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1.8 Démouillage inertio-capillaire

1.8.2 Modèle de Taylor-Culick

Vitesse d’ouverture des trous

Lors du démouillage, on peut schématiser le processus par un bourrelet de fluide qui avance à la vitesse vCu, mu par les deux interfaces libres du film liquide comme l’illustre la Figure 1.21. On peut effectuer un bilan de quantité de mouvement sur un bourrelet fluide de longueur dr :

d(mv)

Figure 1.20 – Extrait de [99]. Rayon d’un trou de démouillage en mm en fonction du temps exprimé en trame à raison d’une acquisition à2720 trame/s. La droite correspond à une vitesse de700 cm/s.

2γdr tient compte du rappel capillaire exercée par les deux interfaces, supérieure comme inférieure.

On peut alors exprimer le flux de masse entrant dans l’élément de bourrelet en fonction de la géométrie du problème :

dm

dt = ρvCuhdr

où ρ est la masse volumique du liquide et h l’épaisseur du film liquide. Le modèle de

Culick admet une solution à vitesse constante qui s’écrit :

vCu =



ρh. (1.9)

Cette expression dépend de l’épaisseur du film, de la tension de surface, γ et de la masse volumique, ρ. Ces grandeurs justifient le qualificatif d’« inertio-capillaire ».

De façon alternative, un raisonnement concurrent par conservation d’énergie a également été proposé, que nous présenterons brièvement ci-après.

Bilan énergétique

On considère alors un élément du film liquide dont l’énergie de surface se transforme totalement en énergie cinétique au cours du rappel. On peut alors exprimer dEc et dEs les accroissements respectifs d’énergie cinétique de l’élément en translation et d’énergie de surface :

dEc = 1 2dmv 2 Cu, dEs= 2γdS, où dS = dm ρh,

ce qui aboutit à l’expression

vCu =



ρh.

Cette expression de la vitesse du rappel inertio-capillaire diffère d’un facteur

2 de la pré-cédente. Cependant, les résultats [97, 99] montrent que c’est bien l’expression de l’équation 1.9 qui correspond aux relevés. On en déduit ainsi qu’il n’y a pas de conservation énergétique lors du rappel inertio-capillaire. On peut supposer que comme pour l’étalement maximal d’une goutte sur surface superhydrophobe [91], une recirculation va se développer dans le bourrelet en rétractation et causer de la dissipation visqueuse. Buguin et al. [101] ont montré que pour le démouillage sur une surface lisse, des ondes inertio-capillaires précèdent le bourrelet lors de son avancée. La piste de résistance de vague en amont du bourrelet peut aussi être source de dissipation. Dans ce cas, le cisaillement de fluide a lieu à de très petites échelles juste en amont du bourrelet.

On retiendra donc que lorsqu’il y a rupture d’un film liquide, un bourrelet se rétracte à la vitesse constante vCu =ρh, où γ est la tension de surface du fluide, ρ sa masse volumique et

h son épaisseur. Cette vitesse ne tient pas compte du processus initial qui permet de rompre

la lamelle. Les travaux de Taylor [96] permettent par ailleurs de donner un critère d’apparition des trous de démouillage.

Stabilité des films liquides et critère de croissance d’un trou

On a montré que la vitesse de croissance d’un trou prend une valeur précise. Cependant, on n’a pas étudié sous quelles conditions le trou était amené à se former. Taylor et al. ont réalisé des travaux [96] sur la rupture de films de liquide. Lors d’expériences, ils percent localement un film de mercure au moyen de poinçons de rayon fixé. Les auteurs montrent qu’il existe alors un rayon critique en dessous duquel les trous percés dans le film se referment spontanément et au-dessus duquel les trous percés s’ouvrent. Ce rayon critique dépend de l’épaisseur du film de mercure à percer.

Afin de prédire la stabilité de trous dans une lamelle à interfaces libres, Taylor et al. modélisent une lamelle rompue par un profil de caténoïde. C’est ce profil qui correspond à la surface à l’équilibre d’un film liquide arrimé au bords de deux cerceaux parallèles et annulant sa courbure. Dans ce modèle on considère qu’une lamelle percée adopte un profil caténoïde étiré par rapport à sa position d’équilibre. Cela implique qu’un trou affecte le profil d’épaisseur sur toute son étendue pour répartir la courbure. Or de telles déformations de surface à grande échelle ne peuvent pas se déplacer plus rapidement que la vitesse des ondes capillaires dans le film. C’est pourquoi on préfère un critère avancé par Lastakowski [35], selon lequel le trou ne déforme que localement la lamelle, comme sur la Figure 1.22.

b

h

h/2

L

Figure 1.22 – Schéma en coupe transversale de la lamelle percée d’épaisseur h, affectée sur le diamètre b. En rouge apparaît la surface de l’interface sur une zone de rayon fixe, L.

Dans ce modèle, le bord du trou correspond à un demi-tore de révolution, dont le petit rayon vaut h2 et le grand rayon vaut b. En d’autres termes le trou n’affecte la lamelle que sur une taille de l’ordre de b. On considère alors l’énergie de surface d’une lamelle percée comprise dans une boîte cylindrique fixe de rayon L. Cette énergie Es s’exprime alors : Es = 2πγL2 b2 4  + γπ2h b 2 h π 

. Le critère de croissance d’un trou est donné par ∂Es

∂b = 0 et aboutit à h b < 2 π ≈ 0, 637.

Lorsque la lamelle est plus fine que le critère 0, 637b, percer un trou minimise sa surface. Lorsqu’elle est plus épaisse que le critère, percer un trou augmente la surface. Ainsi, lorsque l’on perce un trou trop petit par rapport à l’épaisseur de film, celui ci se referme spontanément. Cela corrobore les observations de Taylor et al. sur l’ouverture d’un film de mercure [96]. Quantitativement, les travaux de Taylor et al. font intervenir des intégrations numériques,

réalisées par Latham, et ne donnent pas de formule explicite du rayon critique d’un trou en fonction de l’épaisseur de lamelle. Malheureusement, les profils de rayon critique présentés dans l’article [96] ne remontent pas jusqu’à des épaisseurs aussi fines que celles rencontrées en impact (valeur typique entre 10 et 100μm). Les courbes b(h), où b est le rayon critique d’ouverture des trous et h l’épaisseur du film, n’affichent pas de dépendance linéaire, contrairement au modèle local qui aboutit à hb < π2.

Un autre modèle de type h∝ b pour le critère d’apparition des trous est avancé dans les

travaux de Biance et al. [95]. Exposons brièvement les résultats en question dans le contexte d’impact de goutte.