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Lumière sur le concept d’Identité

Chapitre III : ALTERITE ET IDENTITE

II. Lumière sur le concept d’Identité

II.1. L’émergence du concept d’Identité

L’histoire du mot « identité », depuis les nationalismes nationaux et régionaux, eux aussi lentement muris et devenus éclatants au XIXème siècle et renaissant aujourd’hui, n’a pas été faite292. Néanmoins, nombreux sont les chercheurs (M. Mead, D. Winnicott, M. Kahan, H. Wallon, R. Zazzo, R. Rodrigez, H. Tome etc.) qui s’accordent à dire, que c’est le psychanalyste E. K. Eriksson293 qui, dans les années soixante, fut l’un des premiers chercheurs à donner une élaboration rigoureuse à la notion d’identité. Bien qu’elle fût utilisée au départ pour étudier les phénomènes de crises identitaires, E. K. Eriksson, a étendu la notion à l’interprétation de la problématique des adolescents et minorités d’origines étrangères. Selon lui, le terme identité renvoie à un sentiment conscient de

spécificité individuelle, tantôt à un effort inconscient tendant à établir la continuité de l’expérience vécue et pour finir la solidarité de l’individu avec les idées d’un groupe294. En reprenant cette définition, on s’aperçoit de l’existence d’une ambiguïté : le mot individu (du latin individuum : corps indivisible) signifie par son étymologie, d’une part, tout être considéré isolément comme unique et d’autre part un ensemble de traits communs chez les êtres d’un même groupe (espèces, ethnies, genres etc.). Dans ce sens, le concept

d’identité désigne à la fois les processus d’altérité, c'est-à-dire d’affirmation de la différence, en même temps qu’il renvoie au processus d’unification par lequel les individualités s’intègrent à des ensembles plus vastes en se fondant dans une même culture295.

A première vue, l’identité apparait comme une notion simple et claire. Cependant, lorsqu’on est amené à l’étudier, elle s’avère être d’une grande complexité. Elle peut même, dans un certain sens, paraitre contradictoire car elle possède deux significations opposées. D’une part, il s’agit du caractère de ce qui est identique, c’est-à-dire d’êtres ou

d’objets parfaitement semblable tout en restant distincts ; dans ce cas, l’identité est le fait d’être semblables à d’autres. D’autre part, elle est le caractère de ce qui est unique et donc qui se distingue et se différencie irréductiblement des autres296. Dans ce sens, la

291

Ibid., p : 42.

292 Le Goff, J., (sous la présidence de), Patrimoine et passions identitaires, Actes des Entretiens du Patrimoine, Paris, 6, 7

et 8 Janvier 1997, Editions du Patrimoine, Paris, 1998, p : 12.

293

Eriksson, E., K., Enfance et société, Editions Delachaux et Niestlé, Lausanne, 1960, p : 112.

294

Ibid., p : 167.

295

Rasse, P., Midol, N., Triki, F. (sous la direction de), Unité-diversité : les identités culturelles dans le jeu de la

mondialisation, Editions l’Harmattan, Collection Logiques sociales, 2002, p : 24/25.

296

75 notion d’identité désigne donc simultanément la recherche de l’identique, du semblable ainsi que la quête continue de l’unicité. Au niveau de sa définition, la notion d’identité semble bien contenir un paradoxe : celui de représenter à la fois le semblable et le différent. Par ailleurs, la construction de l’identité vise la conflictualison de contenus et de

niveaux a priori hétérogènes ou contradictoires tels l’individuel et le collectif, le psychique et le social. 297 L’identité peut en effet, relever d’un processus aussi bien individuel que

collectif. A l’échelle de l’individu, l’identité peut être un état Ŕ résultant, par exemple, d’une

assignation administrative : ma carte d’identité établit ma taille, mon âge, mon domicile, etc. Ŕ une représentation Ŕ je me fais une certaine idée de ce que je suis Ŕ et un concept, celui de l’identité individuelle, très usité dans les sciences humaines et sociales. Appliquée au groupe, la complexité s’accroit.298 Dans ce sens, l’identité est souvent utilisée comme un concept générique qui définit un état de la personne ou du groupe auquel on peut se référer dans l’explication des comportements individuels et/ou collectifs.

