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CHAPITRE 3 méthodologie de recherche

3.1. P RESENTATION DES TERRAINS D ’ ETUDE

3.1.1. Les îles de la Madeleine (province du Québec, Canada)

L’aire d’étude pour le projet d’aire marine protégée aux îles de la Madeleine se situe au cœur du golfe du Saint-Laurent. Entre l’estuaire36 du Saint-Laurent et l’océan Atlantique,

36 Le Saint-Laurent se divise en trois tronçons : fluvial, estuaire et golfe. L’estuaire est la zone qui relie le fleuve

le golfe forme une véritable mer intérieure couvrant plus de 226 000 km² (Comité ZIP37 des îles de la Madeleine, 2002).

D’une superficie de 17 000 km², l’aire d’étude est circonscrite à l’intérieur des frontières québécoises (UQAR, 2014a). Celle-ci est composée principalement du plateau madelinien, plate-forme ayant une profondeur de moins de 100 mètres, mais également d’une partie du Chenal Laurentien pouvant aller jusqu’à 440 mètres de profondeur (Ibid.). La zone à l’étude est formée essentiellement de roches sédimentaires et de dépôts de sédiments sableux (Canada-Québec, 2016b). Ses eaux sont parmi les plus chaudes du golfe et possèdent, tout comme la mer des Pertuis, une salinité moindre qu’ailleurs en raison de l’apport en eau douce du fleuve, des affluents ainsi que de l’eau d’origine terrestre (Ibid.). Nous tâcherons ici de dresser un portrait des aspects écologiques, économiques et sociaux caractérisant l’aire d’étude de l’AMP des îles de la Madeleine.

En ce qui a trait aux caractéristiques écologiques, le plateau madelinien est un milieu riche et diversifié. En raison de son abondance en zooplancton, il constitue une zone d’importance pour l’alimentation et la croissance de plusieurs espèces halieutiques (Canada- Québec, 2012b). C’est également une zone de frai et d’alevinage pour certains poissons tels que le hareng, le maquereau et l’éperlan arc-en-ciel (Ibid.). On retrouve aussi une grande variété d’invertébrés dont le homard, le crabe commun et divers mollusques (Ibid.).

Plusieurs mammifères marins fréquentent également le territoire que ce soit annuellement – le phoque gris et commun, etc. – ou de manière occasionnelle - phoque du Groenland, petit rorqual, rorqual commun, dauphin à flancs blancs, etc. (UQAR, 2014a). On y retrouve aussi certaines espèces menacées ou vulnérables, dont le marsouin commun ou encore la tortue luth (Ibid.).

Au plan économique, il existe deux secteurs phares aux îles de la Madeleine : l’industrie de la pêche et du tourisme (UQAR, 2014b). Les caractéristiques physiques et biologiques qui définissent le milieu marin entourant l’archipel permettent la création d’un écosystème unique favorable à l’exploitation des ressources halieutiques. Ce secteur d’activité occupe à lui seul un tiers des emplois du territoire (Ibid.). Parallèlement, avec ses paysages à couper le souffle, l’archipel accueille annuellement près de 60 000 visiteurs ce qui génère des retombées économiques significatives (Tourisme îles de la Madeleine, 2014). L’industrie touristique « permet [ainsi] la création et le maintien d’emplois [tout en stimulant] les entreprises locales. » (Ibid. : 1). Soulignons ici le lien existant entre les deux pôles économiques – pêche et tourisme – et le milieu marin : tous deux en sont dépendants. Alors que l’exploitation des ressources halieutique nécessite un milieu marin sain et productif, l’attractivité dont bénéficie les îles de la Madeleine repose notamment sur la beauté des paysages forgés par la mer.

Par ailleurs, il convient de mentionner que le lien qu’entretiennent les Madelinots avec la mer est bien plus qu’économique ; il est culturel. La culture madelinienne a été façonnée par le milieu maritime depuis plus de 200 ans. La vie et l’histoire des Madelinots étaient autrefois tournées vers la mer (UQAR, 2014b), ce qui a participé à la création d’un patrimoine culturel maritime matériel - ports, phares, fumoirs, quais, épaves, etc. – et immatériel – histoires, événements, musique, etc. – encore aujourd’hui très présent sur le territoire. Ainsi, habiter aux îles de la Madeleine, « c’est […] entre autres vivre en contact permanent avec l’océan et la navigation, à travers les pêches, le commerce, le tourisme, [le patrimoine], et, de plus en plus, les loisirs en mer. » (UQAR, 2014b : 38).

