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Nous venons de voir que les chercheurs admettent que les rendements des actifs finan- ciers doivent intégrer une prime de liquidité. L’approche traditionnelle consiste à consi- dérer une prime de liquidité statique qui affecte le rendement des actifs. En outre, la plupart du temps, on considère que le risque de liquidité est lié au niveau d’illiquidité de l’actif, et non à la dynamique de la liquidité. Or, comme l’affirme Persaud (2003)[283] : "le principal défi n’est pas le niveau moyen de la liquidité financière... mais sa variabilité et son incertitude". Le LCAPM apporte une réponse à ce défi car il établit un cadre dans lequel le niveau de liquidité ainsi que la variabilité ont un impact sur le prix des actifs.

Acharya et Pederson (2005)[3] s’intéressent à la manière dont le rendement espéré d’un actif dépend de son coût d’illiquidité relatif, défini comme :

ci,t =

Ci,t

Pi,t−1

,

de son rendement du marché, et de la liquidité (ou illiquidité) relative du marché définie par : cm,t = P iSiCi,t P iSiPi,t−1

Pour déterminer les prix d’équilibre, le LCAPM s’appuie sur le modèle traditionnel du CAPM dans lequel les agents maximisent leur utilité espérée sous une contrainte de richesse dans un cadre thèorique sans frictions. En réécrivant le CAPM à un bêta en rendement net, c’est à dire en tenant compte des couts d’illiquidité, on obtient un CAPM ajusté en fonction de la liquidité. La version conditionnelle du LCAPM considère que les variables sont conditionnées par l’information disponible en t. Elle s’écrit de la manière suivante :

E

t

(r

i,t+1

− c

i,t+1

) = r

f

+ E

t

(r

m,t+1

− c

m,t+1

− r

f

).

Covt(ri,t+1−ci,t+1,rm,t+1−cm,t+1)

V art(rm,t+1−cm,t+1) (3.1)

posante de risque de marché, trois termes de covariance qui sont liés aux coûts de tran- sactions1 :

Et(ri,t+1) = rf +Et(ci,t+1) + λtV arCovt(ri,t+1,rm,t+1)

t(rm,t+1−cm,t+1) + λt Covt(ci,t+1,cm,t+1) V art(rm,t+1−cm,t+1) −λt Covt(ri,t+1,cm,t+1) V art(rm,t+1−cm,t+1)− λt Covt(ci,t+1,rm,t+1) V art(rm,t+1−cm,t+1) (3.2) La prime de risque est donnée par :

λt= E(λt) = E(rm,t− cm,t− rf) (3.3)

Et(ci,t+1) est le coût de transaction espéré, évoqué par Amihud et Mendelson (1986)2,

qui accroît le rendement requis car les investisseurs demandent une compensation pour l’achat d’un actif avec des coûts de transaction associés.

Comme dans le CAPM standard, le rendement requis d’un actif augmente linéaire- ment avec le bêta du marché, c’est-à-dire la covariance entre le rendement de l’actif et le rendement du marché. Ce modèle fait apparaître trois facteurs de risque supplémentaires qui peuvent être considérés comme trois formes de risques de liquidité. Ces trois facteurs sont :

1. Covt(ci,t+1, cm,t+1) : En vertu de ce premier facteur de risque, le rendement requis

augmente avec la covariance entre l’illiquidité de l’actif et l’illiquidité du marché car les investisseurs demandent à être récompensés pour la détention d’un titre qui devient illi- quide lorsque le marché manque de liquidité.

Ce facteur de risque découle de la présence des facteurs communs de liquidité (commo- nality in liquidity) qui varient dans le temps. L’effet commun de la liquidité est décrit par Chordia et al. (2000)[92] et Hasbrouck et Seppi (2000)[173]. Ces auteurs constatent que l’illiquidité de la plupart des actions est positivement liée à l’illiquidité du marché, de sorte que le rendement requis devrait être augmenté par l’effet de la liquidité commune. Brockman et Chung (2002)[68] concluent à l’existence de facteurs communs de liquidité à la bourse de Hong Kong. Hasbrouck et Seppi (2001)[173] se servent de l’analyse en composantes principales (ACP) pour identifier ces facteurs communs de la liquidité. En général, les facteurs communs de la liquidité sont des événements (krach boursier par

1. On peut démontrer que la covariance Covt(ri,t+1− ci,t+1, rm,t+1− cm,t+1) peut se réécrire comme :

Covt(.) = E [(ri,t+1− ci,t+1)(rm,t+1− cm,t+1)] − E [ri,t+1− ci,t+1] E [rm,t+1− cm,t+1]

= E [ri,t+1rm,t+1+ ci,t+1cm,t+1− ri,t+1cm,t+1− rm,t+1ci,t+1] − (E [ri,t+1] − E [ci,t+1]).(E [rm,t+1] − E [cm,t+1])

= Covt(ri,t+1rm,t+1) + Covt(ci,t+1− cm,t+1) − Covt(ri,t+1− cm,t+1) − Covt(rm,t+1− ci,t+1)

2. Amihud et Mendelson (1986) étudient la valorisation des actifs en considérant les coûts d’illiqui-

dité comme une caractéristique et Acharya et Pederson (2005)[3] étudient la valorisation du "risque"

exemple) ou des variables observables par tous les investisseurs (comme les taux d’intérêt du marché ou la volatilité) qui font varier de manière simultanée la liquidité de tous les actifs. Par exemple, Roll (1988)[292] et Amihud et al. (1990)[15] montrent que le krach boursier de 1987 a provoqué une réduction de la liquidité commune à tous les titres. Ces auteurs estiment que les rendements chutent en raison de la révision à la baisse des anti- cipations des investisseurs vis à vis de la liquidité.