Bien que l’identité soit apparue initialement dans le champ de la psychologie sociale (E. K. Eriksson), il se trouve en réalité que cette notion plonge ses racines dans différents domaines scientifiques tels que l’anthropologie, la psychologie génétique, la psychanalyse, la pensée Sartrienne299, etc. Elle est notamment utilisée dans le domaine des mathématiques (les identités remarquables etc.) ainsi que dans le champ administratif (les papiers d’identités : qui permettent la reconnaissance des individus dans la société). Aujourd’hui, l’identité se présente comme la synthèse de tous ces courants et constitue l’une des plus grandes notions transversales des sciences humaines et sociales. Le dictionnaire « Le Robert » la définit comme le fait pour une personne d’être

tel ou tel individu300. Dans ce sens, l’identité serait essentiellement un « sentiment d’être »

par lequel un individu éprouve qu’il est un « moi », différent des « autres »301. Néanmoins,

l’identité, l’identification comme fait d’identifier, de reconnaitre comme identique ou semblable appelle aussi de multiples comparaisons entre la réalité et son image, l’identité pour soi et celle pour autrui, l’image de soi et l’image sociale, le passé et le présent302. En ce sens, l’identité apparait comme le résultat d’un processus social car elle se constitue

dans des interactions sociales, à partir du regard et de la reconnaissance d’autrui (…) L’identité peut ainsi être définie comme une représentation de soi qui se développe dans la relation à l’autre303. Le terme d' « identité », signifie donc la reconnaissance de ce que l'on est, par soi-même ou par les autres, à travers le processus d’identification (sur lequel s’est appuyé E. K. Eriksson dans l’élaboration de la définition de l’identité). Ce dernier

rend possible l’expérience d’une « pluralité de personnes psychiques », et c’est par ce biais également que se constituent, à partir d’une communauté affective, « les liens

297 Marmoz, L., Derrij, M., (sous la direction de), Op. Cit., p : 23.

298 Candau, J., Mémoire et identité, Editions Presses Universitaires de France, Collection Sociologie d’aujourd’hui, Paris,

1998, p : 16.

299 Jean-Paul Sartre (1905-1980) fût un écrivain philosophe français. Il a notamment critiqué la notion d’identité, en

s’opposant radicalement aux pensées réactionnaires. Selon lui, l’identité n’est ni biologique, ni génétique, ni innée, c’est une construction culturelle. Il a donc ainsi donné une nouvelle conception à la notion d’identité.

300

Picoche, J., Op. Cit.

301

Camilleri, C., Kasterztein, J., Lipiansky, E.-M., Malewska-Peyre, H., Taboada-Leonetti, I., Vasquez, A., Stratégies

identitaires, Presses Universitaires de France, Collection Psychologie d’aujourd’hui, Paris, 1990, p : 42.

302 Marmoz, L., Derrij, M., (sous la direction de), Op. Cit., p : 24. 303

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réciproques entre les individus et la foule »304. En psychanalyse, l'identité est considérée comme un processus cognitif et affectif, par lequel le sujet se conçoit et se perçoit. Elle est aussi la structure psychique qui résulte de ce processus. C'est avec cette structure

interne que le sujet va appréhender non seulement sa propre personne, mais également le monde qui l’entoure305.

II.2. La construction identitaire : un processus toujours inachevé

En ce qui concerne les formations identitaires, il est surtout question d’appréhender la manière dont l’individu Ŕ envisagé dans sa globalité en tant que système cognitif Ŕ produit et affirme des choix d’appartenance306. Dans ce sens, la construction de l’identité parait être interne à l’individu (le soi) et représente l’image qu’il se fait de lui-même (ce qu’il souhaite et pense être, mais non pas ce qu’il est réellement). Elle peut être également, dans un certain sens, externe au sujet (le moi), et dans ce cas, la construction de l’identité se fait à travers le regard des autres et de la société sur l’individu et lui permet de s’accommoder avec son environnement. Ainsi, la notion d’ « identité », qui semble s’enraciner en grande partie dans la société, parait être étroitement liée au sentiment d’appartenance sociale. C. Camilleri affirme dans ce sens, que les individus, dans leurs constructions identitaires, s’appuient sur des choix d’appartenances socio-culturelles.

Nous considérons donc l’identité comme l’ensemble structuré des éléments identitaires qui permettent à l’individu de se définir dans une situation d’interaction et d’agir en tant qu’acteur social.307Et l’on cherche surtout à analyser la manière dont l’individu Ŕ envisagé

dans sa globalité, en tant que système cognitif et affectif Ŕ produit et affirme des choix d’appartenance308.

