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Impacts de gouttes sur défauts et stabilité de la lamelle

1.8 Démouillage inertio-capillaire

1.8.3 Impacts de gouttes sur défauts et stabilité de la lamelle

Les impacts de gouttes permettent de générer des films minces de liquide. En effet, lors d’un impact, une lamelle s’établit et un bourrelet périphérique vient la border. En cas de rupture de la lamelle, on peut espérer observer un démouillage inertio-capillaire tel que décrit dans la partie précédente.

Description et phénoménologie

En jouant sur la texture de la surface, on peut rompre la lamelle et déclencher un dé-mouillage inertio-capillaire. Ainsi, Biance et al. [95] utilisent des défauts ponctuels pour poin-çonner la lamelle lors d’un impact en caléfaction. Le défaut, une bille de verre de diamètre variable, est fritté sur le substrat par cuisson. Lors d’un impact, le défaut sphérique parvient alors à nucléer un trou dans la lamelle comme l’illustre la Figure 1.23

Figure 1.23 – Impact d’une goutte d’Isopropanol de rayon 1 mm au nombre de Weber We = 170 sur un défaut de diamètre b = 400 μm.

Sur l’impact présenté, un trou nuclée dans la lamelle à partir du deuxième cliché. Cette rupture de la lamelle reste observable lorsque l’on excentre légèrement le défaut du point d’im-pact d’une distance d. Les images permettent alors de relever le temps auquel la lamelle se perce, ainsi que le rayon d’un trou.

Vitesse d’ouverture des trous

Lastakowski [35] a extrapolé des vitesses d’ouverture à partir des relevés du rayon du trou en fonction du temps. La Figure 1.24 est extraite de [35] et représente les vitesses d’ouverture

Figure 1.24 – Vitesses d’ouverture de trous en fonction de la distance entre défaut et point d’impact. Les impacts de goutte de rayon R0 = 1, 15 mm se font à We = 257.

en fonction de la distance entre défaut et point d’impact. On verra par la suite en quoi cette distance affecte le trou de démouillage.

Les résultat permettent de dégager une vitesse moyenne d’ouverture des trous de l’ordre de 0, 6m/s. Cette vitesse de démouillage peut être comparée à la vitesse d’ouverture via le mécanisme de rappel inertio-capillaire, vCu =ρh, construite à partir de l’épaisseur de lamelle notée h. L’estimation de l’épaisseur avec le modèle d’Eggers adapté sur les mesures retourne une valeur d’épaisseur de lamelle au moment de la nucléation de l’ordre de150μm, ce qui conduit à une vitesse de rappel vCu = 0, 54 m/s. Avec un écart de 10%, cette valeur modèle est en accord avec la vitesse de démouillage expérimentale. Puisque les vitesses concordent, nous pouvons nous intéresser à la stabilité de la lamelle.

Critère de rupture de la lamelle

On cherche ici à faire ressortir un critère de rupture de la lamelle, α tel que h = αb. Avec des considérations d’énergie de surface on a précédemment trouvé une valeur théorique

α = π2.Une première méthode consiste à comparer la vitesse d’ouverture expérimentale à la vitesse vb =ρb, construite à partir du diamètre du défaut, b= 202 μm. On peut alors déduire

α du rapport entre la vitesse moyenne mesurée expérimentalement de vouv = 0, 6m/s et la

vitesse théorique de vb = 0, 46m/s. La formule qui relie la vitesse de Taylor-Culick à l’épaisseur du film permet d’aboutir à : α= vb

vouv

2

. Cela nous permet de quantifier le critère de rupture de la lamelle : h= 0, 60b. Cette valeur est assez proche du critère théorique que l’on a introduit

précédemment αth= 2π ≈ 0, 637.

Une autre méthode pour estimer un critère de rupture α consiste à simplement comparer l’estimation de l’épaisseur de lamelle h ≈ 150μm au diamètre du défaut b = 202μm. Cela

aboutit au critère de rupture h = 0, 74b. Cette valeur, quoique plus éloignée de la valeur théorique αth = π2 que l’estimation précédente, demeure convenable. D’après les travaux de Lastakowski et al. [35], on peut conclure que le critère h= π2b semble être acceptable.

Jusqu’à présent, on a considéré que le rappel inertio-capillaire d’une goutte en impact était analogue à celui d’un film de liquide statique. Regardons comment l’écoulement de fluide dans la lamelle de fluide affecte néanmoins la dynamique du trou.

