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Chapitre 9 : Structuration des valeurs extrêmes

III. Application des modèles isofactoriels

III.2. Modèle de Laguerre

Limitation de la modélisation gaussienne

La Figure 87 semble montrer une plus forte structuration des valeurs fortes que des valeurs faibles. Cette observation est confirmée par les variogrammes des indicatrices de la Figure 88. La fonction indicatrice vaut 1 si et 0 sinon. Sur la figure, les variogrammes sont calculés, non pas par rapport à des niveaux de signal émergent, mais par rapport à une fréquence cumulée (ainsi, code l’information des mesures surfaciques par 0 si la valeur mesurée fait partie des 16 % des valeurs les plus faibles, et les autres points par 1). Les paliers sont normés à partir de la proportion considérée. Dans le cas gaussien, les variogrammes associés à P16 et P84 doivent être identiques (symétrie des Pω et P1-ω) ; il doit en aller de même pour les variogrammes associés à P6,7 et P93,3 ou à P2,5 et P97,5. Ce n’est manifestement pas le cas ici.

De plus, il a été observé au Chapitre 8 §III que la modélisation de la distribution marginale des données à partir de la loi gaussienne était maladroite pour les valeurs faibles (oscillations non souhaitées du fait du développement avec les polynômes d’Hermite). Ce problème est directement lié à la forte dissymétrie de l’histogramme des données. La loi gaussienne utilisée comme loi marginale est assez éloignée de celle des données brutes et le développement polynomial ne se stabilise pas à partir d’un certain ordre : les coefficients oscillent autour de zéro sans toutefois devenir négligeables (voir également Figure 85).

Loi gamma et polynômes de Laguerre

Les différents éléments présentés montrent les limites de l’utilisation d’une distribution mar- ginale gaussienne. Dans ce cas, la distribution gamma est alors généralement employée. La loi marginale est une loi gamma réduite, définie sur , qui dépend d’un paramètre de forme posi- tif. La densité de probabilité gamma de paramètre s’écrit :

L’espérance et la variance d’une variable gamma de paramètre sont toutes deux égales à . Le choix du paramètre permet d’obtenir des formes relativement différentes pour la loi margi- nale (Figure 89) : fonction infinie en 0 et décroissante sur pour , loi exponentielle pour et courbe en cloche s’annulant en 0 pour . Pour des valeurs relativement grandes de , la loi gamma converge vers la loi normale.

Figure 89 : Loi gamma pour différentes valeurs du paramètre .

A l’instar des polynômes d’Hermite pour la densité gaussienne, les polynômes de Laguerre sont associés à la loi gamma et dépendent du paramètre . Ils sont également définis par la formule de Rodrigues :

Chapitre 9 : Structuration des valeurs extrêmes

Les polynômes de Laguerre de paramètre peuvent aisément être calculés à partir de et et de la relation de récurrence pour les ordres supérieurs :

Une base orthonormée est obtenue par multiplication par le facteur . L’utilisation des polynômes de Laguerre dans les modèles isofactoriels se fait à travers le dé- veloppement polynomial de l’anamorphose gamma des données (Hu and Lantuejoul, 1988). La principale différence avec l’anamorphose gaussienne réside dans le choix du paramètre de la loi gamma. Ce degré de liberté permet de mieux modéliser la dissymétrie de l’histogramme des don- nées brutes ainsi que la structuration des valeurs fortes. Plusieurs critères ont été proposés pour déterminer ce paramètre par rapport à la distribution statistique des données.

Influence du paramètre

Afin de comparer la modélisation de la structuration des valeurs fortes, plusieurs valeurs de paramètre sont choisies dans une large gamme allant de 0,1 à 5. Comme attendu, l’utilisation d’un paramètre fournissant une loi avec une forte dissymétrie, proche de celle des données brutes, conduit à un développement polynomial avec seulement une quinzaine de coefficients significatifs. Cela concerne typiquement les valeurs de inférieures à 0,5. Pour des valeurs supé- rieures, le développement polynomial a plus de mal à converger et une oscillation de la valeur des coefficients peut être observée (Figure 90).