L’identité se présente comme un système dynamique (incluant processus et structure), qui malgré son évolution permanente demeure une organisation stable. En effet, l’identité est un processus dynamique, une gestion du changement et de la

continuité constamment « négociée » entre le moi et l’environnement social. Bien entendu, la dialectique de l’identité et de l’altérité dans la formation de la personnalité ne se fige pas à l’entrée à l’âge adulte, c’est un processus toujours inachevé309. La construction identitaire ne se présente ainsi, jamais comme un processus achevé, elle est amenée à connaitre des transformations tout au long de l’existence de l’individu et reste donc en perpétuelle évolution. L’identité est permanence, intériorisation et transmission,

se fait aussi et surtout, par ce que Ricœur a appelé « mutabilité ».310 N’étant jamais

achevée, s’inscrivant dans un développement, une temporalité, l’identité est sujette à des remaniements, des altérations qui menacent d’ébranler l’ensemble de la construction311. Cependant, les changements et l’altération qui atteignent les identités ne doivent pas forcément être considérés d’une façon négative. En effet, l’évolution constante de

304

Camilleri, C., Kasterztein, J., Lipiansky, E.-M., Malewska-Peyre, H., Taboada-Leonetti, I., Vasquez, A., Op. Cit., p : 9.

305

Eriksson, E., K., Op. Cit., p : 112.

306 Vinsonneau, G., Op. Cit., p : 79. 307

Camilleri, C., Kasterztein, J., Lipiansky, E.-M., Malewska-Peyre, H., Taboada-Leonetti, I., Vasquez, A., Op. Cit., p : 44.

308 Malewska-Peyre, H., L'identité comme stratégie, Editions L’Harmattan, 2001, p : 234. 309

Camilleri, C., Cohen-Emerique, M., Chocs de cultures : Concepts et enjeux pratiques de l’interculturel, Editions l’Harmattan, Paris, 2006, p : 47.

310 Rasse, P., Midol, N., Triki, F. (sous la direction de), Op. Cit., p : 61. 311

77 l’identité peut être perçue de manière positive car elle permet, à travers l’altération qu’elle subit, l’intégration de minorités ethniques et/ou culturelles au sein des sociétés d’accueil, dans le cas de l’immigration et peut favoriser l’émergence de relations interculturelles lors des voyages internationaux, par exemple. Elle encourage donc la compréhension, la tolérance et le dialogue entre les différentes cultures du monde. Si l’identité est une

constante, ce n’est pas une constante mécanique, une répétition indéfinie du même, du changement dans la continuité. L’opération identitaire est une dynamique d’aménagement permanant des différences, y compris des contraintes, en une formation qui nous donne le sentiment de n’être pas contradictoire312. Ainsi, l’identité n’est pas figée, crispée sur des

racines supposées éternelles, mais en croissance permanente. A une conception close de l’identité, repliée sur elle-même on opposera une conception de l’identité ouverte et tolérante, capable d’accepter l’autre, c'est-à-dire le reconnaître malgré les tensions résultant de la confrontation des diversités313. Bien que l’identité ne soit pas figée une fois

pour toutes, car il s’agit d’un processus et non pas d’un état, on a tendance à enfermer les individus dans une identité supposée à partir de stéréotypes culturels et de préjugés sociaux.

Afin de s’épanouir et de vivre en harmonie dans la société où il évolue, l’être humain doit avant tout construire son identité, sans quoi, il se retrouverait dans un chao- psychique. L’individu a en effet, des besoins, qu’il satisfait grâce à des repères et à des références psychiques et sociales. La construction identitaire qui en fait partie, se compose de différentes strates, la première commence pour l’individu au cours de son enfance, elle se façonne en fonction du mode de vie des parents et de l’environnement : c’est ce qu’on appelle la dimension primaire de l’identité. On remarque ainsi que le

sentiment d’identité résulte d’un processus évolutif qui marque tout spécialement l’enfance ; ce processus ne se fait pas sans crises ni ruptures. Car pour arriver à un sentiment de plénitude et d’équilibre, l’enfant doit s’adapter constamment à des transformations314. La seconde strate, concerne la construction de l’identité sexuelle, qui

est généralement acquise après la résolution du complexe d’Œdipe. La troisième et dernière strate, quant à elle, a lieu au cours de l’adolescence et renvoie à l’insertion sociale. L’adolescence est aussi une période de rupture où le jeune abandonne certaines

