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CHAPITRE 4 Résultats

4.3. M ISE EN RELATION DES DEUX TERRAINS D ’ ETUDE

4.3.3. La mise en place d’AMP : entre consultation et concertation

Tant le projet français que canadien a souhaité impliquer les acteurs locaux dans les différentes étapes constituantes de la mise en place des projets d’AMP. Comme mentionné précédemment, les deux projets n’en étaient pas au même stade de création lorsqu’ils ont été étudiés. Ce faisant, si on a pu observer une concertation avec le milieu lors du processus de mise en place du projet de PMN de l’estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis, on a davantage constaté une consultation lors de l’étude de faisabilité menée aux îles de la Madeleine pour le projet d’AMP.

4.3.3.1. Première phase du processus de mise en place : état des lieux

Si le projet des îles de la Madeleine se trouvait dans une phase de consultation, c’était parce qu’il n’était pas encore temps de définir le projet, mais bien d’évaluer sa faisabilité sur le territoire. Ainsi, bien que l’état des lieux nécessite l’implication des acteurs locaux de sorte à assurer la réalisation d’études en phase avec les réalités territoriales, il n’implique pas de prises de décisions en ce qui a trait à la définition même d’une AMP sur le territoire – périmètre, orientations de gestion et comité de gestion – puisque le projet est encore incertain à ce stade. Les acteurs locaux, du moins certains représentants d’organismes et associations présents sur le territoire, ont donc été impliqués dans le processus de mise en place via un comité consultatif. Le mandat principal qui leur a été accordé était de s’assurer que les résultats des études soient en concordance avec les « connaissances, les considérations et les aspirations de la communauté des Îles de la Madeleine » (Canada et Québec, 2012). À cette fin, le comité consultatif a été créé dès le début du processus afin que les membres puissent :

- contribuer au processus de mise en place au fur et à mesure de son avancement ; - être tenus informés des avancements des études ;

- jouer un rôle de relayeur d’information auprès des acteurs locaux.

Cette première phase de caractérisation du territoire s’apparente à la première phase d’étude du PNM français qui visait également à faire un état des lieux en prenant en compte les savoirs locaux. Dans un cas comme dans l’autre, on s’est retrouvé davantage dans la consultation que dans la concertation, et ce pour la même raison : il était temps d’évaluer la faisabilité du projet et non d’établir les conditions de mise en place du projet. Toutefois, la perception des participants à cette première phase diffère d’un projet à l’autre. En effet, dans le cas du PNM français, les répondants semblent très satisfaits du déroulement de l’état des lieux alors que dans le cas des îles de la Madeleine les répondants ont plusieurs réserves.

4.3.3.2. État des lieux : son déroulement en France et au Québec

Pour ce qui est du PNM de l’estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis, les répondants se sont sentis inclus et écoutés dans cette première phase grâce aux réunions thématiques qui leur ont permis de s’exprimer sur les différents enjeux qui les concernent : ressources halieutiques, pêche professionnelle et de loisir, qualité de l’eau, etc. La diversité des thèmes abordés, le nombre de réunions thématiques – quatorze –, l’accessibilité aux réunions – les thématiques étaient souvent abordées à deux reprises en des lieux géographiques différents afin de permettre au plus grand nombre de pouvoir y assister –, tout comme leur ouverture – chaque personne voulant y participer le pouvait – sont autant d'éléments qui ont sans doute contribué à ce sentiment d’inclusion. De plus, de ces rencontres, a résulté un document produit par la mission d’étude : « Le ressenti des acteurs ». En mettant en valeur les connaissances des participants, ce document a également contribué à forger un sentiment d’appartenance au projet chez les participants. Les répondants ont donc perçu cette première étape comme étant un succès en ce qu’elle a permis d’asseoir la concertation sur une base de confiance.

Pour ce qui est du projet des îles de la Madeleine, la perception des participants – membres du comité consultatif – à cette première phase est autre. Selon les dires des répondants, ce n’est pas tant dans les résultats obtenus avec les études de caractérisation du territoire que dans le processus pour y arriver qu’il y a des réserves. En ce sens, l’objectif poursuivi par la mission d’étude, qui était de dresser un portrait social, économique, culturel et écologique du territoire en phase avec le milieu, n’a que partiellement été atteint.

Afin de comprendre pourquoi, il faut d’abord rappeler qu’un des buts sous-jacents à l’objectif principal mentionné ci-haut était d’intégrer les acteurs locaux – représentants des différents secteurs d’activité présents sur le territoire et population – afin de non seulement permettre la réalisation d’études représentatives des intérêts de la communauté madelinienne, mais également d’assurer une acceptabilité sociale du projet par le milieu. Afin de répondre à ces différents objectifs, la mission d’étude a cherché, dès le début de la démarche, à impliquer les acteurs locaux via un comité consultatif. Là où le bât blesse, c’est que malgré leur implication au sein de cette instance, les membres ne se sont pas sentis partie prenante au projet. Ainsi, si les répondants se disent satisfaits des résultats produits par les études, ils ont le sentiment de ne pas avoir été réellement inclus dans cette première phase.

