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AUTOUR DU PATRIMOINE

VI. La mise en tourisme du patrimoine

La dynamique touristique a conduit à organiser le patrimoine culturel de manière à le proposer plus largement à la visite, à le constituer en objet d’attraction, à accroître sa contribution au développement économique771. Si bien que de nos jours le patrimoine se présente comme un véritable produit touristique. Dans ce sens, les opérations de protection, de restauration, de mise en valeur et de promotion du patrimoine, qu’engendre l’activité touristique, paraissent être conduites à des fins économiques. Le tourisme ne s’intéresse donc au patrimoine que parce que ce dernier représente une source financière importante qui lui permet de se développer. Le patrimoine contribue en effet à l’attrait

touristique d’un territoire. Pour ce, les pouvoirs publics locaux mettent en œuvre des politiques culturelles en direction de la protection et de la valorisation patrimoniale. Dans

ce sens il est possible d’envisager le tourisme comme vecteur de mise en valeur durable du patrimoine. La mise en tourisme du patrimoine et la position de ce dernier en tant qu’objet de consommation touristique se présente donc comme le gage de la mise en valeur et de la protection patrimoniale. Ainsi, la majorité des projets de conservation et de

valorisation des patrimoines naturels et culturels par le tourisme constituent d’incontestables opportunités de développement pour les pouvoirs publics locaux772.

De nos jours, la culture et le patrimoine participent au développement touristique.

Dans cet esprit, culture et patrimoine peuvent contribuer à renforcer la compétitivité d’un territoire auquel il appartient en favorisant l’instauration de nouvelles organisations touristiques773, et ce à travers notamment la diversification de l’offre touristique. Le

patrimoine favorise donc le tourisme, en créant de nouvelles organisations touristiques774 et en renforçant la valorisation d’espaces touristiques de référence. Ainsi, en faisant

advenir de nouveaux objets à l’intérêt des touristes, la patrimonialisation parait bien dotée d’efficacité pour mettre ou remettre en tourisme des lieux restés à l’écart, ou d’autres devenus partiellement obsolètes775. On découvre également que le processus de patrimonialisation accompagne la recomposition des pratiques touristiques autant que celle des lieux du tourisme. Il est incontestable que l’argument patrimonial produit une source de richesse dans le territoire et augmente considérablement l’attraction touristique. On évoque par là le tourisme culturel qui se présente comme un programme

d’interprétation du patrimoine destiné à favoriser une prise de conscience du public776. La réhabilitation et la mise en valeur du patrimoine à des fins touristiques, contribue ainsi au

770 Decroly, J-M., Duquesene, A-M., Delbaere, R., Diekman, A., Tourisme et société : mutations, enjeux et défis, Editions de

l’université de Bruxelles, Collection Aménagement du territoire et de l’environnement, Bruxelles, 2006, p : 83.

771

Patin, V., Op. Cit., p : 21.

772

Furt, J.-M., Michel, F., (sous la direction de), Op. Cit., p : 79.

773 Audrerie, D., Op. Cit., p : 12.

774L’organisation touristique est la gestion des ressources et des acteurs pour la promotion du tourisme sur un territoire

défini.

775

Lazzarotti, O., Violier, P., (sous la direction de), Tourisme et patrimoine, un moment du monde, Editions La reprographie de l’université d’Angers, Angers, 2007, p : 174.

776 Lazzarotti, O., Patrimoine et tourisme : Histoires, lieux, acteurs, enjeux, Editions Belin, Collection BelinSup Tourisme,

182 développement d’un tourisme dit culturel, qui suppose le respect et la conservation du patrimoine. L’avènement du tourisme culturel, qui a de plus en plus de succès dans les pratiques touristiques et qui tend peu à peu à dominer l’ensemble de l’activité touristique, établit le lien étroit qui existe entre tourisme et patrimoine. Si bien que le tourisme culturel se définit comme un déplacement d’au moins une nuitée, dont la motivation principale est

d’élargir ses horizons, de rechercher des connaissances et des émotions au travers de la découverte d’un patrimoine et de son territoire777. Le patrimoine se présente donc comme une composante essentielle du tourisme culturel.

VI.1.Les conséquences du tourisme sur le patrimoine

L’impact que peut susciter l’activité touristique sur le patrimoine tant culturel que naturel, fait l’objet de débats ardents depuis la fin des années soixante-dix. D’une part, les économistes et les professionnels du secteur touristique, prônent les effets positifs du tourisme sur la patrimonialisation et de l’autre, les anthropologues et les sociologues, qui ont une position radicalement opposée, soulignent les effets néfastes sur le patrimoine, engendrés par le tourisme.