Advection du trou de démouillage par l’écoulement

Lorsque l’impact est légèrement excentré du défaut, le trou de démouillage est translaté vers l’extérieur. Lastakowski et al. relèvent le rayon du barycentre des trous de démouillage en fonction du temps pour différents impacts. Ils en dégagent alors une vitesse de translation initiale des trous comme le montre la Figure 1.25.

Figure 1.25 – Figure extraite de la thèse d’Henri Lastakowski. Vitesse de translation du barycentre d’un cercle de démouillage en fonction de l’excentricité, d, pour une série d’impacts R0 = 1, 15 mm et U0 = 2, 2 m/s.

La pente qui se dégage de cette courbe est à comparer au champ de vitesse dans la lamelle, qui pour un cercle s’ouvrant à t0 à la distance d, vaut v= td

0. Expérimentalement, le temps d’ouverture du cercle vaut t0 = 2, 05 ms et τ = 0, 52 ms. Théoriquement, la pente vtranslation

d =

1

t0 = 1/2, 57 = 0, 39 (ms)−1 ce qui correspond à la valeur expérimentale de0, 38 (ms)−1. En somme, l’écoulement advecte bien le centre des trous de démouillage à la vitesse de la lamelle,

v(r, t) = r t+τ.

Les travaux en impacts sur défauts réalisés précédemment dans l’équipe [95, 35] se sont donc surtout penchés sur la dynamique de rupture de la lamelle et ont montré que les trous suivent un rappel inertio-capillaire de Taylor-Cuclick. On pourra tout de même noter que les impacts sont réalisés dans une zone restreinte de 1 mm autour du défaut. Le cas des impacts plus excentrés n’a pas été abordé mais le sera dans le cadre de cette thèse.

Autres cas de démouillage avec des gouttes

Dans un des cas précités où les interfaces sont libres, on a évoqué les expériences d’impacts sur cibles. Les travaux de Vernay et al. [29] correspondent à cette situation. Dans ses travaux, Vernay utilise une émulsion comme liquide en impact pour déclencher la rupture de la lamelle. Les gouttes de liquide non-miscible génèrent des trous dans la lamelle lorsque celle-ci s’affine jusqu’à atteindre le diamètre des gouttelettes de l’émulsion. Ces travaux ont particulièrement mis l’accent sur la distribution des gouttelettes, en taille comme en nombre et ont montré que l’émulsion se fragmente en gouttelettes plus grosses qu’un fluide monophasique. Cette propriété trouve son intérêt dans l’épandage agricole, puisque les gouttelettes les plus grosses sont moins susceptibles de dériver hors des zones de culture.

Dans un autre contexte, on peut citer les travaux de Raufaste et al. [102] qui étudient des gouttes en régime de Leidenfrost confinées entre deux plaques surchauffées parallèles. Les goutte les plus larges sont susceptibles de se rompre. La dynamique d’ouverture des trous qui en résultent est alors dictée par un modèle de rappel inertio-capillaire. Mais dans ce cas, à cause du confinement, la périphérie de la goutte va affecter la dynamique d’ouverture du trou, qui ne peut plus être considéré comme isolé.

Pour finir sur les études récentes s’intéressant à des dynamiques de démouillage de lamelles liquides, on peut enfin citer les travaux de Chantelot et al. [72] qui consistent en des impacts de gouttes sur une surface lisse avec un défaut de plusieurs centaines de microns. Le substrat, défaut inclus, est traité par un revêtement superhydrophobe. Le défaut déclenche alors la rupture de la lamelle. Lorsque le trou de démouillage atteint le bourrelet périphérique, le rebond de la goutte a lieu. Lorsque les impacts sont centrés sur le défaut, le temps de contact peut être divisé par deux par rapport à un impact sans défaut. Dans ce cas, stimuler la nucléation de trou dans la lamelle permet diminuer le temps de contact de la goutte.

Les textures permettent donc de jouer sur le temps de contact de la goutte par des phé-nomènes de rupture, ce qui renforce l’influence de la texture sur l’impact. Maintenant que nous avons fait le tour des phénomènes physiques que l’on peut rencontrer lors d’un impact en caléfaction, présentons un dernier exemple de couplage liquide/substrat qui va introduire les motivations et problématiques précises de ce travail de thèse.