Afin de compléter le portrait de la zone à l’étude, il convient de mettre de l’avant deux enjeux environnementaux : la qualité des eaux et les énergies fossiles. Tout d’abord, selon des études menées par le MDDELCC, les eaux profondes du golfe du Saint-Laurent s’appauvrissent en oxygène et deviennent plus acides. Cette situation serait principalement

causée par la modification des courants océaniques – dûe au changement climatique – entrainant des « apports plus importants en eau moins oxygénée et plus chaude venant du

Gulf Stream » (Québec, 2014). La hausse de la température des eaux profonde du Saint-

Laurent favorise une augmentation de l’activité bactérienne responsable tant de la baisse en oxygène, mais également de l’acidification du golfe (Ibid.)

Ensuite, l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures dans le golfe du Saint- Laurent soulèvent de nombreuses questions notamment en ce qui a trait aux impacts que pourrait avoir un déversement sur cet écosystème unique d’une grande fragilité (GREMM, 2016). Pour l’instant, il n’existe aucune activité pétrolière sur la portion maritime québécoise en raison d’un moratoire instauré en 199738 (Turmel et Pittet, 2011).

Par ailleurs, malgré la présence de ce moratoire, trois initiatives visant à recueillir davantage de données concernant tant le potentiel pétrolier et gazier - Plan d'exploration

pétrole et gaz naturel au Québec 2002-2010 – que les caractéristiques biophysiques, sociales

et économiques concernant le golfe du Saint-Laurent - Évaluations Environnementales

Stratégiques (EES) – ont eu lieu en vue d’éventuels travaux d’exploration du milieu marin.

En réponse aux résultats émis par la première ESS (2011), le gouvernement du Québec a interdit toutes activités pétrolières sur le secteur étudié39 en raison de sa fragilité et de sa complexité (GREMM, 2016). Or de telles conclusions ne semblent pas être de mises pour la deuxième ESS couvrant les bassins de la baie des Chaleurs, d'Anticosti et des îles de la

38 Ce dernier a été mis en place afin que le gouvernement québécois puisse conclure une entente avec le

gouvernement fédéral concernant l’exploitation des hydrocarbures38. Ainsi, le gouvernement du Québec a

modifié sa législation afin de l’arrimer avec la législation fédérale voulant que l’accès aux ressources soit fondé sur un système d’appels d’offres et non sur « le principe du « free mining », en vertu duquel tout le monde a accès aux ressources, les droits d'exploration sont accordés au premier demandeur et, dans le cas d'une découverte, le demandeur est assuré d'obtenir les droits d'exploitation des ressources. » (Turmel et Pittet, 2011). Ainsi, pour permettre la transition d’une législation à une autre, un moratoire a été instauré.

39 Le secteur couvre le nord-ouest du golfe et de l'estuaire du Saint-Laurent, du parc marin du Saguenay-St-

Madeleine (Turmel et Pittet, 2011). Si tel est le cas, c’est notamment parce que dans le bassin de Madeleine on retrouve la structure géologique Old Harry (voir figure 9), à cheval sur la frontière entre le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador qui « pourrait renfermer des réserves de gaz naturel exploitables de l’ordre de 140 milliards de m³, soit 1,5 à 2 milliards de barils en équivalent pétrole. » (GENIVAR, 2011 : 19). Ainsi, les gouvernements du Québec et du Canada ne veulent pas exclure la possibilité d’aller de l’avant avec l’exploration et l’exploitation de ce site.

Figure 9 : Site du gisement Old Harry Source : Radio-Canada. 2016.

À ce jour, l’incertitude continue de régner quant à l’exploitation des hydrocarbures dans le golfe : en septembre 2016, le permis d’exploration pétrolière pour le gisement Old Harry, détenu par Corridor Resources, a obtenu une prolongation de quatre ans – le permis que possédait la compagnie expirait le 14 janvier 2017 (Radio-Canada, 2016).

En définitive, nous retiendrons qu’il existe une unité entre le milieu marin et les acteurs locaux : on est en présence tant d’une interdépendance que d’une interinfluence. Voyons maintenant ce qu’il en est pour notre deuxième terrain d’étude, soit l’estuaire de la Gironde et la mer des Pertuis.