Figure 90 : Evolution des coefficients du développement par les polynômes de Laguerre en fonction de la valeur du paramètre .

La détermination du paramètre de structuration des valeurs fortes est réalisée par comparai- son des points expérimentaux du variogramme et du madogramme (Figure 91). Pour un paramètre d’anamorphose supérieur à 0,5, les points expérimentaux sont globalement en adéquation avec

une valeur de 2,5 (comparable à celle obtenue en modèle hermitien, avec une loi marginale gaussienne). Pour des valeurs du paramètre inférieures à 0,5, la valeur du paramètre diminue progressivement, se rapprochant ainsi d’une valeur nulle, associée au modèle mosaïque.

Figure 91 : Détermination du paramètre par comparaison des points expérimentaux du variogramme et du madogramme pour la transformée gamma des mesures surfaciques pour un paramètre de 0,2 (à gauche) et de 2 (à droite).

L’alignement des points expérimentaux sur les courbes théoriques en modèle bêta est moins satisfaisant en modèle de Laguerre qu’en modèle hermitien. En effet, les premiers points expéri- mentaux indiqueraient un paramètre plus faible que celui ajusté pour les points suivants. Ceci est d’autant plus vrai lorsque le paramètre est relativement faible.

Quant aux variogrammes obtenus en modèle de Laguerre (Figure 92), ils montrent une struc- turation spatiale de la grandeur d’étude qui se dégrade lorsque la valeur du paramètre diminue : la variabilité à petite échelle est plus importante et la variabilité à plus grande distance tarde à atteindre la variance expérimentale.

Figure 92 : Variogrammes expérimentaux pour la transformée gamma des mesures surfaciques pour un paramètre de 0,2 (à gauche) et de 2 (à droite).

Chapitre 9 : Structuration des valeurs extrêmes

Ainsi, le choix du paramètre s’orienterait, dans un premier temps, plutôt vers des valeurs re- lativement faibles (<0,5) par rapport à l’allure de la distribution statistique des données. Mais le paramètre de structuration des valeurs extrêmes en modèle bêta est alors relativement faible (<1), se rapprochant ainsi du modèle mosaïque. De plus, la structure spatiale se détériore : la variabilité spatiale est plus importante dès les petites distances et son augmentation moins forte.

En revanche, le choix d’un paramètre supérieur à 1 n’apporte pas de grandes différences par rapport à la loi gaussienne pour ce qui est du paramètre de structuration des valeurs extrêmes comme pour la structure spatiale observée sur les différents variogrammes. Ceci concorde avec le fait que la loi gamma converge vers une loi gaussienne pour un paramètre grand.

Comparaison entre modèle de Laguerre et modèle hermitien

Le krigeage disjonctif est réalisé en modèle de Laguerre avec un paramètre de forme de 0,2 pour l’anamorphose gamma et un paramètre de structuration des valeurs extrêmes de 1. Il est réalisé de la même manière que précédemment : tour à tour, un quart des données est retiré puis ré-estimé. Ce krigeage disjonctif est comparé à la vraie valeur connue aux points de validation, et au krigeage disjonctif obtenu en modèle hermitien avec un paramètre de 2,5 (Figure 93). Les erreurs par rapport à la vraie valeur sont très semblables pour les deux modèles : leur corrélation linéaire est bonne avec un coefficient de régression de 0,965. Toutefois, la moyenne des erreurs à la vraie valeur est quasiment nulle en modèle de Laguerre alors qu’elle était légèrement négative en modèle hermitien. De plus, la moyenne des erreurs quadratiques baisse d’environ 12 %.

Figure 93 : Histogramme de la différence entre le krigeage disjonctif en modèle de Laguerre et la vraie valeur de la mesure surfacique (à gauche). Histogramme de la différence entre les deux krigeages dis- jonctifs en modèle bêta (à droite).