmetz, à 20 kHz et 50 kHz : comparaison
entre les lois données pour chaque perméabilité du matériau High Flux et la loi extrapolée
Nous voyons bien que nos coefficients de Steinmetz moyennés sous-estiment les
pertes de certains matériaux et surestimeront pour les autres.
Il sera toujours possible d’utiliser les véritables coefficients a posteriori et de
réajuster le dimensionnement de l’inductance, le cas échéant.
Nous avons souhaité nous rapprocher des unités suivantes pour nos calculs :
𝐵 (𝑇) , 𝑓 (𝐻𝑧) , 𝑃
𝑓𝑒𝑟,𝑣𝑜𝑙(𝑊/𝑐𝑚 )
Pour cela, nous avons la relation suivante :
𝑃
𝑓𝑒𝑟,𝑣𝑜𝑙(𝑊 𝑐𝑚 ) 𝑃
𝑓𝑒𝑟,𝑣𝑜𝑙(𝑚 𝑊 𝑐𝑚 )
−𝑘 𝑓(𝑘𝐻𝑧)
𝑎𝐵(𝑇)
𝑏−
𝑘 𝑓(𝐻𝑧)
𝑎