Contrairement à ce qui a été observé avec le cas du PNM de l’estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis, l’état des lieux n’a pas servi à poser les bases de la concertation en favorisant l’implication des acteurs locaux. Trois éléments sont à la base de ce constat. Premièrement, on retrouve le peu de rencontres effectuées par la mission d’étude. En effet, aux îles de la Madeleine, le comité consultatif ne s’est réuni qu’à quatre reprises au cours des deux années durant lesquelles se sont déroulées les études et un seul atelier d’échange a été organisé67 comparativement au projet français ou quatorze réunions thématiques ont eu lieu en quatre mois. Un deuxième élément de réponse ressort de cette observation, soit le temps

67 L’atelier d’échange organisé aux îles de la Madeleine s’apparente aux ateliers thématiques réalisés en France :

écoulé entre chacune des rencontres. Le fait que les réunions aient été espacées dans le temps a rendu difficile l’appropriation du projet par les membres du comité consultatif. Troisièmement, ces réunions n’étaient ouvertes qu’à un faible nombre d’acteurs locaux ce qui a participé à cloisonner l’information. Bien que les membres aient eu pour mandat de relayer l’information, celle-ci n’a pas été diffusée largement auprès de la population. L’information est plutôt restée au sein des organismes et associations représentés par les participants. Tant dans le cas de l’AMP des îles de la Madeleine que dans celui du PNM de l’estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis, la mission d’étude avait fait le pari que l’information diffusée aux participants serait retransmise dans leurs réseaux afin qu’elle soit accessible au plus grand nombre. Or ce n’est pas ce qui est arrivé, l’information est restée entre les mains d’une minorité d’acteurs.

Finalement, ces trois éléments – fréquence, temporalité et participation restreinte - ont fait en sorte que la communauté des îles de la Madeleine, tout comme les membres du comité consultatif, ne se sont pas sentis partie prenante au projet dans cette première phase. Malgré cela, les répondants se disent satisfaits des résultats produits par les études et trouvent qu’elles sont en phase avec le milieu d’où l’atteinte partielle de l’objectif lié à cette première étape.

4.3.3.3. Retour sur l’état des lieux

On retient que dans les deux cas observés, l’état des lieux s’inscrit davantage dans de la consultation que de la concertation en raison de l’objectif principal poursuivi : faire une étude de caractérisation du territoire afin d’évaluer le potentiel de création d’une AMP. Les démarches initiées afin d’atteindre ce but n’ont pas été les mêmes dans les deux cas observés :

- Le cas français a réalisé son état des lieux en instaurant un dialogue entre acteurs locaux et experts via les rencontres thématiques. Ces dernières ont permis de décloisonner l’information et d’enrichir les connaissances des uns comme des autres. De cette première phase a résulté un sentiment d’inclusion chez les participants.

- Le cas canadien, malgré les efforts de la mission d’étude, a davantage été témoin de travail en silo. Peu d’échanges ont été réalisés entre les experts et les membres du comité consultation tout comme avec les acteurs locaux. Les répondants ne se sont pas sentis réellement parties prenantes du projet

AMP îles de la Madeleine

PNM estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis

Temps écoulé entre les rencontres Élevé Faible

Fréquence des rencontres Faible Élevé

Accessibilité aux rencontres Élevé Élevé

Ouverture aux rencontres Faible Élevé Accessibilité de l’information pour les

participants

Élevé Élevé

Accessibilité à l’information pour les non- participants

Faible Faible

Sentiment d’appartenance au projet Faible Élevé

Tableau 4 : Paramètres ayant une influence sur l’inclusion des participants lors d’une démarche consultative

Tel que nous avons pu le voir, du cas français a résulté une grande satisfaction des répondants due à l’écoute et l’inclusion dont a fait preuve la mission d’étude à l’égard des acteurs locaux. Du côté québécois, le constat est autre. Si on y retrouve plus de réserves, c’est d’une part, parce que cette première phase a été pilotée autrement. Et, d’autre part, l’on doit prendre en considération que le processus s’est arrêté à ce stade68, dès lors il est plausible de penser que la perception qu’ont eu les Madelinots de cette première phase aurait pu être autre s’ils avaient eu une vision globale du processus de mise en place. Ce faisant, il est permis de penser qu’il était peut-être plus facile pour les répondants français de voir positivement la phase de consultation sachant qu’ils ont été concertés par la suite en ce qui a trait à la définition du projet de PNM.

Effectivement, rappelons qu’en France trois phases de concertation ont suivi l’état des lieux. Ce faisant, les acteurs locaux ont été amenés à se prononcer sur le futur périmètre du PNM, sur ses orientations de gestion ainsi que sur son conseil de gestion. Puisque ces différentes phases ne sont pas comparables au projet d’AMP aux îles de la Madeleine, car inexistantes chez ce dernier, nous ne nous y attarderons pas individuellement, mais plutôt au travers l’analyse des acteurs qui s’y distinguent. Malgré le fait que nos deux projets n’en étaient pas au même stade lorsqu’ils ont été étudiés et qu’ils n’aient pas usé des mêmes mécanismes participatifs, tous deux nous permettent d’observer les jeux de pouvoir dans les configurations d’acteurs clés. À cet effet, trois catégories d’acteurs se démarquent : les élus locaux, les représentants de l’État et les professionnels de la mer.