identifications pour en choisir de nouvelles (à des camarades, des figures socialement valorisées, des modèles incarnant ses aspirations, etc.)315. Ainsi le processus par lequel l’individu va acquérir peu à peu le sentiment de son identité commence très tôt, au cours de son enfance. Certains pensent que ce processus débute même peut-être avant, dès

que le futur bébé commence à exister dans l’imaginaire des parents, dans leur désir d’avoir une fille ou un garçon, dans le choix du prénom ; il y a là l’amorce d’une identité sexuelle et symbolique316. Ainsi, dès la naissance, chaque être humain, construit sans cesse son identité au fil du temps. Il évolue dans une ambivalence continue au sein de la société qui le pousse à se dépasser lui-même et à dépasser ses peurs et ses phobies pour pouvoir vivre en harmonie avec les autres.

312

Camilleri, C., Cohen-Emerique, M., Op. Cit., p : 44.

313

Eloy, M.H., Op. Cit., p : 25.

314

Lipiansky, E.-M., Op. Cit., p : 11.

315 Ibid. 316

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L’identité que chacun cherche à préserver ou à acquérir appelle la reconnaissance d’autrui, dans le double sens d’être reconnu par lui et de le reconnaitre dans sa différence (…) Le sujet n’accède à la conscience de son identité que dans un rapport à autrui où il dépend intrinsèquement de l’Autre pour sa propre définition317. La construction identitaire s’appuie en effet, grandement sur le concept de l’Autre. Celui-ci se positionne comme l’élément constitutif et symétrique de la relation positive à l’altérité. En effet l’identité

repose sur le principe que l’Autre est à la fois identique à moi et différent de moi318. Elle suppose donc l’égalité et la différence, dans le sens où la conscience d’appartenir à une même collectivité, n’émerge que face à d’autres collectivités ressenties comme étrangères. Ainsi, l’identité et l’altérité se construisent dans ce mouvement d’extension

croissante, ou l’individu accède à la conscience de soi, par différenciation d’autrui et assimilation du même319. Le concept même de l’identité, individuelle et collective, ne

pourrait exister en dehors d’une dialectique avec les autres : si nous sommes en mesure de revendiquer notre spécificité, c’est uniquement sur la base d’une différence, d’une séparation et parfois d’une dévalorisation de l’Autre320

.

II.3. Mondialisation culturelle et défense des identités locales

Actuellement, face au phénomène croissant de la mondialisation, qui tend à un mouvement d’uniformisation culturelle à l’échelle mondiale, on assiste à des crises identitaires qui atteignent les fondements mêmes des identités locales et traditionnelles. Ainsi, la confrontation à d’autres cultures ou l’intégration d’éléments extérieurs, peuvent se positionner en tant que déclencheur, menaçant sans cesse l’équilibre et la préservation des unités identitaires. En effet, un élément nouveau n’est pas seulement ajouté, comme

par un effet cumulatif, il appelle une réévaluation de l’ensemble de l’édifice321identitaire. En outre, la problématique de l’identité revient quand nous avons à traiter la perte des

repères qui assurent une certaine stabilité (situation de déplacement, transplantation, changement radical du statut, évènement traumatisant, différence dans les normes et valeurs etc.)322. Dans ce sens, plus les individus circulent et se déplacent dans le monde,

devenu aujourd’hui cosmopolite et pluriculturel, plus ils éprouvent le besoin d’affirmer leur appartenance culturelle, linguistique, sociale et religieuse et de défendre par là même leurs identités culturelles. Ainsi, face aux processus de mondialisation et

d’internationalisation des biens culturels, des économies et des mouvements migratoires, des revendications et réaffirmations identitaires « localistes » et localisées ressurgissent avec force qu’elles soient ethniques, religieuses, communautaires ou régionales323. Dans ce sens, l’identité apparait comme un rempart, mais surtout comme un repli, vis-à-vis de l’angoisse suscitée par la globalisation et l’uniformisation culturelle de la planète, devenue aujourd’hui selon M. Mc Luhan, un village global324.

317 Ibid., p : 137/138.

318 UNESCO, La langue : Identité et Communication, Publié par l’ONU, Paris, 1986, p : 8. 319

Ladmiral, J.R., Lipiansky, E.M., Op. Cit., p : 125.

320

De Carlo, M., Op. Cit., p : 88.

321 Marmoz, L., Derrij, M., (sous la direction de), Op. Cit., p : 25. 322

Retschtzky, J., Bossel-Lagos, M., Dasen, P., Op. Cit., p : 47/48.