En présence de ce facteur de risque, un investisseur préférerait négocier des titres dont la liquidité n’évolue pas en même temps que la liquidité du marché. Par conséquent, il exigerait une prime pour les actifs présentant une covariance positive entre l’illiquidité individuelle et celle du marché.

2. Covt(ri,t+1, cm,t+1) : Le deuxième facteur qui impacte les rendements espérés est dû

à la co-variance entre le rendement d’un titre et la liquidité du marché. Ce facteur a un effet négatif sur les rendements exigés puisque les investisseurs sont disposés à accepter un moindre rendement sur un actif dont le rendement est élevé en période d’illiquidité du marché. Ce facteur de risque apparaît également (mais implicitement) dans le mo- dèle théorique de Holmstrom et Tirole (2000)[187]. Empiriquement, Pastor et Stambaugh (2003)[279], constatent que le rendement moyen des actions très sensibles à la liquidité du marché dépasse celui des actions peu sensibles à la liquidité du marché.

3. Covt(ci,t+1, rm,t+1) : Ce troisième facteur est dû à la covariation entre l’illiquidité

d’un titre et le rendement du marché. Il découle de la disposition des investisseurs à ac- cepter un rendement espéré inférieur sur un titre qui est liquide lorsque le marché est à la baisse. En effet, la possibilité de liquider facilement un actif est d’autant plus appré- ciée quand le marché est baissier, puisqu’il est plus difficile de sortir du marché dans ces conditions sans subir des coûts considérables. Par conséquent, un investisseur est prêt à accepter un rendement moins élevé sur des actions dont le coût d’illiquidité est faible dans des conditions défavorables de marché (voir Ljungqvist et Richardson (2003)[241] pour les implications de ce facteur de risque le plan économique).

En supposant des variances conditionnelles constantes et une prime de risque constante, Acharya et Pederson (2005)[3] présentent un modèle LCAPM inconditionnel qui s’écrit comme :

Et[ri,t− ci,t] − rf = ˇβi(Et[rm,t− cm,t] − rf) (3.4)

Cette équation montre que la prime de risque nette d’un actif, c’est-à-dire la prime de risque moins le coût des liquidités, est égale à son bêta multiplié par la prime de risque nette du marché. Toutefois, le bêta de cette formule est différent de celui de la formule

du CAPM, car il est fonction de la liquidité de l’actif et de la liquidité du marché. Ainsi : ˇ

βi =

Cov(ri,t− ci,t, rm,t− cm,t)

V ar(rm,t− cm,t)

(3.5) De la même manière que le modèle LCAPM conditionnel, on peut décomposer la cova- riance Cov(ri,t − ci,t, rm,t− cm,t) en quatre facteurs de risque, ce qui amène finalement à

l’expression du LCAPM inconditionnel :

Et(ri,t− rf) = Et(ci,t) + λβ1,i+ λβ2,i− λβ3,i− λβ4,i (3.6)

Où les coefficients bêtas du modèle sont définis par : β1,i = Cov(ri,t, rm,t) V ar(rm,t− cm,t) (3.7) β2,i = Cov(ci,t, cm,t) V ar(rm,t− cm,t) (3.8) β3,i = Cov(ri,t, cm,t) V ar(rm,t− cm,t) (3.9) β4,i = Cov(ci,t, rm,t) V ar(rm,t− cm,t) (3.10) Si on interprète le premier Béta comme la mesure relative au risque de marché, l’effet combiné des risques de liquidité est alors égal à β5,i = β2,i− β3,i− β4,i. Le modèle peut se

réécrire comme :

E(ri,t− rf) = E(ci,t) + λ1β1,i+ λ5β5,i (3.11)

L’effet agrégé du risque systématique est de ˇβ6,i = β1,i+ β2,i− β3,i− β4,i. En définitive,

le LCAPM est exprimé de la manière suivante :

E(ri,t − rf) = E(Ci,t) + λ6βˇ6,i (3.12)

Le modèle Acharya-Pedersen illustre très bien certains faits stylisés concernant cer- taines classes d’actifs comme les obligations d’entreprises ou les actions de petites capi- talisations par exemple. Sur le plan empirique, Achraya et Pedersen (2005)[3] arrivent à certaines conclusions intéressantes :

— Un titre moins liquide possède un risque de liquidité élevé en période de crise. Ceci va en parallèle avec un phénomène courant observé sur les marchés : la course à la liquidité (flight to liquidity).

risque de liquidité la plus importante.

— Le LCAPM possède un pouvoir explicatif plus élevé que le CAPM standard. L’amé- lioration du modèle CAPM ne doit pas se faire donc en ajoutant des variables explicatives supplémentaire, mais par une meilleure spécification du modèle.

Liu (2006)[240] a proposé une autre spécification du modèle et a construit un modèle à deux facteurs basé sur le CAPM plus le facteur IML (Illiquid Minus Liquid) qui saisit le risque de liquidité. Le modèle à deux facteurs implique que l’excès de rendement prévu d’un actif s’explique par la covariance de son rendement avec les deux facteurs : le marché et la liquidité. Le modèle de Liu (2006)[240] s’écrit ainsi comme :

E(ri,t− rf,t) = βm,i[E(rm,t) − rf,t] + λiE(IM L) (3.13)

Où E(RM) est la valeur espérée du rendement du marché, et E(IML) est la valeur

espérée de facteur de liquidité IML. En effet, Liu (2006)[240] a classé les actifs en fonction de leur illiquidité, puis a constitué deux portefeuilles, le portefeuille à faible liquidité et le portefeuille à forte liquidité. Ainsi, le facteur IML (Illiquid Minus Liquid) est le rendement moyen d’un portefeuille illiquide, moins le rendement moyen d’un portefeuille liquide.