Conscients des difficultés et des dérapages de certaines formes de tourisme, les premiers prêchent généralement une évolution différente, fondée sur la rencontre et la valorisation patrimoniale. Ce faisant, ils associent souvent le patrimoine naturel et la culture d’un certain nombre de pays du Sud, à un capital qu’il s’agit de faire fructifier tout en le protégeant778. Ainsi, l’idée que le tourisme permettrait d’assurer la sauvegarde des

patrimoines culturels tout en les introduisant dans le circuit économique, s’est imposée dans la conscience globale. Dans ce sens, et dans un souci de « mettre en valeur » et de

« transmettre », la collectivité peut avoir intérêt à développer une activité touristique autour de son patrimoine779. Cela assurerait la mise en valeur du patrimoine ainsi que sa conservation et sa promotion au niveau international. L’activité touristique joue alors un rôle incontestable dans la valorisation du patrimoine culturel avec la mise en place d’initiatives portant sur la restauration et la réhabilitation patrimoniale. Ce qui produit, entre autres, la création d’un certain nombre d’emplois liés aux activités de protection et de restauration du patrimoine. De plus, évoquer l’idée de réhabilitation à des fins

touristiques, suppose de mettre l’accent sur des actions respectueuses de l’environnement dans lequel elles vont se dérouler. La contribution est donc double : entretenir le potentiel culturel et accroître les richesses locales780.

La mise en tourisme du patrimoine, exige l’adoption d’une politique d’ouverture de ce dernier au public. Il faut néanmoins que cette ouverture soit maitrisée afin d’éviter les phénomènes de foule et de surcharge qui entrainent inévitablement la destruction partielle voir même totale du patrimoine en question. Cependant, les bénéfices matériels qu’occasionne l’ouverture des monuments et des sites patrimoniaux à la visite touristique,

777

Origet du Cluzeau, C., Le tourisme culturel, Editions Presses universitaires de France, Collection Que sais-je ?, Paris 2007, 1ère Edition 1998, p : 3.

778

Furt, J.-M., Michel, F., (sous la direction de), Op. Cit., p : 119.

779

Lazzarotti, O., Violier, P., (sous la direction de), Tourisme et patrimoine, un moment du monde, Editions La reprographie de l’université d’Angers, Angers, 2007, p : 37.

780

183 pourraient être utilisés à des fins de patrimonialisation, comme l’affirme le code mondial d’éthique du tourisme781 : les ressources tirées de la fréquentation des sites et des

monuments culturels ont vocation, au moins partiellement, à être utilisées pour l’entretien, la sauvegarde, la valorisation et l’enrichissement de ce patrimoine. Le tourisme n’est plus seulement consommateur, comme il a déjà été dit, il est facteur de conservation et de sauvegarde du patrimoine ; il doit contribuer à sa valorisation sans pour autant le dénaturer782. Plus encore, le tourisme contribue à sauver toutes les valeurs culturelles qui sont susceptibles d’avoir un intérêt touristique. Un nombre conséquent d’édifices religieux ou archéologiques ont été ainsi sauvés de la destruction. Le tourisme encourage donc les pays à protéger leur civilisation et leur patrimoine culturel. Globalement, le tourisme

permet de remettre dans le circuit économique des trésors culturels non exploités et, à ce titre, soumis à la dégradation des temps et des populations locales783.

Nous pourrions subséquemment conclure que le développement touristique conduit

à la restauration ou la conservation des monuments à l’entretien du capital culturel, lequel profite au pays tout entier784. Cependant, il arrive souvent que le tourisme détruise les mêmes éléments qu’il restaure. En outre, le tourisme laisse parfois une marque indélébile

sur les cultures locales. A moins d’être bien géré, il peut mener au déclin des valeurs morales et sociales et modifier la nature de l’hospitalité785 ainsi que celle du patrimoine. On rejoint alors la pensée des sociologues et des anthropologues qui pointent du doigt les effets néfastes que peut avoir l’activité touristique sur le patrimoine culturel, à savoir la destruction et la dénaturation. L’idée que les hommes détruisent le monde qui les

supporte est souvent énoncée, quitte à répéter les mêmes catastrophes annoncées. De ce point de vue, la problématique du patrimoine et du tourisme ne fait que s’inscrire dans un discours général786. Bien que les actions du tourisme ne puissent être évaluées de manière exclusivement négative, le tourisme agit d’une façon ou d’une autre sur le patrimoine, en le modifiant et parfois même en le dénaturant. Il peut également arriver, dans certains cas, que l’activité touristique détruise le patrimoine à travers la dégradation

et le dommage physique, qui peuvent prendre des formes multiples. Un site peut, par exemple, être physiquement érodé par le piétinement de milliers de pieds (…) la présence d’un grand nombre de personnes peut changer les conditions environnementales à l’intérieur d’un bâtiment avec pour effet de détruire des tissus historiques…le niveau de lumière peut sérieusement endommager une bonne partie des matériaux historiques dans un bâtiment ouvert au public787, etc. Dans ce sens, le tourisme massif participe largement à la dénaturation du patrimoine culturel qui perd peu à peu son authenticité. En effet, la

fréquentation de plus en plus forte des sites archéologiques, historiques ou religieux pose des problèmes d’impacts pouvant aller jusqu’à la remise en cause de la visite788. Les principales menaces que peut induire l’activité touristique sur le patrimoine culturel sont