323 Kiyindou, A., (sous la direction de), Cultures, technologies et mondialisation, Editions L’Harmattan, Collection

Mouvements économiques et sociaux, 2010, p : 37.

324 Le village global ou planétaire est une expression que l’on doit au philosophe et sociologue M. Mc Luhan et qui apparait

pour la première fois dans son ouvrage « The medium is the message » paru en 1967 pour qualifier les effets de la mondialisation, des médias et des technologies de l’information et de la communication.

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Abondamment employé, objet de toutes les passions et éminemment éristique, le concept d’identité tient du paradoxe, ce qui en fait l’intérêt, car il conduit à poser des questions pertinentes sur l’évolution des cultures qu’il permet de saisir dans leur dynamique et leur diversité325. Chaque communauté crée sa propre identité en prenant en

considération l’ensemble des petites entités qui la composent telle que la lignée, le clan, la tribu, le quartier etc. Ces identités dites « locales » se heurtent au phénomène de la mondialisation, qui les menace de déclin et de disparition. Il devient alors impératif de les protéger. Dans ce sens, l’effet uniformisant de la mondialisation provoque en retour des

réactions identitaires défensives et de repli326. Ces processus défensifs ne sont pas sans importance quant à la dynamique identitaire. Ils représentent en effet, la manière dont les individus et/ou le groupe réagissent aux agressions externes, pour défendre leur identité. Cette dynamique englobe l’ensemble des comportements plus ou moins conscients, que l’on désigne en tant que stratégies identitaires. Ces dernières sont élaborées par les individus et les groupes en question qui opèrent des choix en fonction de leurs représentations, croyances, héritages etc. Ainsi, les stratégies identitaires, telles que nous

les entendons, apparaissent comme le résultat de l’élaboration individuelle et collective des acteurs et expriment, dans leur mouvance, les ajustements opérés, au jour le jour, en fonction de la variation des situations et des enjeux qu’elles suscitent Ŕ c’est-à-dire des finalités exprimées par les acteurs Ŕ et des ressources de ceux-ci327.

Il s’agit de faire en sorte que les identités locales puissent continuer à exister et à se renouveler à partir du milieu où elles puisent leurs racines, pour marquer les espaces et les hommes, maintenir les paysages et les identités dans leur diversité et leur unité interne, de façon à générer le sentiment d’appartenance et le besoin d’échanger328. On pourrait croire les identités collectives fortes et imperméables. Dans la réalité, il se trouve que les identités sont, à l’inverse, très fragiles. P. Ricœur329, présente dans ce sens, les trois principales causes de fragilité identitaire comme suit : le rapport difficile au temps (ce qui justifie le recours à la mémoire en tant que composante temporelle de l’identité) ; la confrontation avec autrui ressentie comme une menace (l’Autre est éprouvé comme un danger pour l’identité propre) ; l’héritage de la violence fondatrice (il n’existe pas de communauté historique qui ne soit née d’un rapport qu’on peut dire originel à la guerre). Dans ce sens, il devient urgent de défendre et de protéger les identités, en particulier les plus fragiles, à savoir, les identités locales. Et plus les phénomènes de mondialisation

iront en s’accélérant, plus il conviendra de défendre les identités locales, pour en faire une ressource des autochtones, un critère de qualité de vie, mais aussi une force de leur ouverture au monde330. Il se trouve que le phénomène de mondialisation culturelle est indissociable du devenir des cultures locales et traditionnelles, spécifiquement dans le domaine du tourisme international. Ce dernier a souvent été accusé à tord ou à raison de

325

Rasse, P., Midol, N., Triki, F. (sous la direction de), Op. Cit., p : 24/25.

326

Vinsonneau, G., Op. Cit., p : 28.

327 Camilleri, C., Kasterztein, J., Lipiansky, E.-M., Malewska-Peyre, H., Taboada-Leonetti, I., Vasquez, A., Op. Cit., p : 49. 328

Rasse, P., Processus de mondialisation et médiation des identités locales, In Médiation des cultures, Gelerau, M., (sous la direction de), Editions Presses Universitaires de Lille, 2000, p : 11.

329 Ricœur, P., Vulnérabilité de la mémoire, In Le Goff, J., (sous la présidence de), Patrimoine et passions identitaires, Actes

des Entretiens du Patrimoine, Paris, 6, 7 et 8 Janvier 1997, Editions du Patrimoine, Paris, 1998, p : 27/28.

330 Rasse, P., Identités culturelles et communication en Europe, le paradigme de la méditerranée, Revue Communication et