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Membranes mammifères Membranes bactériennes♦ fi fi
Cholestérol Phospholipides zwitterioniques
Introduction
IV.3.6 Sélectivité cellulaire
Les approches pour explorer la spécificité cellulaire du LL-37 et la compréhension
moléculaire de l’interaction des PAM avec les membranes impliquent généralement une
modélisation de la membrane bactérienne et eucaryote (Wimley et Hristova, 2011). L’étude
de la sélectivité cellulaire des PAM est un concept complexe qui nécessite la considération de
divers facteurs dont la charge, la composition et la distribution lipidique et la rigidité (stérols)
de la membrane (Sevcsik et al., 2008 ; Alba et al., 2012). Les LPS (Gram négatif) et les acides
teïehoiques (Gram positif) chargés négativement contribuent à l’interaction favorable du
peptide cationique avec la membrane bactérienne par opposition aux membranes humaines
qui sont généralement non chargées ou composées de lipides zwitterioniques comme la
phosphatidylcholine et les sphingolipides. La présence de cholestérol dans les membranes
eucaryotes, qui a pour fonction de stabiliser la membrane, protège les membranes humaines
de l’attaque par le LL-37 (Sood et Kinnunen, 2008). Le potentiel de membrane (potentiel
transmembranaire) des bactéries est significativement plus négatif (-130 à -150 mV) que celui
de cellules mammifères (-90 à -110 mV) et peut contribuer à une plus grande affinité des
PAM pour ces membranes (Yeaman et Yount, 2003).
Malgré les études sur bicouches lipidiques en faveur d’une préférence du LL-37 pour
les membranes bactériennes (Neville et al., 2006 ; Zhang et al., 2010), la spécificité du LL-37
à distinguer les cellules eucaryotes et bactériennes est relativement faible (Vandamme et al.,
2012). Le peptide LL-37 peut donc aussi être toxique sur les cellules eucaryotes. Cependant
les concentrations cytotoxiques sont généralement plus élevées que les concentrations
requises pour éliminer le pathogène (Kai-Larsen et Agerberth, 2008).
IV.4 DES PEPTIDES QUI CONTOURNENT LA RESISTANCE
BACTERIENNE
Les antibiotiques modernes sont sujets à de sévères et croissants problèmes de
résistance (Falconer et al., 2011 ; Fabbretti et al., 2011). Face à l’apparition de souches
multirésistantes aux antibiotiques conventionnels, les PAM suscitent un intérêt majeur, une de
leur principale force étant de contourner la résistance aux antibiotiques conventionnels.
Malgré quelques moyens mis en jeu par les bactéries pour résister à l’attaque par les PAM, de 49
nombreuses études soulignent la difficulté pour la bactérie de développer une résistance à
long terme envers ces derniers.
Leur potentiel à surmonter la résistance bactérienne repose sur le fait qu’ils sont
d’anciens composants des espèces vivantes et leurs voies d’induction dans tous les
organismes sont conservées (Shai, 2002). Vraisemblablement, les bactéries ont été exposées
aux PAM pendant des millions d'années et, à l'exception de quelques espèces comme
Burkholderia spp (Loutet et Valvano, 2011), aucune résistance généralisée n’a été signalée.
Ceci explique que ces peptides sont potentiellement des points de départ rationnels pour la
conception de médicaments (Fjell et al., 2012). Contrairement aux PAM, les antibiotiques
conventionnels n’endommagent pas la membrane bactérienne directement mais pénètrent au
niveau de l’organisme cible et agissent sur des cibles spécifiques, comme l’inhibition de la
synthèse du peptidoglycane membranaire, l’induction d’autolysines intrinsèques, la cassure de
l’ADN suite à l’inhibition de l’ADN gyrase, l’arrêt de la division cellulaire etc. (Hancock et
Rozek, 2002). Dans de telles conditions, la morphologie bactérienne est préservée et les
bactéries sont capables de développer un mécanisme de résistance. Au contraire, la plupart
des PAM interagissent avec le pathogène par un mécanisme non spécifique via des structures
physiologiques fondamentales peu susceptibles de développer une résistance. Ils perturbent,
perméabilisent et infligent des dommages difficiles à réparer au niveau de la membrane de la
cellule cible, une structure hautement conservée à travers les générations. Pour développer
une résistance envers les PAM, la bactérie devrait entreprendre un changement en profondeur
de sa structure membranaire. Ce profond changement serait l’objet d’un trop long processus et
a peu de chances d’apparaître (Lai et Gallo, 2009 ; Vandamme et al., 2012). De plus,
contrairement aux antibiotiques modernes qui ont un nombre très limité de cibles, les PAM
exercent leur pouvoir antimicrobien via de multiples cibles réduisant les chances pour le
pathogène de développer une résistance. Ainsi, une mutation qui supprimerait une cible
d’action, laisserait encore la possibilité au peptide de tuer la bactérie par les autres voies
d’action (Yeung et al., 2011 ; Jorge et al., 2012).
Les études de développement de la résistance bactérienne sont en accord avec ces
observations. Des souches cliniques de P. aeruginosa ont été exposées pendant 30 passages
en présence de PAM ; la CMI pour la plupart des peptides n’était que 2 à 4 fois plus
Introduction
envers ces PAM et le rôle intéressant des peptides dans le traitement des infections chez les
patients atteints de mucoviscidose (Zhang et al., 2005). Steinberg et ses collègues démontrent
que la résistance de la protégrine-1 est plus difficile à sélectionner que la résistance aux
antibiotiques classiques comme la norfloxacine et la gentamicine (Steinberg et al., 1997).
Navon-Venezia et ses collaborateurs démontrent que l'exposition répétée de bactéries à Gram
positif à différents PAM dérivés de la dermaseptine n'a pas modifié la CMI de manière
significative après plusieurs passages bactériens contrairement aux antibiotiques
commerciaux (Navon-Venezia et al., 2002).
Il faut également souligner que les infections persistantes sont liées à la formation
d’un biofilm dont l’éradication est un procédé plus difficile principalement à cause de la
matrice d’exopolysaccharides entourant les cellules. De plus, les bactéries au sein du biofilm
adoptent un état de croissance lent et deviennent métaboliquement non actives. La plupart des
antibiotiques conventionnels ne seront donc pas actifs sur les cellules du biofilm, leur cible
primaire étant les cellules métaboliquement actives (Chau, 2010). Par leur mécanisme
d’action non spécifique sur la membrane, les PAM sont capables d’agir sur ces cellules
métaboliquement non actives et à croissance lente.
IV.5 DES PEPTIDES MULTIFONCTIONNELS
L’intérêt suscité par les PAM comme nouvelle approche thérapeutique contre les
infections bactériennes est en partie attribué à leur double rôle biologique. Les PAM
possèdent des propriétés antimicrobiennes importantes mais sont également des composés
immunomodulateurs, deux actions complémentaires pour certains PAM.
L’activité antibactérienne des cathélicidines a été établie peu après la découverte de
cette classe. Ces peptides fournissent une protection envers une large variété de pathogènes
comprenant des bactéries à Gram positif et négatif (Bucki et al., 2010 ; Vandamme et al.,
2012). Le peptide LL-37 possède entre autres une activité puissante envers E. coli (Smeianov
et al., 2000), K. pneumoniae (Smeianov et al., 2000), P. aeruginosa (Travis et al., 2000), S.
aureus (Travis et al., 2000), S. typhimurium (Turner et al., 1998), les streptocoques du groupe
A (Dôring et al., 2001) et N. gonorrhoeae (Bergman et al., 2005). Contrairement aux
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