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Un choix : le Maroc et la ville de Fès

TERRAIN DE RECHERCHE

I. Un choix : le Maroc et la ville de Fès

Dans le cadre de cette étude, nous avons choisi de travailler sur la médina de Fès au Maroc, qui représente un terrain de recherche favorable à l’élaboration de cette thèse de doctorat, et ce, pour plusieurs raisons.

Le Maroc représente avant tout un espace multiculturel où différentes cultures coexistent depuis toujours (arabe, berbère, juive, etc.). Cette pluralité culturelle qui se manifeste dans tout le royaume, fait du Maroc une entité prédisposée à l’accueil de la diversité culturelle. Outre la cohabitation de diverses cultures au sein d’un même territoire et les échanges commerciaux qui ont jalonné l’histoire du pays, le Maroc a connu une invasion militaire portugaise, portuaire de la côte ouest atlantique (1415-1769) ainsi qu’un protectorat franco-espagnol (1912-1956). Cette expérience coloniale a renforcé l’ouverture du Maroc sur le monde occidental. Le protectorat français au Maroc fût le plus important qu’a connu le royaume et représente l’exception coloniale de la France. En effet, le maréchal L.H.G. Lyautey, ne voulant pas reproduire les erreurs commises en Algérie (la destruction partielle de la kasbah d’Alger par exemple), a mis en place un arsenal juridique en vue de la protection culturelle. Ainsi, toutes les médinas du Maroc, y compris celle de la ville de Fès, ont été entièrement préservées et sauvegardées. Une grande partie de la bourgeoisie marocaine a profité de cette période pour créer des liens sociaux avec les citoyens français résidents au Maroc (ce qui ne fut pas difficile, dans le sens où le marocain, réputé pour sa légendaire hospitalité, est également connu pour son aisance à la sociabilité). Le protectorat français au Maroc marque le lancement de l’activité touristique au sein du royaume. Dès le début, les marocains ont su apprécier les avantages liés au tourisme, tant sur le plan économique, que sur le plan social et/ou humain. Le Maroc de part son histoire et sa position géographique, a toujours représenté un espace d’échange et de communication entre des cultures diverses, ce qui en a fait un pays ouvert aux contacts et aux relations interculturelles.

Nous avons choisi de restreindre ce travail de recherche à la ville de Fès, qui représente la capitale culturelle et spirituelle du royaume, et qui est également la doyenne des villes impériales marocaines. La médina de Fès se trouve être la plus ancienne entité du pays (édifiée au IXème siècle par l’Imam Moulay Idris II) et est classée patrimoine mondial de l’humanité à part entière (monuments, activités commerciales, etc.) par l’UNESCO. La ville de Fès recèle de nombreux édifices religieux (mosquées, mausolées,

188 temples, synagogues etc.), ainsi qu’un grand nombre de monuments historiques (borjs, medersas, fondouks, Riads etc.). Elle abrite entre autres, la première université du monde Arabe : la mosquée, université et bibliothèque Al Karaouine, qui a été construite en 857 par la riche héritière Kairouanaise, Fatima Al Fihri. Etant donné la richesse patrimoniale de la ville de Fès, le tourisme y est majoritairement culturel, bien qu’il existe un taux élevé de touristes nationaux qui visitent la médina de Fès (recueillement sur le tombeau de Moulay Idriss, emplettes dans les souks et marchés, etc.). La dimension historique et culturelle de la ville de Fès, fait de cette dernière un terrain privilégié pour mener à bien cette recherche académique. En effet, il s’agit dans ce travail, de s’interroger sur les effets socio-culturels du tourisme, inducteur de relations interculturelles, sur l’identité culturelle locale. Ce travail s’inscrit dans la lignée de notre recherche antérieure789

, qui portait sur la médiation du patrimoine bâti de la médina de Fès.

La ville de Fès a toujours été caractérisée par un tourisme de type culturel, religieux, spirituel et thermal. Cependant, le récent développement de la ville (2005-2010) a engendré une évolution vers un tourisme dit de masse, à l’image de celui de la ville de Marrakech, qui se présente de nos jours, comme le « Disney Land du Maghreb Arabe ». Etant donné, que Marrakech a atteint depuis plusieurs années déjà, son apogée au niveau de la fréquentation touristique, certaines autorités marocaines se sont de plus en plus intéressées aux potentiels touristiques des autres villes, pour y développer un tourisme à l’instar de celui la ville de Marrakech. Fès entre autres, fait l’objet d’une

attention particulière depuis 2008, année durant laquelle elle a fêté ses 1200 ans d’existence. Cependant, un développement trop rapide et anarchique du tourisme au sein de la ville de Fès, peut poser des problèmes pour la préservation de l’authenticité de la médina. Il parait inutile de souligner que la ville de Marrakech a, et ce depuis un bon moment déjà, perdu son originalité et son authenticité, car il est bien évident que le tourisme de masse s’est emparé de la ville et en a fait un espace touristique à part entière, où les traditions, les mœurs, les coutumes et les modes de vie se confondent souvent avec ceux de la culture occidentale. Néanmoins, la plupart des professionnels du tourisme de la ville de Fès, ont visiblement conscience de l’impératif de sauvegarde qui la caractérise. Ainsi, il nous parait important de souligner ici, leur apparente réticence quant au devenir touristique de cette ville : Fès n’a pas la prétention de Marrakech ni celle

d’Agadir, Fès restera toujours une destination moyenne. Car, explique D. Faceh790 : la

clientèle que nous recherchons, c’est une clientèle qui vient pour la culture, pour le thermalisme et aussi pour l’arrière pays. Mais Fès ne sera jamais une grande destination. Et pour cause, il y a quand même un équilibre à préserver à l’intérieur de la médina. On ne peut pas injecter une centaine d’autocars par jour à l’instar de ce qui arrive à Marrakech, sinon on va dénaturer la médina et on arrivera à un phénomène de rejet. Le touriste sera rejeté. C’est ce qui est arrivé à Marrakech, il y a un certain moment, dont la médina se trouve actuellement complètement dénaturée. Vous n’avez que des commerçants, vous verrez rarement des artisans. Alors que Fès reste authentique et nous voulons préserver cette authenticité791. Par la préservation de l’authenticité de la ville

789

Charaï, Z., (sous la direction de Geffroy, Y.), Le tourisme culturel : Quels enjeux pour la médiation du patrimoine bâti ?, Université de Nice Sophia Antipolis, 2007/2008.

790 Driss Faceh : Ex-président du conseil régional du tourisme (CRT-Fès). 791

189 de Fès, il faut avant tout entendre la préservation de ses identités locales et culturelles, d’un point de vue patrimonial tant matériel qu’immatériel.

Ainsi, en raison des arguments précédents, Fès apparaît comme le terrain idéal à la maturation de cette recherche. Nous tenons à préciser néanmoins que le choix de ce terrain de recherche, réside également, dans le fait que l’on soit nous-mêmes marocains, originaires de la ville de Fès et que notre projet professionnel s’étend bien au-delà de cette recherche. Il est clair que le fait d’avoir choisi un terrain familier peut être mal perçu, voir même critiqué par certains chercheurs, en terme de distanciation méthodique. Cependant, nous comptons en faire un avantage réel. En effet, le fait que nous soyons marocains, nous permet de connaître et de maîtriser les codes culturels de ce pays (langue, traditions etc.). Nous sommes donc plus aptes, dans le cadre d’une recherche appliquée à entrer en contact avec les habitants locaux et les artisans de la médina de Fès dans une démarche scientifique soutenue par une certaine implication contrôlée.