781 OMT (Office mondial du tourisme), Approbation du code mondial d’éthique du tourisme, Santiago du Chili, 1er Octobre,

1999.

782

Audrerie, D., Op. Cit., p : 39.

783

Thurot, J.-M., Les effets du tourisme sur les valeurs socio-culturelles, Revue les cahiers du tourisme, Série C N° 34, Aix- en-Provence, 1976, p : 41.

784 Ibid., p : 42. 785

Theuma, N., Le tourisme en méditerranée : une perspective socio-culturelle, Editions Edisud, Encyclopédie de la méditerranée, Série temps présent, N°37, Aix-en-Provence, 2005, p : 15.

786

Lazzarotti, O., Patrimoine et tourisme : Histoires, lieux, acteurs, enjeux, Editions Belin, Collection BelinSup Tourisme, Paris, 2011, p : 84.

787 Decroly, J-M., Duquesene, A-M., Delbaere, R., Diekman, A., Op. Cit., p : 111. 788

184 les suivantes : la pollution ; l’usure et l’érosion ; la surcapacité de charge ; la destruction des espaces d’accueil etc. Le tourisme peut également conduire à l’artificialisation et à la folklorisation de la culture par l’altération de l’authenticité d’un lieu ou encore la recomposition et la mise en scène théâtrale de certaines pratiques culturelles. Ainsi, pour faire face aux effets négatifs du tourisme de masse sur le patrimoine, de nouvelles formes alternatives de tourisme apparaissent tels que le tourisme culturel, le tourisme responsable et le tourisme durable.

VI.2. Les opérateurs de la mise en valeur touristique du patrimoine

Il existe un nombre conséquent d’opérateurs publics qui œuvrent pour la mise en valeur touristique du patrimoine culturel et qui se présentent comme suit :

- L’UNECO : L’organisation des Nations-Unies pour l’Education, la Science et la Culture intervient spécifiquement dans la protection et la mise en valeur du patrimoine culturel et naturel. Elle a adoptée en 1972 la convention du patrimoine mondial et a crée en 1976 le comité du patrimoine mondial. Ce dernier a pour fonction d’identifier les biens susceptibles d’être inscrits sur sa liste ainsi que de déterminer les moyens et les conditions d’utilisation des ressources du fond du patrimoine mondial dans le but d’aider les états membres à sauvegarder leurs biens.

- L’OMT : L’organisation mondiale du tourisme crée en 1970 à l’issu de la transformation de l’IUIOOT (Union Internationale des Organismes Internationales de Tourisme). Cette organisation a réalisé un certain nombre d’études et d’expertises sur les opérations de mise en valeur touristique du patrimoine culturel et naturel et a édité des ouvrages et des manuels à disposition des professionnels pour une meilleure gestion touristique du patrimoine.

- La banque mondiale : Elle intervient dans le développement économique et

social à travers notamment l’instauration de programmes d’aides financières. Ces aides peuvent être déclinées sous forme de prêts à des taux inférieurs à ceux en vigueur, remboursables sur de longues durées, de prêts sans intérêt, voire même sous forme de dons et d’assistance technique.

- L’ICCROM : Le Centre International d’Etudes pour la Conservation et la Restauration des Biens Culturels est une institution fondée en 1956 qui a pour objet la recherche, la formation et l’expertise dans le domaine de la protection, de la conservation ainsi que de la restauration des biens culturels mobiliers et immobiliers. Elle a également édité des règles de gestion destinées à la sensibilisation patrimoniale des éditeurs de guides de voyages.

- L’ICOMOS : Le Conseil International des Monuments et des Sites est constitué d’experts qui valident les dossiers de candidature pour l’inscription des sites sur la liste du patrimoine mondial. Il organise également une série de colloques ayant pour objet des problématiques liées au tourisme.

185 A cela, viennent s’ajouter les opérateurs privés, les organisations non gouvernementales, les associations nationales et régionales ainsi que les nouveaux moyens doctrinaux de mise en valeur et de protection du patrimoine, que sont les chartes, les conventions et les législations juridiques et techniques.

186